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Haïti n’est sans doute pas le marché horloger le plus significatif de cette planète...
La solidarité doit cependant primer sur la solvabilité.
Peut-on sincèrement inaugurer lundi les salons horlogers de Genève 2010 en se lavant les mains de ce qui se passe à quelques heures d'avion ?
Suggestion de votre Quotidien des Montres : une (petite) pensée pour les sinistrés et une petite obole collective pour les aider...
••• HAÏTI, CONNAIS PAS !
Cette nation ne figure même pas sur les statistiques d’exportation de la FH, quoique les Caraïbes soient un marché horloger des plus chauds... Est-ce une raison pour se désintéresser collectivement de ce qui se passe là-bas ? Sans doute pas, et l’exigence de solidarité doit primer le souci de solvabilité : même si les Haïtiens ne sont pas les meilleurs clients de l’horlogerie suisse, les horlogers suisses se doivent de faire un geste pour eux.
Rappel historique : le malheureux Toussaint Louverture, premier gouverneur de l’île au nom de la France révolutionnaire, pionnier de l’indépendance haïtienne, a fini ses jours, dans des conditions misérables, au fort de Joux, qui commande un des principaux défilés d’accès aux vallées horlogères suisses (la Cluse de Pontarlier, dans le Doubs). Les Comtois lui doivent bien un petit geste !
Et les francophones en général – donc les Suisses – doivent également rester sensibles au seul pays indépendant et francophone des Caraïbes...
••• L'INDÉCENCE EST DANS L'INDIFFÉRENCE
Compassion et solidarité, donc. Surtout alors que s’ouvrent à Genève des salons horlogers dans lesquels se négocieront des montres coûtant plusieurs dizaines de milliers, sinon plusieurs centaines de milliers de dollars. Des commandes mirifiques (on l’espère) vont être passées, dont quelques miettes suffiraient à nourrir des enfants sinistrés ou à leur reconstruire des écoles.
Et personne ne ferait un geste ? Difficile à croire de la part d’une communauté horlogère dont les souffrances économiques (bien réelles) semblent soudain bien légères face à de tels drames humains...
L’obscénité n’est pas dans le prix de ces montres, mais elle serait dans la cécité citoyenne de ceux qui manipulent de telles pièces en toute insouciance, alors que tant de personnes souffrent et meurent, oubliés, à six heures d’avion des palaces qui bordent le lac de Genève. La faute morale n’est pas dans le négoce du luxe, mais dans le cynisme d’un étalage tapageur et profondément vulgaire de tant de richesses. L’indécence est dans l’indifférence et dans l’autisme d’une communication devenue soudain très vaine.
••• SUGGESTION DE VOTRE QUOTIDIEN DES MONTRES
Trois fois rien, pas grand-chose, un tout petit geste, un message simple, un élan – même modeste – du cœur, un regard fugace vers ceux qui n’ont plus rien, un discret geste d’empathie dans la fureur des affaires :
• quelques urnes à l’entrée des différents grands salons (SIHH, WPHH, GTE) pour y recueillir des fonds offerts par les invités, dons qui seront ensuite affectés aux organisations humanitaires actives sur place ;
• un badge, un ruban, un auto-collant, vendus sur place pour financer tel ou tel projet de reconstruction ;
• un dessert en moins dans les dîners officiels ou dans les open bars, au moins le premier jour de la semaine ;
• le prix de quelques caisses de champagne alloué par les organisateurs de ces salons à ceux qui n’ont même plus d’eau potable ;
• un café dont on se prive sans gêne, mais dont le prix ferait vivre un enfant pendant un mois ou plusieurs semaines ;
• un peu moins de « cadeaux détaillants » ou de « cadeaux journalistes », avec une réversion des budgets concernés vers ceux qui en ont vraiment besoin...
Tout est possible avec un peu d’imagination et d’implication collective, tant de la part des organisateurs que de celle des visiteurs.
Et tout est surtout plus facile avec un peu de volonté...
Comme le dit le drapeau haïtien (image ci-dessus), « l’union fait la force » !
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