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Ce matin, le « snipeur du vendredi » avait juste un peu d’avance sur le CEO du groupe Bvlgari, qui annonçait officiellement la transformation des marques Daniel Roth et Gérald Genta en « double marquage » dans les collections Bulgari.
Qu’on se le dise : il y aura donc une Grande sonnerie Bvlgari !
Ça, c’est du marketing, coco !
••• UNE « ÉVOLUTION RATIONNELLE ET ORGANIQUE »
Décidément, les dirigeants du groupe Bvlgari ont toujours un temps de retard sur Business Montres. A moins qu’ils se sentent pressés de réagir quand Business Montres publie une information...
• En septembre dernier, Alessandro Bigliolo, n° 3 du groupe, se sentait obligé de répondre aux révélations de Business Montres concernant la réorganisation des manufactures Gérald Genta et Daniel Roth : on relira avec intérêt le discours officiel de l’époque (qui assurait que les marques GG et DR seraient préservées par Bvlgari), ainsi que les commentaires de Business Montres qui décelait dans cette manœuvre une « sorte de prédation rampante et de vampirisation ».
• Début novembre, Business Montres annonçait l’évolution et la transformation des deux marques en simple « double marquage » sur les cadrans Bvlgari.
• Aujourd’hui, alors que Business Montres publiait ce matin une confirmation de ce « double marquage », Francesco Trapani, CEO du groupe, intervient une nouvelle fois, au cours d’une allocution diffusée sur Internet, pour confirmer le basculement définitif des marques GG et DR dans l’univers Bvlgari, avec un simple maintien du marquage sur les cadrans Bvlgari. Ses explications sont assez clairement détaillées. En substance : « Avec GG et DR, nous avons amélioré notre savoir-faire dans le haut de gamme et notre expertise dans la haute horlogerie. Il ne nous restait plus à étendre le territoire de la marque Bvlgari à tout le champ de la haute horlogerie en fusionnant les trois marques ».
Traduction pour la centaine de personnes employées par la manufacture Gérald Genta et Daniel Roth : « Au-revoir et merci, les gars, pour tout ce que vous nous avez apporté. Maintenant que l’os est rongé, il est temps de se dire adieu » !
Si ce n’est pas de la vampirisation, c’est que le comte Dracula et devenu végétarien !
••• CYNISME FINANCIER ET RÉALITÉS SOCIALES
Cette « liquidation » annoncée, outre qu’elle signale une vraie muflerie dans l’indifférence aux considérations humaines dues à toute une équipe qui a beaucoup œuvré à la renaissance de deux références dans la haute horlogerie, pose néanmoins un certain nombre de problèmes :
• Les collectionneurs de haute horlogerie, qui forment une population assez spéciale, auront beaucoup de mal à croire à une Grande sonnerie griffée par un joaillier-parfumeur : c’est sans doute un peu bête et naïf, mais la signature Gérald Genta de cette pièce extraordinaire était rassurante, quand celle de Bvlgari est décrédibilisante à ce niveau de prix et de raffinement technique. C’est une question de légitimité, et, quoiqu’en dise Francesco Trapani, Bvlgari en est dénué sur ce terrain...
• On souhaite bon courage aux équipes de boutiques Bvlgari qui auront à vendre des grandes complications Daniel Roth ou Gérald Genta griffées, non seulement à cause de leur prix très élevé et pas forcément en rapport avec le « panier moyen » du visiteur de ces boutiques, mais aussi à cause des explications nécessaires et de la « culture horlogère » indispensable...
• A terme, il se peut d’ailleurs que cette « fusion » – qu’on doit plutôt traduire par le mot « pillage » – ne soit qu’une opération de nettoyage des structures Bvlgari et une consolidation horlogère, avant une revente qui est en cours de négociation avec un grand groupe de luxe (plusieurs d’entre eux ont lancé une due diligence dans cette optique, mais sans y gagner la conviction et la motivation qui auraient permis d’avancer dans les discussions).
Bref, bien malin qui peut décoder la vraie stratégie de Francesco Trapani (image ci-dessus : « Notre mission est accomplie ! »), qui n’a pour l’instant prouvé qu’une immense maladresse en communication et un mépris choquant pour son personnel. On y ajoutera le dépouillement illégitime des fruits de dix années de travail et le saccage assez révoltant d’un patrimoine de marques qui appartiennent à l’histoire horlogère.
On pensait que l’élégance est une qualité naturelle chez les Italiens : la déception est à la hauteur du mythe...
••• IL Y A UN PEU PLUS DE TRENTE ANS, pour moins que cela, de l’autre côté de la frontière, les Lip avaient déclenché le plus grand conflit social de l’histoire horlogère.
On n’imagine pas Le Sentier en ébullition révolutionnaire, mais, parfois, on regrette le temps des cerises.. |