|
Il y a bien longtemps, dans une lointaine horlogerie, très lointaine...
Au nom de l’empereur Abraham Louis Perrelet, les forces de l’histoire officielle ont remporté la victoire.
Seule une poignée de rebelles ose défier les manuels impériaux.
Leur seul espoir : un plan secret qui peut rétablir la vérité, la justice et la paix dans toute la galaxie horlogère...
••• LE DOCUMENT CACHÉ QU’IL FALLAIT RETROUVER
Dans la querelle qui oppose les historiens officiels de l’horlogerie (tenants de la thèse Perrelet) à Joseph Flores, qui soutient la thèse Sarton, le moins qu’on puisse dire est que la documentation n’est pas abondante. Toute nouvelle pièce à verser au dossier est donc d'une importance capitale.
Côté Abraham Louis Perrelet, on ne dispose que d'une note au crayon datée de 1777, dans laquelle Horace-Bénédict de Saussure, physicien et naturaliste, écrit dans son carnet avoir rencontré « Monsieur Perlet, l’inventeur des montres qui se remontent par le mouvement de celui qui les porte ». Côté Sarton, les 12 feuillets d'un dépôt officiel à l'Académie royale des sciences, le 23 décembre 1778. Rien de plus, ce qui a permis à Jean-Claude Sabrier, l’historien spécialiste du XVIIIe siècle horloger, d’écrire, à propos du rapport de Sarton : « La description, qui n’est pas illustré par un croquis, pourrait également se référer à une montre avec masse oscillante pivotant sur le bord de la platine » (Europa Star, n° 218, 1996).
On ne va pas refaire tout le film sur ce débat d’historiens, dont Business Montres a très souvent rendu compte au cours de ces dernières années (*). Débat qui était un peu bloqué, le David rebelle qu'est Joseph Flores ne faisant pas le poids face aux Goliaths de l’établissement horloger...
Sauf que l’histoire s’écrit avec des documents. Et aussi, souvent, avec beaucoup de chance. C’est là qu’on change de film pour passer des Tontons flingueurs (sartonistes contre perreletistes) à Star Wars : un tout petit dessin peut changer le destin de la galaxie, tout comme les plans de l’Etoile de la mort, cachés dans la mémoire de R2 D2, peuvent sauver l’Alliance Rebelle.
••• LE DESSIN OUBLIÉ QU'IL SUFFISAIT DE DEMANDER
En août 2009, un chercheur liégeois cherche des documents pour étudier l’apprentissage d’Hubert Sarton [horloger liégeois célèbre dans de nombreuses cours européennes du XVIIIe siècle] chez l’horloger français Pierre Le Roy. Il écrit à l’Académie des sciences de Paris, qui lui répond le 2 septembre en évoquant un rapport du 16 septembre 1778 et « un dessin (1 p) ».
Ce chercheur liégeois, André Thiry, et Joseph Flores travaillant ensemble à un ouvrage historique, l’information sur ce « dessin (1 p) » circule vite. Joseph Flores n'a évidemment jamais entendu parler d'un tel croquis : concerne-t-il la montre « automatique » déposée ce jour-là par Sarton ou la pendule « de compagnie » présentée le même jour ? Dessin de montre ou dessin de pendule ?
On imagine la fébrilité de Joseph Flores, à qui les historiens tenants de la thèse officielle perretiste reprochaient justement de ne s’appuyer sur aucune preuve technique. La documentaliste des archives de l’Académie des sciences lui envoie immédiatement une copie de ce dessin, qui avait donc été déposé à l’Académie royale des Sciences de Paris en septembre 1778, deux mois avant la séance du 16 décembre 1778.
Le document est modeste, un peu jauni, avec des traces de pliure. C'est une bombe documentaire, qui n'a sans doute pas été manipulée depuis le XVIIIe siècle. On y lit, à l'encre, au recto, « Montre de m. Sarton de Liège 1778 ». Avec un ajout au crayon « Montre qui se remonte d’elle-même » « Sarton » « M – 16 déc 1778 » « R – 23 déc 1778 ».
Autre précision au verso, en marge du dessin et du cachet des archives de l’Académie royale : « Montre de M. Sarton 23 Xbre 1778 ». L’authenticité de ces documents, reproduits ici pour la première fois, est indubitable, historiquement, scientifiquement et horlogèrement. Business Montres verse ces pièces au dossier, en attendant une analyse graphologique approfondie des inscriptions portées sur le schéma de Sarton, qu'il s'agissait de comparer aux écritures autographes de Sarton retrouvées sur d’autres documents régigés de sa main.
Autre document pour l’histoire : la lettre des Archives de l’Institut de France, qui veille sur le patrimoine de l’Académie des sciences. Certaines lignes ont soulignées en rouge par André Thiry, qui ne soupçonnait pas à quel point ce « dessin (1 p) » (souligné deux fois !) était une relique vénérable certes, mais capable de dynamiter toutes les thèses officielles sur l’invention du mouvement automatique par Abraham Louis Perrelet.
Interrogé par nos soins sur ce dessin, dont il n'avait pas non plus connaissance, Jean-Claude Sabrier a refusé toute discussion à son sujet et réfuté par avance toute validité documentaire à une pièce aussi miraculeusement exhumée...
••• L'HISTOIRE HORLOGÈRE QU'IL FAUDRA BIEN CHANGER
On imagine l’émotion de Joseph Flores quand il a enfin tenu entre ses mains ce dessin, son « Graal » historique, après seize années de recherches – et de rebuffades – sur la vraie histoire de la montre automatique, à laquelle il a consacré sa retraite d’ancien horloger. On imagine aussi à quel point il s’est immédiatement plongé dans sa propre documentation pour vérifier si ce dessin – dont on démontrera plus tard qu’il est de la main de Sarton – correspondait très précisément aux cinq montres « perpétuelles à roue de rencontre » [les premières vraies montres automatiques, dont les ébauches sont sensiblement identiques] connues jusqu'ici et généralement attribuées à Perrelet...
Ainsi donc, non seulement Hubert Sarton était un vrai horloger, capable de concevoir et de dessiner un calibre mécanique totalement innovant, mais il s’impose plus que jamais comme le premier « inventeur » historiquement attesté, preuves écrites et visuelles à l’appui, du mouvement automatique à rotor. Un inventeur liégeois qu'il faudra désormais faire entrer dans les manuels d'horlogerie suisses !
••• Fin de ce premier épisode façon Retour du Jedi dans la galaxie horlogère : Business Montres reviendra très vite sur le résultat des analyses graphologiques en cours, destinées à authentifier de façon certaine et définitive le dessin autographe d’Hubert Sarton.
(*) PARMI LES DERNIERS ARTICLES : « Et si on nous donnait des preuves pour cet Abraham Louis ? » (21 décembre dernier), « Révision déchirante » (28 septembre), « Reçu la dernière édition du livre de Joseph Flores » (13 novembre)... |