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Le Conseil fédéral durcit la protection des produits industriels pour lutter contre les contrefaçons. Provoquant l’indignation d’IG Swiss made.
Le Conseil fédéral engage la lutte contre la dilution du «Swissness», a annoncé hier Eveline Widmer-Schlumpf, cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP). Suite à la multiplication des abus qui ont donné lieu à des plaintes et diverses interventions parlementaires portant sur l’importance du «Swiss made», en particulier dans l’horlogerie, l’Exécutif entend renforcer la protection de la désignation «Suisse» et de la croix suisse au niveau national et à faciliter la mise en oeuvre à l’étranger. Si les produits suisses bénéficient d’une excellente réputation et sont appréciés pour leur qualité et leur fiabilité, ils font aussi l’objet de contrefaçons et de piratages massifs.
Or, dans le domaine de l’horlogerie, des bijoux ou des chocolats, la «plus-value liée à la Suissitude» peut représenter jusqu’à 20% du prix de vente, constate une étude en 2008 de l’Université de Saint-Gall. Si dans le secteur de la pharma ou des machines, elle n’atteint que 1 à 2%, le bonus pour cette dernière se chiffre toute de même à 1,2 milliard.
Le projet gouvernemental établit plusieurs distinctions. Alors que 50% du prix de revient devait être réalisé en Suisse pour les produits industriels, comme les machines, les couteaux et les montres, il est prévu de le porter à 60%. Les coûts liés à la recherche et au développement peuvent être pris en compte dans ce calcul. En ce qui concerne la plupart des denrées alimentaires, qui entrent dans la catégorie des produits naturels transformés, 80% au moins du poids des matières premières qui composent le produit doivent provenir de Suisse. Les exceptions prévues permettent d’exclure du calcul les matières premières inexistantes sur place (comme le cacao) ou qui viendraient à manquer en raison momentanément, comme de mauvaises récoltes par suite d’intempéries.
Pour ces deux catégories, un deuxième critère, cumulatif, nécessite d’être rempli: il faut que l’activité procurant ses caractéristiques essentielles au produit se déroule en Suisse. Enfin, une entreprise n’aura le loisir de proposer des services suisses, qu’à condition que son siège et sa direction s’y trouvent. «Les sociétés boîtes aux lettres sont exclues», a observé Felix Addor, directeur suppléant de l’Institut fédéral de la Propriété intellectuelle (IPI).
La révision octroie la possibilité de faire inscrire des indications géographiques pour des produits non agricoles dans un nouveau registre tenu par l’IPI. L’horlogerie aura ainsi le droit de marquer une montre de l’estampille «Genève ». «De cette façon, la Fédération horlogère pourra, par exemple, défendre ses droits sur des marchés étrangers comme la Chine, en rappelant que le gouvernement suisse a délivré une marque d’enregistrement», nous a expliqué Addor.
Le Conseil fédéral entend aussi mettre à disposition des producteurs l’utilisation de la croix fédérale pour des produits suisses, «un important vecteur publicitaire». Les armoiries suisses, réservées en principe à la Confédération, pourront encore bénéficier d’une exception accordée à des sociétés qui les utilisent depuis des décennies, tels Victorinox ou le TCS. Si le projet passe la rampe du Parlement, l’IPI pourra désormais se constituer comme partie plaignante, un nouveau moyen de pression qui suscite des craintes chez certains. La dénonciation faite cet été par l’entrepreneur Schaffhousois Thomas Minder contre Victorinox, accusée d’avoir importé des produits fabriqués en Chine, poinçonnés de la croix suisse est encore dans les mémoires.
Les débats parlementaires, l’an prochain, risquent d’être agités. Le durcissement du Conseil fédéral a ainsi suscité l’indignation d’IG Swiss made, un regroupement de 25 petits horlogers comme Mondaine, inquiets de se voir forcé d’acheter des boîtiers et cadrans en Suisse à des prix beaucoup plus élevés que jusqu’alors. L’USAM a également exigé une correction des coûts de fabrication.
Edgar Bloch
AGEFI |