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C’est fini :on a rangé les badges d’accès et tenté de classer la pyramide des dossiers pour faire le bilan de ce premier rendez-vous de l’année horlogère 2010.
Ne pas manquer les articles de la semaine prochaine sur ce bilan.
Ne pas croire ceux qui parlent déjà de reprise mondiale, alors qu’une rechute est possible.
Ne pas oublier les fournisseurs qui ne cessent de déposer le bilan et de licencier.
2010 ne fait que commencer. Rendez-vous à Bâle pour un prochain épisode !
…À SON POSTE, LE FRANC-TIREUR A…
••• DÉCERNÉ À MAX BUSSER LE PRIX DU CADEAU LE PLUS DÉROUTANT…
…de tout Genève 2010 : pour les visiteurs du salon MB&F, il a ramené quelques Sparklz de New York, où les membres un peu bizarres de la « famille » Kikkerland (nés du cerveau un peu fêlé de Chico Bicalho) font un malheur ! Au fait, c’est quoi un Sparklz ? La fiche technique reste assez elliptique et teintée d’ésotérisme, et ne prend son sens qu’en présence des autres insectoïdes de la famille Critter, qui roulent, qui marchent et qui font ou non des étincelles. Il fume quoi, exactement, ce Max Busser ?
••• CONSIDÉRÉ D’UN AUTRE OEIL…
…la jeune marque Marvin, qui a débarqué au salon GTE avec un intéressante collection Malton 160, montre ronde qui témoigne d’une grande maîtrise des codes horlogers traditionnels, puisqu’il s’agit tout simplement d’un régulateur à mouvement Dubois Dépraz, mais dont le boîtier rond (design Sébastien Perret) prouve que la nouvelle génération sait jouer du répertoire classique pour mieux le détourner (image ci-dessus : attention au détail des cornes ultra-designée). Concept général de la collection par Jean-François Ruchonnet, sorte de nouveau directeur artistique et coach free-lance de Mavin, qui a fait en sorte de pouvoir maintenir des prix accessibles : ce régulateur mécanique Swiss Made et très horloger illustre à quel point un nouveau low cost est possible sur les marches de la haute horlogerie...
••• TIRÉ UN RAPIDE BILAN POUR HUBLOT…
…de l’épisode Genève 2010 : Jean-Claude Biver annonce 55 millions de francs de commandes, ce qui représenterait le plus fantastique rapport qualité/prix de toute la Wonder Week, puisque ses trois suites à l’hôtel Métropole n’ont pas dû lui coûter plus de 55 000 francs suisses. Difficile de l’accuser de parasiter le SIHH, puisque Hublot doit en être à son quatrième refus opposé à sa présence par le comité des exposants ! Pour Hublot comme pour la plupart des marques, on a noté la belle vitalité des commandes asiatiques, la progression dans la zone Caraïbes-Amérique du Sud et toujours l’exception française, avec la poursuite de l’histoire d’amour entre Hublot et les amateurs tricolores...
••• OUBLIÉ UNE QUATRIÈME MARQUE…
…en évoquant le cumul de casquettes portées par Jean-François Ruchonnet au salon GTE (Business Montres du 18 janvier) : il a également dessiné la montre-mappemonde de Magellan, marque qui exposait (trop discrètement) à GTE.
••• FÉLICITÉ L’ÉQUIPE D’ORGANISATION DU SIHH…
…pour l’excellente tenue de cette édition 2010, qui a consacré le rendez-vous de janvier comme un des pôles de l’année horlogère : la fréquentation en légère hausse (avec un reclassement au sein des provenances, l’Asie et le Proche-Orient l’emportant nettement sur l’Amérique et la Russie) et le bon niveau des commandes (quoique concentrées sur les nouveautés, et pas sur le restockage) autorise un optimisme apparent, que vient tempérer les inquiétudes latentes des patrons de marque pour une année 2010 encore indéchiffrable. Indice qui ne trompait pas : l’ambiance nettement plus relâchée le dernier jour, à l’After des Bastions, qu’en début de salon. Il était temps de se lâcher et on avait quelques bonnes raisons de le faire.
Troublante, la reconnaissance du rendez-vous de Genève par un SIHH qui le niait encore l’année dernière. Relevé par Business Montres, le recensement de 40 marques actives en parallèle au SIHH 2009 avait initialement soulevé un scepticisme ironique auprès des autorités du salon. Pour cette année, précision inattendue qui avalide le décompte préalable de Business Montres : « Cette édition du SIHH vient confirmer, si besoin est, la place centrale qu’occupe Genève dans la haute horlogerie. D’autant que l’aura de la manifestation a permis à une soixantaine de marques horlogères de tenir salon dans la Cité de Calvin ». On prend les paris pour les 110-120 marques l’année prochaine ? Il serait temps que le SIHH accepte un partenariat réaliste avec d’autres marques de haute horlogerie et tolère un salon off organisé avec son soutien à ses portes...
••• SEUL POINT NOIR CETTE ANNÉE (il en faut bien un) : les défauts de la signalétique dans les nouveaux aménagements de l’entrée-sortie du salon : il était facile, soit de se perdre, soit de manquer les « petits nouveaux » (Richard Mille et Greubel Forsey), soit de passer sans les voir devant l’exposition ou la librairie, alors que le centre presse fonctionnait parfaitement. Il faudra repenser ce carrefour en 2011 (17-21 janvier)...
••• TROUVÉ UN AUTRE SUJET DE FÉLICITATIONS…
…pour l’équipe du SIHH, qui a finalement mis en place (communication tardive à l’appui !) une action en faveur d’Haïti, ce que le salon indépendant GTE n’a pas fait, ni aucune (ou presque) des autres marques actives à Genève pendant la Wonder Week. Une centaine de milliers de francs auraient été mis à la disposition de Smiling Children, qui a également bénéficié d’un don du groupe Richemont pour Haïti. Pour les 20 ans du salon, il aurait été navrant que rien ne soit fait...
••• ADMIRÉ LE COURAGE HÉROÏQUE DE L’ÉQUIPE RALPH LAUREN…
…qui sauvait la face, mais qui s’est beaucoup ennuyée sur son magnifique stand faute de visiteurs et de commandes assez substantielles pour sauver une marque considérée comme déjà « condamnée » au plus haut niveau de la hiérarchie Richemont. Chacun aura d’ailleurs noté que Ralph Lauren était la seule marque à ne pas présenter de montres dans ses vitrines extérieures ou dans son hall d’entrée : très fort pour un salon horloger et pas forcément bon signe ! Cette ultime faute de communication, ajoutée à l’inconsistance de la proposition horlogère et à l’incohérence de la proposition commerciale, devrait accélérer la clarification : il se peut fort qu’il y ait, l’année prochaine, une place libre au SIHH...
••• CONSTATÉ QUE LE SIHH ÉTAIT AUSSI UN GRAND SPECTACLE…
…avec des bloggeuses professionnelles en quête des meilleurs « looks » : exemple avec les « photos volées » du Moleskine de Capucine, qui passe au scanner une des invitées (en plus, une copine !). Bien vu, mais il faudra se méfier l’année prochaine des chasseurs d’images, comme cette bloggeuse ou comme Laurent Piccioto et sa Picciotélé (Business Montres du 22 janvier)...
••• DOUTÉ DES VITRINES DU SIHH…
…en découvrant des commentaires de presse qui expliquent le « le SIHH a remis la sobriété au goût du jour » (Tribune de Genève. Si certaines marques ont effectivement joué le « retour au classique », était-ce vraiment dans la sobriété ? Les 43 mm de l’Altiplano Piaget, d’une rigueur absolue, auraient passé pour une audace inouïe voici trois ou quatre ans ? Sobriété, la profusion décorative de Cartier, les complications horlogères de Cartier, les sertissages extravagants du design Roger Dubuis ou les massives Panerai ? Sobriété, l’American 1921 de Vacheron Constantin, les nouvelles Royal Oak d’Audemars Piguet et la Metamorphosis de Montblanc ? Et ainsi de suite... Même chez A. Lange & Söhne, on était cette année dans l’explosion créative plutôt que dans la discrétion. Si « retour au classique » il y a, il n’est pas dans la réduction du caratage, mais dans son intelligence esthétique : il ne s’agit plus de briller pour briller, mais de séduire en brillant, ce qui est tout de même plus futé, mais pas forcément plus sobre...
••• VU NAÎTRE UNE POLÉMIQUE LÉGÈREMENT ABSURDE…
…autour du concept de « montre à diaphragme », représenté à Genève 2010 par la nouvelle marque Valbray (découverte Business Montres du 2 décembre, avec une nouvelle proposition le 18 janvier : si les Français de Valbray ne sont pas les premiers à avoir utilisé cette idée [personne n’a oublié l’extraordinaire Occhio présentée en 2005 par Fawaz Gruosi pour de Grisogono], d’autres marques y ont également pensé, comme Storm pour sa MK 5 « Iris » (2008), Michael Bittel (qui a fait de sa Double Diaphragme son fonds de commerce) ou même Cartier pour sa Santos Triple 100. Difficile donc de parler de « plagiat », le concept n’étant à personne parce que déjà connu de tout le monde...
••• ADORÉ L’AMBIANCE DE LA « JOURNÉE DES FOURNISSEURS »…
…qu’est traditionnellement le vendredi au SIHH : eux ne sont pas dupes des affirmations ronflantes des marques, puisqu’ils connaissent le dessous des cartes. Ils savent qui fait vraiment quoi, avec qui et où ! Ce sont les vraies petites fées de l’industrie horlogère, sans lesquelles la machine cesserait de fonctionner en quelques jours. Ce sont aussi les premières victimes de la crise, les marques ayant annulé les commandes en dépit du bon sens et sans la moindre considération pour ce tissu industriel d’une richesse exceptionnelle, tant sur le plan technique que sur le plan humain. Merci à tous ces fournisseurs, connus ou inconnus, qui ont manifesté – au hasard d’une rencontre dans les allées du SIHH ou à la faveur d’une présentation – leur attachement sincère et désintéressé à une information horlogère libre et indépendante telle qu’ils l’apprécient dans Business Montres...
••• MERCI AUSSI, PAR LA MÊME OCCASION, à tous les passionnés de montres, bloggeurs, amateurs des forums, eux aussi connus ou inconnus, qui ont marqué la même volonté de soutenir ceux qui travaillent, en toute indépendance, à la liberté de l’information sur les montres...
••• REPÉRÉ, PARMI CES FOURNISSEURS, UN VIRTUOSE DU VERRE SAPHIR…
…capable de tailler dans le saphir à peu près n’importe quelle forme : directeur de Sebal (Boécourt), Sébastien Sangsue réalise ainsi des couronnes en saphir, ainsi que des ponts, des roues ou des platines qui devraient permettre de créer des concepts de montres totalement transparentes, composants traditionnels compris. On doit notamment à Sebal les verres « bombés » (quatre angles) de certaines Panerai : on dirait les anciens « verres » en hexalite qui donnent tant de charme aux montres vintage...
••• TROUVÉ PARTICULIÈREMENT RIDICULES…
…les déclarations jalouses de certains CEO du SIHH concernant les exposants indépendants pendant la Wonder Week de Genève 2010 : ce qui a permis à l’ineffable Jean-Marc Jacot (Parmigiani) de remonter au créneau (on ne s’en lasse pas !) en laissant percer son amertume dans Le Temps (Suisse) : « Les exposants du SIHH paient pour faire venir les détaillants, distributeurs et journalistes étrangers… et que ce sont d’autres sociétés qui empochent une partie des dividendes. Il est peut-être temps de faire passer un peu les visiteurs à la caisse, comme Baselworld le fait ». On s’étonnera que le représentant d’une marque venue de Neuchâtel pour exposer à Genève se mêle de stigmatiser des marques genevoises (MB & F, Urwerk, Bovet, Artya, Franck Muller, Antoine Preziuso, Cvstos ou même Hublot, pour ne citer qu’elles) qui « reçoivent à domicile », comme disent les amateurs de football….
••• SI ON PEUT EXPLIQUER LE DÉPIT de celui qui rame face à ceux qui performent, on ne peut que faire remarquer au brillantissime Jean-Marc Jacot que la plupart de ces « autres sociétés » ont été exclues du SIHH par le comité des exposants dont il fait partie. Comité où personne ne se souvient de l’avoir vu défendre l’intégration de nouvelles marques indépendantes au sein du SIHH, ni même un simple partenariat avec les plus créativement hautes horlogères de ces marques…
••• CROISÉ À L’HÔTEL KEMPINSKI…
…le nouveau directeur de Zenith France, le sympathique Manuel Jacob, qui aura vécu et accompagné plusieurs mutations de la marque, ce qui ne peut que lui donner beaucoup de sérénité pour relancer l’offensive auprès des détaillants, largement rassurés par les nouvelles orientations de Jean-Frédéric Dufour. Manuel Jacob remplace le non moins sympathique Nicolas Besançon, qui avait récemment quitté Zénith France pour « monter » au Locle prendre la direction commerciale internationale de la manufacture et qui a finalement préféré prendre du champ...
••• DÉCOUVERT UNE DRÔLE DE NOUVELLE BOUTIQUE…
…à un jet de pierres de la rue du Rhône (côté lac de la boutique de Grisogono) : Cristina Thévenaz, qui a repris le contrôle de la marque Delaneau, quitte l’austérité de la Cour Saint-Pierre, face à la cathédrale de la Vieille Ville, pour s’offrir une respiration sur les bords du lac, avec le jet d’eau en perspective. Bel espace onirique, réussite esthétique incontestable et détails très soignés dans la décoration intérieure (les balançoires sont une excellente idée), mais vitrines un peu étranges, avec un pauvre marmotte empaillée, un malheureux kangourou naturalisé (un peu miteux) ou un inquiétant corbeau au regard hitchcockien (Les Oiseaux) : on comprend l’inspiration naturaliste chère aux collections Delaneau, mais le résultat scénographique est ici plus angoissant que ravissant. Et franchement pas terrible pour une inauguration officieuse…
••• FINI PAR POSER LA QUESTION QUI FÂCHE…
…(signalée dans Business Montres le 12 janvier) à propos de certaines marques indépendantes de GTE : « Combien d’entre vous encore présents dans un an ? » Le problème n’est plus celui des mouvements : les simples emboîteurs de 7750 n’ont guère de soucis à se faire, l’offre étant surabondante sur le marché parallèle et relativement détendu côté ETA (qui est loin d’être au bord de la cessation des livraisons, comme annoncé). Les propositions alternatives (Sellita et autres) sont tout aussi nombreuses, avec de nouveaux compétiteurs industriels qui ont l’avantage – pour ces « petites marques » – d’être des multi-spécialistes qui fonctionnent en « guichet unique » pour traiter la fourniture de tous les composants d’habillage en plus du mouvement.
Quand on connaît l’état des trésoreries de ceux qui ont préféré développer leurs propres mouvements, on demeure tout aussi inquiet : non seulement les livraisons se font mal (les fournisseurs rechignent à livrer à crédit aux marques déjà endettées), mais les contrôles qualité sont bâclés pour accélérer la facturation (dans ce cas, les pièces sont retournées et coûtent encore plus cher en reprises SAV). De plus, il est évident que la faillite de BNB ne va pas arranger les affaires des manufactures plus ou moins légitimement autoproclamées…
Partout, ce sont les détaillants qui manquent et qui renâclent à l’idée de défendre commercialement des nouvelles marques, plus fortes d’idées créatives que de budgets publicitaires. A plus forte raison quand on sait que BNB ne sera plus là pour réparer ces pièces sophistiquées de haute horlogerie.
On en déduira que la décimation est à l’ordre du jour. Et encore : quatre marques sur les quarante du salon GTE reste une estimation très basse des dégâts à venir…
••• RASSURÉ ( !) TOUS CEUX QUI ATTENDENT…
…(avec une impatience qui est un comble !) le passage de Business Montres en site payant par abonnement : un sondage dans les allées des salons vaut toutes les études de marché ! Les professionnels de l’horlogerie et les grands amateurs passionnés ont parfaitement compris que les informations de qualité avaient un prix, finalement très raisonnable (un franc suisse par jour) et parfaitement justifié par les anticipations stratégiques qu’un travail permanent d’intelligence économique (au sens anglo-saxon du terme) autorise.
Un seul exemple très récent : les révélations sur la faillite de BNB (17 janvier) ont incité plusieurs marques (grandes ou petites) de prendre possession sans tarder des mouvements déjà terminés et des assortiments disponibles, sans être pris au piège de la masse de faillite. C’est d’ailleurs cet apport direct de cash qui a permis à Mathias Buttet d’apurer la partie la plus criante de sa dette auprès des organismes sociaux et de dégager ainsi sa responsabilité personnelle d’administrateur...
••• AU FAIT, PAYANT QUAND, BUSINESS MONTRES ? Dès que les travaux en cours sur l’architecture technique et les moyens de paiement en ligne seront achevés, c’est à dire sous peu [avec la même incertitude que les horlogers quand ils annoncent l’arrivée d’un modèle innovant sur le marché] ! Ces travaux en cours étant auto-financés sans la moindre concession publicitaire et sans endettement, le budget n’est débloqué que tranche par tranche. Donc, patience...
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