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Ce lundi, chez Christie’s, Aurel Bacs arbitre un duel de géants
 
Le 17-11-2009
de Business Montres & Joaillerie

Un Aurel Bacs au mieux de sa forme, un catalogue superlatif, un Jean-Claude Biver déchaîné, un musée Patek Philippe décidé à enrichir ses vitrines et des amateurs passionnés : l’événement horloger, c’était ce matin à Genève, à la vente Christie’s.

Votre Quotidien des Montres y était pour vous raconter un combat homérique...


••• AUREL BACS POUR SCÉNARISER LES ENCHÈRES
Le catalogue genevois de Christie’s pour cet automne 2009 était exceptionnel : Business Montres avait attiré l’attention de ses lecteurs à ce sujet dès le 17 octobre dernier. Inutile donc de revenir sur l’extraordinaire richesse de ces 381 lots. En revanche, ce matin, le spectacle était dans sa salle, avec un Aurel Bacs au mieux de sa forme et des acheteurs qui semblaient mieux réveillés que la veille ou l’avant-veille (Business Montres reviendra plus tard sur les autres ventes du week-end).

On ne s’ennuie jamais avec Aurel Bacs, qui se juche comme un prédicateur sur une sorte de chaire en acajou, d’où il domine l’assistance en la captivant par une gestuelle étonnante. Il occupe tout l’espace disponible, sur 360°, avec ses grands bras et ses mouvements de buste. Sa jonglerie entre le français, l'anglais, l'italien et l'allemand est étourdissante. Un jour, il adjugera en mandarin ! Son stylo et son marteau changent de main pour souligner le discours « non verbal », qui s’appuie également sur les mimiques, les sourires et les froncements de sourcil du nouveau wonder boy de la dispersion horlogère (ci-dessus).

Il se penche, il recule, il bascule le torse et il en vient presque à tourner le dos à la salle, dans un dynamique qui suspend l’assistance à ses mouvements. Ses mains découpent l'espace devant lui et créent une sorte de géographie virtuelle entre les différentes zones du salon de ventes. Au fil des enchères, on le soit s’accouder à sa chaire, prendre son élan comme pour s’élancer vers le public, repartir vers l'arrière et tout arrêter, son et image, le temps de rétablir le silence après trop de bavardages dans une salle bondée à craquer.

Il a l'art d'accoucher l’enchérisseur d’un regard appuyé ou d’un geste de la main et de plaisanter avec la salle, en alternant les gestes amples et les petits coups de marteau nerveux. « Going on, going on » : il relance les acheteurs « al telefono », tance l'acheteur « back to Shanghai » et annonce la « dernière chance » d’acquérir les trésors qu’il redistribue aux marchands venus de toute la planète (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Italie) ou pendus au téléphone avec les gracieuses collaboratrices multilingues de Christie’s.

Il ne vend pas, il s'amuse : il savoure l'instant, il invente une nouvelle magie et il met en scène quelques nouvelles scènes de la passion horlogère, dans la débauche traditionnelle de beaux objets, de grands frissons et de lourds francs suisses. Dans la salle, Jean-Claude Killy – qu’on sait assez collectionneur de Rolex pour avoir donné son nom à un fameux chronographe triple date – discute avec Jean-Claude Biver, venu faire ses courses pour constituer le patrimoine de ses enfants.

Après les premiers lots de mise en bouche, le climat se tend dans la salle. On aborde les lots de la fameuse série « A Connoisseur’s Vision », dispersion d’une partie de la collection d’un célébrissime amateur milanais, qui avait eu le flair d’engranger de nombreux trésors horlogers avant l’envolée des prix de ces quinze dernières années. Ce n'est qu'une partie de la collection : vu le succès du premier acte, ça promet pour la suite...



••• JEAN-CLAUDE BIVER POUR CRÉER LA SURPRISE
Au second rang, un amateur pas comme les autres : Jean-Claude Biver (Hublot), dont on se souviendra qu’il avait acheté, pour enrichir son patrimoine horloger familial, la pièce unique Patek Philippe de la vente Only Watch 09 (révélation Business Montres du 25 septembre). Son catalogue est tout corné : c’est un outil de travail, bourré d'annotations, qui vont beaucoup servir au cours de cette matinée.

Dès qu’il lève la main, la salle cesse de ronronner : il n’est pas si fréquent de voir une « star » de l’horlogerie contemporaine enchérir directement de sa chaise. D’habitude, tout passe par des ordres d’achat. Là, Jean-Claude Biver est venu se faire plaisir. Il aime ces ambiances où tout peut basculer en un clin d’œil. Il a évidemment les moyens de ses ambitions collectionneuses, mais le ballet gestuel et verbal dont Aurel Bacs nimbe cette vente augmente visiblement son plaisir. C’est à la qualité de l’assistance qu’on repère les ventes-événements : là, nous sommes au cœur de l’action et on sait que Jean-Claude Biver adore créer l'événement.

Les records commencent à tomber pour chaque référence de prestige. Même les « petites montres » sont emportées par le mouvement : tendance haussière absolue, ce qui n’était pas le cas la veille au soir à la dispersion neurathénique de Sotheby’s. Les montres émaillées du XIXe siècle « cartonnent » autant que les montres de la révolution horlogère (70 000 francs pour un quantième perpétuel Antiqua de Vianney Halter, c'est très rassurant !).

Parlons chiffres. 495 000 francs pour la Rolex à cadran étoilé, sans doute la plus haute cote jamais atteinte aux enchères pour cette référence. Premières joutes entre Jean-Claude Biver et le musée Patek Philippe à propos du lot 82, une des trois seules heures sautantes jamais réalisées par Patek Philippe avant la fin du XXe siècle : 270 000 francs. Suit un chronographe réf. 130, qui a l’air de sortir du magasin alors qu’il a quitté la manufacture il y a 80 ans : 295 000 francs. Nouveau duel pour le calendrier triple date réf. 1526 : 2,4 millions de francs – cette fois, c’est le musée Patek Philippe qui l’emporte, mais Jean-Claude Biver a lutté jusqu’au bout (l’estimation était plantée un million au-dessous de cette enchère)...

Le bras de fer se poursuit sur d’autres lots, circonscrivant la bataille entre l’acheteur du musée Patek Philippe au premier rang et Jean-Claude Biver au second rang. On ne compte plus les records absolus. Arbitre ponctuel de la bataille : le plus fameux acheteur et collectionneur italien, qui laissera échapper le dernier lot de la matinée, un calendrier triple date réf. 3448/100, à 650 000 francs en faveur de Jean-Claude Biver. Sinon, le tout premier chronographe réalisé par Patek Philippe dans les années vingt (pas de référence) sera bientôt dans les vitrines du musée, Jean-Claude Biver ayant craqué à 760 000 francs face à Patek Philippe qui en posait 780 000 sur la table.

C’était donc le duel des géants, avec des millions qui changent de main et quelques dégâts collatéraux sur les lots moins prestigieux, qui semblaient eux aussi emportés par le feu des enchères : à peine 3 % de lots non vendus ce matin, pour déjà 9 millions de francs suisses engrangés sous le marteau et plusieurs records du monde nettement battus – comme on pourra le vérifier en fin de vente.

On s’attend à flirter avec de nouveaux sommets cet après-midi, avec une reprise du combat des titans. Business Montres sera là pour vous raconter les coulisses d’une vente mémorable.

 



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