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La direction de Péquignet vient de renoncer aux trois millions d’euros que l’Etat lui proposait pour aider à l’industrialisation de son « calibre 100 % maison ».
Peur de la « transparence » ?
Du coup, le temps suspend son vol pour l'ex-« manufacture » Péquignet...
••• « MON MOUVEMENT, JE LE FERAI »
Ce propos rageur est la réponse de Didier Leibundbut à la presse (L’Est républicain de ce matin, qui cite Business Montres) quand elle l’interroge sur son refus de la subvention de trois millions d’euros que l’Etat français lui proposait, au titre de l’aide à l’industrialisation d’un mouvement hâtivement présenté comme le « premier mouvement manufacturé en France » depuis les années Lip. Ce qui était faux (Business Montres a déjà évoqué le sujet)...
En fait, ces trois millions d’euros n’étaient pas une subvention du FSI (Fonds stratégique d’investissement), levier industriel de l'administration pour financer les projets innovants. Il s’agissait d’une prise de participation par le biais d’une augmentation de capital. Sous certaines conditions de « transparence », évidemment, et avec un accès aux comptes, la République ne signant pas volontiers de chèque en blanc.
Cette transparence a-t-elle fait peur à Didier Leibundgut, qui mène la barque Péquignet avec une intransigeante omnipotence ? Impossible de le savoir, la direction de Péquignet restant murée dans un troublant autisme médiatique. Silence d’autant plus gênant qu’on apprend, à propos de ce dossier, que l’entreprise Péquignet a déjà bénéficié, pour le développement de ce mouvement, de 200 000 euros de soutien de la région Franche-Comté et de 300 000 euros du fonds Oseo. Soit un demi-million d’euros dépensés de façon discrétionnaire, pour un mouvement dont l’industrialisation – c'est-à-dire le passage à l'acte après les premiers prototypees – se trouve désormais plus que compromise sans le soutien de l’Etat.
••• PRIVÉS DE BALLON D'OXYGÈNE...
D’autres entreprises horlogères régionales étaient au même moment en grande difficulté : on songe ici à TechnoTime (Valdahon), dont les mouvements étaient déjà en cours d’industrialisation, mais qui est depuis quelques jours en liquidation. On peut également évoquer le cas de la marque Alain Silberstein, dotée d’un très fort potentiel international, mais placée en redressement judiciaire (prolongé jusqu’au printemps) pour cause d’annulations de commandes en début de crise.
C’est ici que le demi-million d’euros dépensés en pure perte pour Péquignet pose problème : stratégiquement, économiquement et même commercialement (pour ne pas dire techniquement), ce projet de mouvement « Made in France » – sympathique en soi – a souffert dès son lancement d’une conception fautive de la verticalisation, surtout pour une marque de moyenne gamme aux volumes chancelants. Pour réaliser un tel calibre à un prix de marché réaliste, il faudrait les volumes de quatre ou cinq maisons comme Péquignet – ceci sans se prononcer sur la pertinence d’un mouvement « Made in France » alors que les marchés exigent du Swiss Made dès qu’il ne s’agit plus de « marques de niche »...
Par défaut de lucidité et de connaissance du dossier, on a donc gaspillé bêtement les ressources de la puissance publique : les salariés licenciés par TechnoTime auraient apprécié un ballon d’oxygène à hauteur de ce demi-million...
••• C’EST PEUT-ÊTRE UN POINT DE VUE LIBERTARIEN, mais l’argent public pris dans la poche des citoyens et dépensé par les bureau-technocrates a très très rarement des effets d’entraînement vertueux. On le vérifie avec l’aventure Péquignet, dont le « calibre maison » hyper-subventionné a désormais du plomb dans le rotor...
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