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On pourrait aussi créer un classement des plus mauvaises opérations de communication de l’année : les candidats ne manqueraient pas !
Contentons-nous pour l’instant des meilleures, dans tous les styles et pour toutes les marques (par ordre alphabétique pour ne pas faire de jaloux)...
1)
••• CABESTAN
• Le fait : Le transfert chez Cabestan d’Eric Coudray, qui était le maître horloger le plus créatif de l’équipe Jaeger-Lecoultre, où il avait mis au point la série des Gyrotourbillon et des pendules Atmos.
• L’effet : Eric Coudray a crédibilisé, par son seul nom, la proposition horlogère de Cabestan. Maître horloger à l’ancienne, Eric Coudray ne laisse pas sortir une Cabestan qu’il n’aurais personnellement réglée. Sa signature vaut certificat de chronométrie, surtout quand on sait que son Gyrotourbillon (Reverso) a décroché la deuxième place au récent concours Chronométrie 2009. Comme quoi un homme peut changer l’image qu’on se fait d’une marque...
2)
••• EBEL
• Le fait : poursuivant son partenariat avec les grands clubs de football, Ebel a déjà enfilé les maillots des Glasgow Rangers, d’Arsenal, de l’Olympique lyonnais ou du Bayern Munich (qui sont quelques-unes des marques les plus « fortes » du sport mondial), avant de se glisser dans les vestiaires du Realmadrid, premier club du monde. D'autres clubs sont annoncés (Pays-Bas, Italie). Pas mal pour un « petit Suisse » qui n'avait a priori aucune vocation footballmaniaque !
• L’effet : Ebel a ainsi recréé les conditions d’une requalification sportive de la marque, tout en s’offrant un business additionnel non négligeable, tant chez les (riches) supporters des clubs – que d’affaires réalisées dans les loges ! – que chez les amateurs de montres sportives bien identifiées (les Tekton des clubs sont plus qu’intéressantes pour des montres de « manufactures »). Pour qui connaît le dessous des cartes, l’audience de ces « marques » du ballon rond dépasse infiniment la seule pelouse des stades, avec des milliards d’amateurs qui suivent les championnats anglais ou espagnol à travers le monde. L’horlogerie a trop longtemps négligé le monde du football pour ne pas être obligée d’y mettre aujourd’hui les bouchées doubles. Trop tard, le terrain est préempté par Ebel, qui n’a plus guère de concurrents que Hublot (Manchester United), IWC (Zidane est-il un footballeur ou une icône ?) ou Cvstos (futur partenariat avec le PSG). On sait que le Swatch Group s’essaie de son côté à un partenariat sur ce terrain, s'il y reste de la place. Luxe + football : une martingale gagnante ? Analyse de l’eldorado footballistique dans Business Montres (septembre 2008).
3)
••• HUBLOT À BORD D’ALINGHI
• Le fait : Jean-Claude Biver a profité du retrait (stratégiquement absurde) d’Audemars Piguet pour prendre place à bord d’Alinghi, qui va porter les couleurs suisses dans la 33e America’s Cup.
• L’effet : une initiative purement opportuniste, qui va positionner Hublot comme la marque de référence de l’America’s Cup, dans un duel qui sera d’autant plus lisible qu’Alinghi n’aura qu’un seul adversaire, BMW Oracle, qui court sous pavillon américain. Fantastiques gains côté image, côté médias et côté légitimité suisse. Du Biver cousu main, d’autant plus amusant que Hublot a dû débourser pour cette opération à peu près la moitié de ce qui était demandé à Audemars Piguet pour les épisodes précédents. Avoir soufflé Alinghi sous le nez d’Audemars Piguet est d’autant plus cruel que cette marque avait beaucoup reproché à Jean-Claude Biver de s’être un peu trop inspiré de la Royal Oak avec sa Big Bang : où va-t-on si les followers se mettent à dépasser les leaders ?
4)
••• JEAN-CLAUDE BIVER (encore lui !)
• Le fait : il est sur tous les fronts où on peut grappiller quelques gains de communication. En plus d’un sacré réseau relationnel, Jean-Claude Biver est un incroyable renifleur de tendances et un redoutable monteur de « coups fumants ».
• L’effet : aucun terrain de jeu ne lui est étranger. Il réalise un doublé royal avec Alinghi autant qu’avec Manchester United (il faut lire ce partenariat avec un œil asiatique, et non franco-suisse). Sa « désalpe » rustico-médiatique attire aujourd’hui les télévisions japonaises. Il roule en F1 avec Bruno Senna (écurie espagnole Campos Meta-. Son dernier terrain de jeu : les enchères. On l’a vu à Only Watch racheter la pièce unique Patek Philippe et, dans la foulée, éclipser toutes les autres enchères (révélation Business Montres du 25 septembre). On l’a revu à Genève s’offrir quelques Patek Philippe et autres Rolex rarissimes (autre révélation Business Montres du 16 novembre). Sa cote de popularité est au plus haut : ce nouveau Midas de la communication transforme en or tout ce qu’il touche. Et en plomb ce qu’il ne veut pas ou plus toucher (sans Hublot, Fusionman, l'homme volant, s'est naufragé dans le détroit de Gilbraltar !)...
5)
••• MB&F HM N° 2.2
• Le fait : dans l’esprit « capsule », Max Busser a collaboré avec Alain Silberstein pour créer une « Black Box » (HM N° 2.2) qui étend le territoire de la marque MB&F vers un territoire stylistique plus sobre, mais pas moins expressif.
• L’effet : la campagne Internet pour cette HM N° 2.2 était un des raz-de-marée de la rentrée 2009. Un tapis de bombes qui a (provisoirement) muselé les adversaires, voire handicapé d’autres lancements de nouveautés. Résultat : une série sold out après quelques semaines et des demandes impossibles à satisfaire, mais sans doute reportées sur les futures HM N° 2.3 ou M N° 2.4 ! Succès personnel pour Max Busser, qui a personnellement quadrillé le terrain avec Alain Silberstein, lequel s’est remis en selle sur le plan créatif tout en se remettant au niveau côté communication avec un expert tel que Max Busser. La collection HM N° 2 sort d’autant plus renforcée de cet apport silbersteinien qu’elle avait déjà subi avec succès une « épreuve d’artiste » avec la pièce unique conçue par Sage Vaughn pour Only Watch. Il faudrait être obtus pour ne pas imaginer d’autres HM N° 2 « capsule », développées avec des créateurs d’univers connexes à l’horlogerie d’avant-garde.
6)
••• PATEK PHILIPPE
• Le fait : la stratégie de relégitimation permanente par les records aux enchères permet à la manufacture de Genève de rassurer des centaines d’investisseurs à travers le monde et de susciter, même en pleine crise, des vocations de nouveaux collectionneurs à visées plus ou moins spéculatives ou successorales.
• L’effet : dès qu’un record tombe, il est pratiquement à chaque fois pour Patek Philippe, dont les pièces de collection ont traversé la crise sans être égratignées par ses épines. Les montres sont des valeurs-refuge : la preuve par Patek Philippe, qui double cette assertion validée par les enchères d’une campagne de communication on ne peut plus patrimoniale (« Jamais vous ne posséderez complètement une Patek Philippe. Vous en serez juste le gardien... », etc. : il y a dix ans que ça fonctionne !). Cohérence stratégique et entretien du marché par des achats ciblés pour enrichir le musée de la marque, qui fait honte par sa richesse et son ouverture au public à la ville de Genève, qui a fermé le sien il y a sept ans. Même Jean-Claude Biver achète du Patek Philippe, c’est dire si c’est de l’or en boîtier...
7)
••• PATRIZZI & CO
• Le fait : pour Osvaldo Patrizzi, de retour derrière un marteau depuis la fin 2008, Only Watch était un rendez-vous décisif, pour sa crédibilité personnelle autant que pour l’ensemble du marché des montres de collection, qui attendait un signal de reprise.
• L’effet : l’excellent maintien des adjudications d'Only Watch a recréé, à la rentrée 2009, un buzz positif qui a récréé un cycle vertueux dont toutes les enchères de la fin de l’année ont profité. L’effet d’aspiration Only Watch a profité, une fois de plus, à toute l’industrie, qui avait – à quelques exceptions près – mieux joué le jeu que pour l’édition 2007. Pour Patrizzi & Co, le pari a été gagné, avec un retour éclatant, par la grande porte, sur le devant de la scène horlogère. Gros effet de communication, là encore, avec des gains très nets de pertinence et de notoriété, après deux ans de tangage médiatique : beaucoup de bruit dans le monde entier pour 34 petits coups de marteau, qui donnaient en fait le signal d’un nouvel élan pour l’équipe d’Osvaldo Patrizzi !
8)
••• ROLEX
• Le fait : le contrat signé avec Roger Federer, premier tennisman du monde, est un modèle de partenariat et de réciprocité dans la loyauté, avec un soutien mutuel très efficace dans les aléas de l’actualité. Federer, l’homme qui a su revenir, comme symbole de Rolex, la marque qui va revenir...
• L’effet : Roger Federer est sans doute le plus intègre des « ambassadeurs » horlogers. On ne le voit, lui et sa femme, qu’en Rolex et il prend bien soin, avant de monter sur ses nombreux podiums, de remettre sa Rolex au poignet. Solidarité entre numéros uns suisses : Rolex a soutenu Federer quand il n’était plus numéro un mondial et la marque profite aujourd’hui de son retour au premier plan et de son sacre historique, qui garantit une durable notoriété ultérieure. De son côté, le champion n’a pas varié dans sa fidélité à Rolex. Ce n’est sans doute que le début d’un longue aventure commune. Laquelle peut déjà aujourd’hui aller très loin dans les engagements parallèles : quand George Clooney, le « champion » des montres Omega, assure la promotion de Nespresso, on voit Federer, l’icône de Rolex, soutenir la cause des machines à café Jura ! Solidarité...
9)
••• TECHNOMARINE
• Le fait : Vincent Perriard (ex-Concord, marque relancée par lui avec panache) prend les rênes de TechnoMarine, marque rachetée par Christian Viros (ex-TAG Heuer), qui veut la relancer sur un segment intermédiaire négligé par l’industrie suisse.
• L’effet : les missions sont bien réparties entre un Christian Viros gestionnaire, mais décidé à faire des étincelles avec TechnoMarine, dont il a restructuré le management, et un Vincent Perriard, qui a prouvé chez Concord qu’il était une fantastique boîte à idées et une inusable centrale d’énergie pour marque à reconstruire. L’attelage devrait atteindre sa vitesse de croisière courant 2010, mais l’impulsion donnée à l’été 2009 a été assez spectaculaire pour que la marque retrouve un nouveau souffle et une crédibilité inespérée. Vincent Perriard, ou la goutte d’absinthe qui redonne un autre couleur à tout un verre d’eau...
ET...
10)
••• LE DESSIN D’HUBERT SARTON
• Le fait : l’historien Joseph Flores, qui veut faire attribuer à l’horloger liégeois Hubert Sarton la paternité du premier mouvement automatique à rotor, vient de découvrir – par hasard ! – un dessin autographe qui peut changer ce chapitre de l’histoire horlogère.
• L’effet : Pour étayer sa thèse, Joseph Flores n’avait que le document de la présentation officielle faite par Sarton à l’Académie royale des sciences en 1778. Texte qu’il était possible d’interpréter de différentes façons – selon les historiens officiels qui réclamaient un schéma. Le dessin autographe d’Hubert Sarton permet de valider les affirmations précédentes de Joseph Flores et son attribution à Sarton – sinon, à qui d’autre ? – des cinq mouvements de montres automatiques datées de cette période et considérées jusqu’ici comme des témoignages de l’« invention » du rotor par Abraham-Louis Perrelet. Mieux : ce croquis se contente d'évoquer la chaîne du mouvement, alors que le rapport officiel à l'Académie des sciences développe l'explication, ce qui prouve un peu plus fort son intérêt. Un petit dessin vaut que tous les longs discours des livres d’histoire horlogère, qu’il faut maintenant réécrire...
À SUIVRE, DANS LES JOURS QUI VIENNENT, UNE SÉRIE À NE PAS MANQUER POUR BIEN COMMENCER L'ANNÉE 2010...
• Les 10 mots qu’il ne faudrait plus utiliser en 2010... (7 décembre)
• La femme et les 9-10 hommes de l’année 2009... (8 décembre)
• Les 10 ratages les plus monumentaux de l’année 2009... (9 décembre)
• Les 10 mots-clés des vrais changements survenus en 2009... (10 décembre)
• Les 10 plus gros bobards de l’année 2009... (11 décembre)
• Les 10 coups de coeur pas très rationnels de 2009...
• Les 10 meilleures montres de nouvelle génération pour 2009...
• Les 10 concepts virtuels les plus amusants de 2009...
• Les 10 montres dont on aurait pu se passer en 2009...
• Les 10 montres (néo)classiques de l’année 2009...
• Les 10 meilleures nouvelles marques de 2009...
• Les 10 nouvelles marques à surveiller en 2010...
• Etc... (ordre d'apparition à l'écran non contractuel et non garanti)
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