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Cette histoire de dessin de Sarton retrouvé par hasard ne peut que soulever des doutes légitimes : comment authentifier un croquis aussi décisif pour l’histoire horlogère ?
••• TROP DE COÏNCIDENCES POUR ÊTRE FORTUITES
En racontant la semaine dernière le premier épisode de la « Guerre des rotors » et le « retour d’Hubert Sarton » sous les feux de l’actualité, Business Montres émettait cependant quelques réserves sur l’attribution à l’horloger liégeois du croquis retrouvé dans les archives de l’Académie des sciences.
On sait que l'affaire est passionnante pour l'histoire horlogère (*), dont un des chapitres officiellement clos vient d'être réouvert par ce croquis, avec une question pendante : qui est l'inventeur du premier mouvement automatique historiquement attesté, le Liégeois Hubert Sarton ou le Suisse Abraham Louis Perrelet ?
Pour s’assurer de l’authenticité de ce document, il suffit d’en comparer l’écriture [les commentaires relevés autour du croquis horloger] avec celle de billets autographes de Sarton, écrits sensiblement à la même époque. Horloger bien connu de ses contemporains [même s’il ne l’est apparemment pas des historiens de l’horlogerie du XVIIIe siècle], Hubert Sarton a laissé assez de traces manuscrites pour qu’on puisse tenter une vérification.
Pour cette analyse graphologique, deux documents (entre quelques dizaines d’autres) peuvent faire foi pour être comparés aux phrases relevées sur le croquis déposé à l’Académie des sciences de Paris (1778) :
• un reçu de paiement pour une pendule vendue en 1775 ;
• une lettre adressée par Sarton et quatre horlogers de Liège au prince-evêque de Liège en 1781.
Premier constat (document ci-dessus) : les mots manuscrits de 1775 et 1778 sont d’une écriture moins appliquée que ceux de 1781 – ce qui est bien compréhensible puisque cette dernière lettre est une supplique officielle dont l’auteur devait faire bonne impression.
Une comparaison rapide permet d’étudier les articles “de“ et “la“, ainsi que les lettres “p“, “r“ et “s“, ainsi que les signatures : sans rien pouvoir affirmer à 100 % [ce que les experts graphologues refusent de faire, même devant les tribunaux], on peut néanmoins considérer que la main qui a tracé quelques mots sur et autour du croquis déposé à l’Académie des sciences est bien celle de Sarton. Une fois le document en main, toute expertise ne pourra que l’établir mot par mot, à l’aide d’agrandissements impossibles à publier ici. Il y a trop de ressemblances pour qu’elles soient fortuites, à moins de nier à tout prix toute évidence.
On peut donc considérer que le croquis sur lequel Joseph Flores a mis la main est bien le dessin qui accompagnait la présentation de Sarton devant l’Académie des sciences. C’est le dessin de « son » mouvement et c’est sans doute le « chaînon manquant » dont l’histoire avait besoin pour valider définitivement ce chapitre de l’invention du premier mouvement automatique à rotor...
Il ne nous reste plus qu’une ultime vérification : ce croquis est-il comparable aux quatre premiers mouvements automatiques dont nous disposons (musées et collection privée) pour des montres de cette époque ? Ces montres « perpétuelles à roue de rencontre » [les premières vraies montres automatiques, dont les ébauches sont sensiblement identiques] sont les seules connues jusqu'ici : elles étaient généralement attribuées à Abraham Louis Perrelet par les experts des maisons d’enchères qui ont vendues certaines d'entre elles...
••• A suivre donc avec un retour sur ces mouvements « perpétuels », pour examiner en quoi ils peuvent ressembler ou différer du dessin de Sarton retrouvé dans les archives de l’Académie des sciences...
(*) PARMI LES DERNIERS ARTICLES PUBLIÉS SUR CE SUJET : « Et si on nous donnait des preuves pour cet Abraham Louis ? » (21 décembre dernier), « Révision déchirante » (28 septembre), « Reçu la dernière édition du livre de Joseph Flores » (13 novembre)...
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