|
On va vous épargner la « combinaison d’un savoir-faire d’exception et héritage d’un design résolument sportif » (communiqué officiel) pour essayer plutôt de comprendre pourquoi ce chronographe-bracelet est révolutionnaire.
Pas facile quand deux maîtres-horlogers ultra-pointus ont décidé de s’atteler à changer les règles de base de nos bons vieux chronos...
••• CHRONOGRAPHE TOURBILLON RATTRAPANTE CTR-S
Les deux Golay de Watchland sont les Dupond-Dupont de la haute horlogerie : jamais l’un sans l’autre, Pierre-Michel d’un côté, Jean-Pierre de l’autre, ils dépassent le siècle d’expériences horlogères et de réflexions ininterrompues sur l’art de travailler les beaux mouvements. Leur passé parle pour eux, inutile d’en rajouter, sinon pour souligner à quel point ils étaient inattendus dans le paysage Cvstos, marque plutôt tournée vers l’avant-garde que vers la tradition...
C’est que, à n’en pas douter, cette tradition de la belle horlogerie est sans doute le meilleur socle pour soutenir l’innovation de rigueur dans toute proposition d’avant-garde.
• D’une part, il est sympathique de voir l’équipe dirigeante de Cvstos faire appel aux « anciens » qui nichent au premier étage du château de Watchland, où ils veillent sur une équipe d’horlogers capables de concentrer 36 (voire 37, il paraît qu’ils en ont oublié une) complications dans un seul boîtier.
• D’autre part, il est très symptomatique que les deux « anciens » de cette équipe prennent du plaisir en se mêlant d’inventer quelques nouvelles approches de la chronographie pour une bande de rebelles de la nouvelle génération, jusqu’ici semble-t-il plus soucieux de frime au poignet que de contenu horloger.
Tout change. Tant mieux, et si Cvstos s’élance vers le futur dans le respect du passé, c’est encore plus réjouissant...
••• UN MYSTÉRIEUX TOURBILLON SPORTIF
Langue de bois officielle : « Cette concept-S est une véritable œuvre de haute-horlogerie ». Pour le reste du communiqué et la fiche technique, se reporter à son robinet d’eau tiède préféré, où on pourra certainement trouver d’autres images.
Donc : CTR-S, chronographe déjà présenté avant les salons par Business Montres. Apparemment, c’est une montre, ultra-portable en dépit de dimensions généreuses (59 x 45 mm pour le boîtier tonneau en Ergal noir, l’ergal étant un alliage d’aluminium d’une dureté comparable à celle du titane). En fait, c’est un chronographe-bracelet, et non une montre-bracelet à mouvement chronographe...
Nuance sensible sur le plan horloger : les fonctions chronographiques ont été mises au premier plan, la fonction horaire classique (heures, minutes) n’étant plus que secondaires dans cet « instrument » à vocation sportive et dédié à la « chronographie de précision ».
La CTR-S ne pourrait être que le énième tourbillon-chrono rattrapante du marché (sans être banalisée, l’offre est déjà consistante), mais l’équipe Golay & Golay a décidé d’y mettre son grain de sel, avec un peu de poivre et même de piment, le temps de déposer quatre brevets exclusifs (on notera que le fond de la montre porte le nom des deux Golay, ainsi que celui du désigner : exemple encore rarissime dans l’univers d’une haute horlogerie autiste).
• Pour commencer, Golay & Golay ont retourné le mouvement, en plaçant côté cadran (enfin, là où Cvstos, adepte du strip-tease horloger, ne met pas de cadran). Ce qui rend visible les fonctions chronographiques, les deux roues à colonne et les renvois, bascules et autres ressorts qui font saliver les amateurs de complications mécaniques.
• Ils ont travaillé ensuite un système d’embrayage en ligne qui est sans doute ce qui s’est inventé de plus fort depuis longtemps dans la chronographie de précision : cette disposition linéaire des rouages garantit une mise en route instantanée du chronographe, sans à-coups pour l’aiguille et surtout sans la moindre perte d’amplitude (à peine 1 %, ce qui est invisible). Dans cette logique de préservation de l’énergie, le saut des minutes du chronographe est instantané, donc sans pertes de charge. La rattrapante (sans embrayage à « pince » et sans incidence sur la roue de chronographe) est tout aussi économe en dispersion d’énergie. Les remises à zéro du chrono et de la rattrapante sont optimisées et synchronisées. Bref, on est face à une nouvelle génération de chronographes mécaniques de haute précision et à hautes performances. On est ici dans la vraie « première mondiale », avec un double barillet qui peut proposer huit jours de réserve de marche (affichage numérique), dont six jours de précision avec le chrono en prise ! Il s’agirait donc du chronographe le plus précis du monde en longue durée
• On peut imaginer que le « tourbillon mystérieux » a beaucoup amusé Golay & Golay, avec l’ironie d’un tourbillon volant, sans pont, visuellement très allégé (d’où son aspect mystérieux, en lévitation dans le vide), qui cache en fait une extraordinaire complexité technique dans l’ajustement d’un anneau de verre saphir (invisible) autour duquel pivote une roue aux dentures invisibles (fabrication selon le procédé Liga) et un assemblage complexe de roulements à billes « satellitaires » et de nouveaux matériaux (encore cet Ergal, qui plaît décidément beaucoup à Cvstos, ne serait-ce que par sa mise en couleurs facilitée et sa légèreté).
• Dernier point, secondaire comme on l’a dit : les heures et les minutes déportées à 12 h. On pourra admirer l’architecture soigneusement dessinée du fond, ainsi que le puits qui permet de vérifier que le tourbillon est bien « mystérieux », puisque sans attaches visibles. Le tout mécanique à remontage manuel. Pour cette avancée dans la lutte contre l’énergivoracité des calibres horlogers traditionnels, comptez autour de 200 000 euros, sachant qu’il n’y aura cette année qu’une dizaine de pièces en production et guère plus les années suivantes…
••• LA RÉVOLUTION CHRONOGRAPHIQUE EST EN MARCHE
Nouvelle architecture + nouveaux matériaux + nouvelle esthétique = mariage réussi de la tradition et de l’avant-garde. On n’en demande pas plus à une montre maufacture proposée par une marque contemporaine. En cinq ans, Cvstos a pu avancer très vite, bien sûr grâce au fait d’être adossée à tout le dispositif industriel de Franck Muller Watchland, mais aussi par la volonté de l’équipe Sassoun Sirmakes-Antonio Terranova, qui ont eu l’intelligence, pour leurs avancées horlogères, de frapper à la bonne porte, celle de Golay & Golay à Watchland.
On sort de la logique des « complications » classiques pour entrer dans le domaine des nouvelles idées et des fonctions repensées. S’il est évident qu’un chronographe mécanique ne sera jamais aussi précis qu’un module électronique, et que plus personne n’utilise son chronographe sinon pour des missions triviales (al dente pour les pâtes et mollets pour les oeufs), il n’en est que plus indispensable pour toute montre de « raconter une histoire » (story-telling chez les communicants).
Celle de la CTR-S est une histoire d’amour entre la forme et les fonctions, dans un grand rêve de précision et d’expression de la modernité. Entre deux générations d'amoureux de la belle horlogerie mécanique...
|