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Trois salons horlogers – GTE, SIHH et WPHH – ouvrent leurs portes cette semaine à Genève. Les professionnels espèrent une embellie après une année 2009 catastrophique. Mais celle-ci devrait rester modeste.
Un quart de moins. Moins 25%. C’est là l’estimation que donnait à la fin de l’année dernière Nicolas Hayek concernant la baisse du chiffre d’affaires de l’industrie horlogère suisse en 2009.
Quoi qu’il en soit de la réalité de ce chiffre, une chose est sûre: 2009 restera pour le secteur une année noire. Avec des reculs marqués sur certains marchés historiques comme les Etats-Unis. La demande pour les produits suisses y a même accusé la seconde plus forte baisse entre les mois de janvier et de novembre avec – 39,6%, derrière la Russie et ses vertigineux – 54,7%. Une différence très nette avec Hongkong qui n’a reculé que de – 22,9%, alors que la zone administrative spéciale a pris la place en 2008 de premier importateur de montres helvétiques.
En valeur globale, et si l’on prend en compte les onze premiers mois de l’année 2009, les exportations horlogères helvétiques ont atteint 11,4 milliards de francs contre 14,4 milliards pour la même période un an plus tôt.
L’Asie mène le jeu
A l’heure de l’ouverture à Genève des trois premiers salons horlogers de l’année, le Salon international de la haute horlogerie (SIHH), le Geneva Time Exhibition (GTE) et le World Presentation of Haute Horlogerie (WPHH), la question présente sur toutes les lèvres est la suivante: quid de 2010?
«On peut raisonnablement s’attendre à une inversion de la tendance à la baisse des exportations, estime Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH), à l’image de ce que nous avons constaté au mois de novembre, et qui devrait normalement se poursuivre au mois de décembre. Mais ne nous leurrons pas, si reprise il y a, elle sera sans doute modeste.»
Les salons genevois devraient donner les premiers indices sur 2010. Tout comme ils l’avaient fait en 2009. On avait alors noté, parmi les messages volontaristes et les autocongratulations, une baisse certaine de la fréquentation. Les clients se faisaient plus rares. Les détaillants, confrontés à des stocks grossissants, ne voyaient pas l’utilité de les encombrer plus encore, fut-ce par des nouveautés.
Ils hésitaient également à deux fois, réduction budgétaire oblige, à se mettre en frais pour se rendre à Genève. C’est ainsi que l’édition 2009 du SIHH enregistra une baisse de fréquentation de 20%, les clients américains et japonais constituant le gros des défections.
Pour 2010, Fabienne Lupo, organisatrice du SIHH, ose l’optimisme: «Nous avons eu beaucoup de défections de dernière minute en 2009 du fait de l’absence quasi totale de visibilité sur les marchés. C’est totalement différent cette année. Nous le constatons avec une hausse des inscriptions des participants à notre salon 2010. Les Américains notamment sont de retour. En outre, il semble que les ventes au détail aient repris en novembre et décembre.»
Evolution confirmée le 12 janvier par les analystes de Citigroup, qui révélaient que les ventes de Noël du groupe Richemont montraient un rebond, puisque la baisse du chiffre d’affaires ne serait que de 4% au troisième trimestre du groupe, contre – 12% pour la même période une année plus tôt.
Cette tendance à la reprise, René Weber, analyste financier chez Vontobel, la confirme. Il estime qu’en 2010, les exportations horlogères suisses, en valeur, devraient connaître une croissance d’environ 4%, après un retrait de 22% en 2009.
Mais cette renaissance dessinera un nouveau profil de la demande. C’est clairement l’Asie qui mènera le jeu dorénavant, Hongkong, Chine, Singapour en tête. Les Etats-Unis se contenteront plutôt d’une stabilisation.
Indépendants en danger
Reste que malgré ces bonnes nouvelles, l’année 2010 se révélera périlleuse pour certaines marques. Les plus jeunes notamment, et parmi elles, celles qui ne sont pas adossées à un grand groupe.
René Weber explique pourquoi: «Nombre de détaillants ont diminué leur portefeuille de marques. Face à cela, les grands groupes ont des moyens de pression. Ils peuvent dire: «Vous voulez vendre cette marque, alors vous prenez aussi celle-ci.» Nombre de marques indépendantes n’ont pas cette force.» Du coup, privées d’oxygène financier, certaines pourraient bien se voir rachetées. Ou peut-être même disparaître corps et biens.
Pierre-Yves Frei
Swatch: hier sauveur, aujourd’hui fossoyeur?
C’était à la fin de l’année dernière. Le 18 décembre plus exactement. Dans les colonnes de L’Agefi, Nicolas Hayek père faisait honneur au franc-parler que lui accorde sa réputation, en même temps qu’il déclenchait un véritable tremblement de terre dans le Landerneau horloger.
«Nous allons officiellement demander la permission à la Commission de la concurrence (Comco) de ne plus être obligés de livrer à tout le monde ou tout simplement à des tiers.» En clair, et si l’on prend l’interprétation le plus radicale de cette déclaration, Swatch Group, s’il recevait le feu vert de la Comco, aurait le loisir d’arrêter de fournir des pièces détachées à toutes les marques ne lui appartenant pas.
Un observateur du secteur commente: «Ils sont très rares en Suisse, ceux qui peuvent se passer des pièces du Swatch Group.» Une particularité que Nicolas Hayek a exprimée autrement dans les colonnes de L’Agefi. «Swatch Group ne cesse d’investir dans son outil de production, alors que la majorité des autres horlogers se servent chez nous comme dans un supermarché et investissent en publicité… Personne n’oblige Rolex, par exemple, à livrer ses mouvements à des tiers.»
Collaboration avec certains clients historiques
De toute évidence, Swatch Group en a assez des plaintes régulières contre l’éventuel monopole qu’il détiendrait dans certains secteurs des pièces détachées. Les juristes de l’entreprise travailleraient aujourd’hui sur les moyens de se mettre le plus à l’abri possible des plaintes et des actions de la Comco.
Nicolas Hayek souligne qu’il aimerait arrêter au plus vite les livraisons à des tiers, même si cela devait signifier un manque à gagner de 300 à 400 millions de francs pour son entreprise. Et s’il évoque que cette mesure pourrait concerner tous les clients extérieurs au groupe, il imagine aussi poursuivre la collaboration avec quelques clients historiques.
«Quoi qu’il en soit, nous dit ce spécialiste, le signal est clair. Ceux qui ne disposent pas d’appareils de production devront peut-être investir à l’avenir.» Pour René Weber, analyste chez Helvea, même si Swatch Group met son plan à exécution, il sera très certainement assorti d’une période transitoire.
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Les salons
Geneva Time Exhibition (GTE)
Un tout nouveau salon, mis sur pied pour et par des horlogers indépendants, 35 au total. Il se tient du 17 au 22 janvier au Centre international de conférences de Genève (CICG), rue de Varembé à Genève. Il est destiné aux professionnels et l’on ne peut s’y rendre qu’après avoir obtenu une accréditation. Quelque 2000 visiteurs sont attendus.
Salon international de la haute horlogerie (SIHH)
Le SIHH fête cette année ses 20 ans. Il réunit essentiellement les marques du groupe Richemont, même s’il annonce cette année l’arrivée de deux nouveaux: Greubel Forsay et Richard Mille.
Il se tient du 18 au 22 janvier à Palexpo, sur plus de 30 000 m2. Il attend plus de 12 000 visiteurs, des professionnels accrédités pour la très grande majorité d’entre eux.
World Presentation of Haute Horlogerie (WPHH)
Ce salon a été mis sur pied par le groupe Franck Muller. Il devrait réunir les sept marques de ce dernier du 17 au 23 janvier. Il se déroule – sur invitation, une fois encore, à Watchland, dans la campagne de Genthod, entre Genève et Versoix, où le groupe abrite une partie de ses activités.
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Nouvelle offensive du Swiss made
La Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH) soutient un renforcement de la marque suisse.
Lors de son assemblée générale de 2007, la FH votait à plus de 80% un projet visant à renforcer le Swiss made dans l’horlogerie. «L’ancienne formule date de 1970. Il faut la réviser pour assurer l’excellence horlogère suisse et éviter un nivellement du Swiss made par le bas», explique Jean-Daniel Pasche, président de la FH.
Cette initiative arriva à point en 2007 puisqu’au même moment, le Conseil fédéral entendait également renforcer le Swiss made grâce à un projet de loi baptisé Swissness et qui sera sous peu discuté au parlement.
Les intentions de la FH s’inscrivent désormais dans ce projet global. Avec des demandes spécifiques pour la branche. Pour obtenir le Swiss made, le coût de revient d’une montre électronique devra dorénavant être suisse à 60%, ce chiffre passant à 80% pour les montres mécaniques, avec, innovation supplémentaire, la possibilité d’inclure dans ce coût celui de la recherche et du développement. Par ailleurs, ce projet demande que les opérations essentielles – assemblage, contrôle final, prototypage, construction technique – soient réalisées en Suisse.
Tribune de Genève |