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Un tel classement est toujours injuste, puisqu’il revient à comparer des poireaux et des carottes, légumes également et parfaitement honorables.
Néanmoins, c’est la règle du jeu : il faut bien se décider, sur la base de critères subjectivement impressionnistes, à retenir une sélection finale parmi les centaines de pièces présentées au SIHH.
HORS CONCOURS)
••• LES DEUX MONTRES DONT IL EST IMPOSSIBLE DE PARLER
Les deux vraies montres vedettes du SIHH sont des « fantômes » qui prouvent que le meilleur reste à venir : elles seront présentées dans les semaines à venir et elles sont sûres de « casser la baraque » par leur intensité créative et leur vecteur de communication. Impossible d’en dire plus sous peine d’ex-communication…
1)
••• VAN CLEEF & ARPELS PONT DES AMOUREUX
On pourrait placer toute la collection Van Cleefs & Arpels 2010 en tête de ce classement, tellement la collection est consistante, homogène et pertinente sur le plan commercial (séries limitées) comme sur le plan marketing (enracinement dans le territoire du « temps poétique » et démonstration d’une approche mécanico-esthétique de la nouvelle horlogerie). Symbole de cette réussite : le Pont des Amoureux, dernier (mais pas ultime) aboutissement de l’esprit des « complications poétiques », qui raconte tout au long d’une journée l’histoire de deux amoureux qui vont vers leur rendez-vous au clair de lune, sur un pont de Paris où ils s’embrasseront au moins deux fois par jour (image ci-dessus). Sur le simple plan mécanique, c’est un jeu (pas facile, demandez à Jean-Marc Wiederrecht !) d’heures et minutes rétrogrades. Pour la décoration, c’est un chef-d’œuvre d’émail en grisaille exécuté avec une séduisante virtuosité (encore moins facile, demandez à Dominique Baron). Une magnifique histoire d’amour en 38 mm, qui est aussi une déclaration d’amour de Van Cleef & Arpels à la haute horlogerie émotionnelle...
2)
••• PIAGET ALTIPLANO AUTOMATIQUE 43 MM
C’était l’année de l’extra-plat, donc autant aller à la meilleure performance, et avec d’autant moins de réticences que cette Altiplano bénéficie à la fois du mouvement automatique le plus plat du monde (2,3 mm d’épaisseur, micro-roto compris) et d’un design néo-classique qui débanalise – la petite seconde entre 4 h et 5 h y est pour beaucoup – le style « élégance trois-aiguilles ». Comme pour Van Cleef & Arpels, on pourrait placer toute la collection Piaget 2010 à la seconde place s’il y avait un classement par marques (on pense évidemment ici à la collection Limelight Jazz Party, particulièrement réussie cette année, par ses citations musicales exprimées en joaillerie ou en complications mécaniques : image Business Montres du 26 janvier)...
3)
••• RICHARD MILLE RM 017 TOURBILLON
Ceux qui ont aimé la diversification de la ligne Richard Mille avec le rectangle de la RM 016 aimeront retrouver un tourbillon très graphique dans ce boîtier extra-plat (8,7 mm tout de même, sur 49 mm de hauteur et 38 mm de largeur) en titane, dont la platine (mouvement) est en nanofibres de carbone et dont les performances mécaniques ont été enrichies de subtilités comme la mise à l’heure rapide de l’heure, rendue indépendante des minutes (parfait pour les changements de fuseaux horaires). Même constat que ci-dessus : Richard Mille, qui faisait son entrée au SIHH, monterait sur la troisième place du podium dans un classement des marques par collection 2010...
4)
••• JEANRICHARD AQUASCOPE ET CHRONOSCOPE
Marque junior du groupe Sowind (Girard-Perregaux), JeanRichard a frappé cette année plus fort que sa grande sœur, avec des propositions remarquablement désignées (le cadran du Chronoscope Agusta), de superbes effets de matière (gainage caoutchouc des boîtiers de la Diverscope, sablage du cadran de la 2TimeZones) et un vrai travail sur le style de l’Aquascope (image : Business Montres du 1er février). L’ensemble des propositions JeanRichard 2010 sonne très juste. Massimo Macaluso, le plus jeune des CEO de tout le SIHH, réussit donc à tirer son épingle du jeu avec beaucoup d’intelligence stratégique dans le positionnement « manufacture » de nouvelle génération mais d’ancienne tradition.
5)
••• CARTIER CAPTIVE
On ne résiste pas à Mlle Bellucci quand elle porte une Captive à son poignet, et on ne résiste pas non plus à la Captive : en plus d’avoir tout d’une Cartier, elle crée une rupture par sa taille assez exhubérante, ses galbes (la montre, pas Monica), son boîtier en attache et le design de son cadran. Cependant, cette Captive ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt des propositions mécaniques 2010 de Cartier : la série des Calibre (mouvement Cartier) paraît très sage des complications alignées au SIHH, dont un superbe chronographe à lecture centrale et quelques friandises comme une seconde aussi « fantasque » que virevoltante.
6)
••• IWC PORTUGAISE À REMONTAGE MANUEL
L’élargissement 2010 de la collection Portugaise trouve avec cette proposition « simple » (mécanique à remontage manuel) sa meilleure illustration : sans complication (du chronographe à la répétition minutes), la Portugaise reste une icône de la montre contemporaine, par sa taille, son style et sa présence au poignet. Sans faire du « retour au classique », IWC prouve qu’il est toujours possible d’approfondir et d’enrichir son identité sans trahir ses racines...
7)
••• JAEGER-LECOULTRE MASTER COMPRESSOR EXTREME LAB 2
Ce chronographe mécanique de l’« extrême » est un intéressant concept avant-gardiste : accès aux fonctions par un sélecteur dans la couronne (plus besoin de la tirer), compteur digital des minutes du chronographe (très utile !), stop secondes pour le calage parfait de l’heure, réserve de marche circulaire façon jauge, fonction GMT ergonomique (aiguille au centre et compteur 24 h), poussoirs du chrono en bascule, mouvement amagnétique avec échappement en silicium. Avec son boîtier en titane/vanadium et sa lunette en céramique, en plus de ses inserts en caoutchouc, ce chronographe a été testé dans l’Himalaya. C’est un concentré de hautes technologies horlogères au poignet...
8)
••• GREUBEL FORSEY DOUBLE TOURBILLON TECHNIQUE
Pas de vraies nouveautés (au sens de créations inédites) chez Greubel Forsey, qui faisait sa première apparition au SIHH, mais un approfondissement de la gamme en attendant la mise au point des inventions n° 4 et n° 5, ainsi que leur introduction dans les complications à venir. L’esthétique « disloquée » du mouvement, l’originalité du boîtier gravé d’un long texte et le positionnement prix (plutôt exigeant en temps de crise) donnent à la collection 2010 une singularité « non commerciale » – on reste ici dans un univers de collectionneurs exclusifs – qui tranche avec les facilités du « retour au classique » dont se contentaient trop de marques du SIHH.
9)
••• VACHERON CONSTANTIN ULTRA-FINE 1968
Dans la série des montres ultra-plates qui marquent cette rentrée 2010, la proposition 2010 de Vacheron Constantin se distingue par son boîtier carré en plus de son calibre 1120 « ultra-fin », qui manque de peu le record du monde de minceur. On se prend à rêver de ces montres carrées qui étaient le comble de l’élégance masculine dans les années soixante et qui nous renvoient à un monde perdu de messieurs en cravate, qui portaient encore chapeau et pardessus, quand les montres qu’on portait « à la ville » n’étaient pas des grosses « patates » hérissées d’aiguilles et de poussoirs. Après une première décennie 2000 chargée de concepts, cette sobriété est rafraîchissante...
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