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L’économie genevoise va renouer l’an prochain avec la croissance, estimée par la BCGE entre 0,5 et 1%. - La chimie, l’horlogerie ou le commerce vont tirer le PIB cantonal vers le haut, à 43,5 milliards de francs.
Même en matière économique, l’exception genevoise se confirme: «Entrée plus vite que le reste du pays dans la crise, l’économie genevoise en est, aussi, ressortie plus tôt», résume Jean-Luc Lederrey, responsable des Etudes financières à la Banque Cantonale de Genève (BCGE). Alors que la Suisse n’est officiellement sortie de la récession qu’au 3e trimestre 2009, Genève avait déjà rompu avec la croissance négative au 2e trimestre (+0,8%).
La machine semble donc incontestablement relancée: si, effectivement, Genève finira l’année dans le rouge, avec un Produit intérieur brut en recul de 2%, nous renouerons en 2010 avec la croissance, estimée entre 0,5 et 1%. Le PIB cantonal, à 43,5 milliards de francs, retrouvera alors son niveau de… 2007. Dès lors, «même si la croissance sera modeste», selon les termes d’Olivier Schaerrer, responsable des relations avec les investisseurs, ce n’est quand même pas si mal!
Cela dit, toutes les branches ne vont pas exulter de la même façon (voir infographie). Au vert, on retrouvera en tête la chimie et la pharma, qui devraient carrément progresser de 6% l’an prochain. Les locomotives de ce secteur sont bien évidemment les deux leaders mondiaux des arômes et des parfums, Givaudan et Firmenich, ainsi que le géant de la biotech, Merck Serono.
L’horlogerie, également, semble en avoir terminé avec les déstockages massifs; la production reprend gentiment. Enfin, les Genevois ont gardé le goût de la consommation et le commerce (gros secteur endogène) va en bénéficier.
Pour les analystes de la BCGE, cette autre exception genevoise ne laisse pas d’étonner: «C’est une hypothèse, avance Olivier Schaerrer. Mais il se pourrait que les ménages soient, ici, moins enclins à restreindre leur consommation en réaction à la progression du chômage.» Certes, ce dernier a progressé en un an de 1,5 point, comme dans le reste de la Suisse. Certes, à 7% aujourd’hui et très probablement à 7,5% l’an prochain, nous sommes toujours de très loin la lanterne rouge du pays. Mais c’est comme si les Genevois s’étaient habitués à l’insécurité du marché du travail: ses variations ne leur font presque plus peur.
Enfin, Genève présente une troisième exception nationale. Qui nous profite en plein. «Genève, canton très tourné vers l’extérieur, exporte largement vers l’Asie», affirme Blaise Goetschin, directeur général de la BCGE. Là où, en moyenne, l’économie suisse retire un franc sur deux de ses ventes à la seule Union européenne, nos entreprises ont, elles, comme second partenaire l’Extrême-Orient (6,1 milliards de francs), qui fait quasiment jeu égal avec l’UE (7,1 milliards de francs) et devance très largement les Etats-Unis (3,1 milliards).
L’informatique souffre
Cette diversification est effectivement une aubaine: la Chine et ses satellites tirent aujourd’hui massivement la croissance mondiale, alors que l’Europe va rester atone l’an prochain et que les Etats-Unis ne sont pas encore tirés d’affaire.
Au rouge, on trouve par contre les services aux entreprises et les activités informatiques, qui pèsent pour plus de 10% dans le PIB cantonal. Selon Olivier Schaerrer, «ce secteur évolue selon une dynamique proche de celle qui caractérise les sous-traitants. Pour faire appel aux sociétés de services, pour se lancer dans des dépenses impliquant des adaptations informatiques, les entreprises ont besoin d’avoir retrouvé un niveau de confiance élevé. Hélas, il ne devrait pas être suffisamment manifeste en 2010.»
Enfin, le gros point noir demeure les banques: «Les problématiques liées au secret bancaire vont incontestablement peser sur le private banking», affirme Blaise Goetschin. Avant la crise, la valeur ajoutée du secteur financier participait pour 25% à notre revenu cantonal. A la fin de l’année 2009, cette part sera tombée à… 18%.
La chimie et la pharma, championnes de la croissance
Givaudan, Firmenich et Merck Serono sont les véritables blockbusters de l’économie genevoise. L’an prochain, les leaders des arômes, des parfums et des biotechnologies vont connaître une croissance six fois supérieure à la moyenne cantonale. Avec l’horlogerie et les télécoms, la chimie est même le secteur qui a réalisé la plus forte croissance de ces dix-sept dernières années.
Depuis 1993, sa valeur ajoutée a plus que doublé, en progressant de près de 160% (soit une avance moyenne de 5,8% par an). Mieux: entre 2000 et 2002, Givaudan et Firmenich ont affiché une croissance comparable à celle de la biotech, avec des bonds de 14% à 15%! Leurs produits, les arômes notamment très liés à l’industrie agroalimentaire, s’exportent partout et en tous temps. L’Asie et les Etats-Unis sont leurs marchés prioritaires. Le secteur emploie aujourd’hui 3400 personnes à Genève, soit une hausse de près de 16% entre 2005 et 2008.
La place financière et la gestion de fortune privées de rebond
C’est un euphémisme que de dire que les banques genevoises ont payé un lourd tribut à la crise financière mondiale. Sous l’effet de l’effondrement des marchés, la place financière a même perdu sa place – traditionnelle – de plus important contributeur au PIB cantonal. En 2007, elle pesait encore 25% dans la création de richesse à Genève. Fin 2009, ce ne sera plus que 18%. Du fait de sa prédominance, les variations que connaît ce secteur pèsent évidemment très fort sur la conjoncture locale. Mauvaise nouvelle: selon la BCGE, l’activité financière ne devrait pas connaître de rebond, l’an prochain. Le private banking sera encore durablement marqué par les discussions, les pressions contre le secret bancaire. Blaise Goetschin, également membre de la Fondation Genève Place Financière, n’observe certes aucun retrait massif des fonds sous gestion, aucun exode. Mais les ressources générées par le private banking sont, elles, en toute petite forme.
La santé et l’éducation prennent la tête à Genève
C’est historique! Pour la première fois, le secteur privé n’est plus le premier contributeur au PIB cantonal. Depuis le recul des banques, les services publics et parapublics sont aujourd’hui les plus gros créateurs de richesse: un franc sur cinq gagné à Genève provient de l’éducation, de la santé et du social. Selon les projections de la BCGE, le secteur public va, en 2010, connaître une croissance de 2,2% et donnera la deuxième plus forte impulsion à l’économie genevoise.
Ce groupe de branches, de par son caractère anticyclique, est, avec le commerce, celui qui a le mieux traversé la crise, avec une progression de 3,9% en 2009. Il englobe également les écoles privées, un secteur qui enregistre, avec la santé, une hausse structurelle depuis plusieurs années. Genève devient-elle donc une économie d’Etat? Non, nous rentrons simplement dans le rang, qui voit, très souvent, le secteur public peser le plus lourd dans le PIB.
Encore des emplois créés
Genève croît toujours
- Récession ou ralentissement économiques ne signifient pas dynamisme inexistant. Entre 2005 et 2009, la Cité de Calvin a ainsi créé 39 000 nouveaux emplois. Et, selon les prévisions de la BCGE pour 2010, cette tendance ne devrait par ralentir. De même, la population résidente devrait, elle aussi, continuer à croître. Pour rappel, en 2008, la population genevoise a augmenté de 1,3%, la masse salariale de 7,5% et le nombre d’emplois de 1,5%.
Le Golfe, même pas peur
- Questionné sur les retombées que pourrait avoir la minicrise de Dubaï sur la place financière genevoise, Blaise Goetschin n’a pas de craintes. Les grandes banques suisses ne sont que peu engagées à Dubaï. Et surtout, le directeur général de la BCGE ne doute pas que les Emirats arabes unis vont éponger les dettes de Dubaï, sans même sentir passer l’addition.
A Dubaï et à Hongkong
- La BCGE ne veut certes pas jouer les multinationales de la finance. Il n’empêche qu’elle vient d’ouvrir une représentation à Hongkong et s’apprête à faire de même à Dubaï. La Banque Cantonale y envoie en quelque sorte un observateur avancé. Ce qui l’intéresse? La gestion de fortune, bien évidemment, mais également le financement du négoce de matières premières.
Faillites limitées
- Enfin, la BCGE ne prévoit pas de gros crash parmi les entreprises genevoises. Les crédits bancaires ne se sont jamais resserrés, au contraire. Au pire, les PME pourraient avoir un besoin accru en fonds de roulement (hausse des stocks et allongement des délais de paiement).
Élisabeth Eckert - Tribune de Genève |