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La nouvelle campagne Mauboussin, réalisée avec Elsa Zylberstein, est très révélatrice d’un nouvelle approche des nouveaux codes du luxe d’après-crise.
Décodage...
••• « AMOUR, LE JOUR SE LÈVE »
Ecriture manuscrite, pas de guillemets : ce n’est pas une citation littéraire, mais une accroche... Originale, en tout cas, et fondatrice en quelques mots : « Amour » nous renvoie à un double univers, celui des femmes elles-mêmes (en général) et celui de la déclaration d’amour que Mauboussin entend faire aux femmes en particulier.
« Le jour se lève », pour signifier que quelque chose commence, comme peut le laisser penser cette aube verte sur les toits de Paris. Ni rose, ni bleue, cette aurore : à la fois par anti-convention (le vert n’est pas dans la palette traditionnel du luxe, sans doute par superstition depuis les empoisonneurs italiens de la Renaissance, pour des raisons trop longues à développer ici), par conviction environnementale et parce que c’est la couleur de l’espoir, de l’avenir, d’une nouvelle ère.
« Amour, le jour se lève » : c’est le nom de la montre...
Elsa Zylberstein : c’est la nouvelle « égérie » de Mauboussin. Femme, ultra-femme, icône secrète mais accessible, savamment décoiffée, masquée de cheveux et libre d’allure (le regard, la chemise masculine, la montre plutôt virile mais adoucie par la nacre), fatale mais non vénéneuse.
Une femme qui aime les hommes, mais qu’on devine indépendante. « Elle vit avec des hommes, mais pas à travers eux. Toutes les femmes sont des ambassadrices de Mauboussin, explique Alain Nemarq, le président de la marque, et Elsa est une femme qui “assure“ : elle parle à toutes les femmes au nom de toutes les femmes ».
Et ce symbole de toutes les femmes qu’incarne avec beaucoup de charme Elsa Zylberstein reste une femme maîtresse de ses choix économiques : d’où le pragmatique du prix affiché, qui est une autre rupture dans les codes de la place Vendôme. Surtout à 395 euros, « nacre et diamants » : une forme de provocation !
Le jour se lève aussi sur le nouveau luxe low cost (quartz ETA sous le cadran et Swiss Made pour le tout). Pas besoin d’un amoureux pour s’offrir cette montre « Amour, le jour se lève » le jour de la Saint-Valentin...
La querelle sur les prix dans le luxe ne fait que commencer : après les excès de la Bulle Epoque, la correction est en cours. Mauboussin se positionne d’emblée sur une proposition d’apparence pertinente : pour Alain Nemarq, « l’époque du “c’est parce que c’est cher que c’est du luxe“ est derrière nous. Si c’est trop cher, c’est trop cher, mais ce n’est pas trop luxe ! Il s’agit à présent pour les marques de “rendre“ un peu de valeur à leurs client(e)s et de retrouver une certain cohérence entre le produit et son prix. C’est une question de confiance entre la marque et son public : ce pourrait être la traduction des nouvelles valeurs de “partage“ bien repérées parmi les tendances contemporaines émergentes ».
Mieux : « Les consommateurs de luxe sont à la recherche d’une sorte de déculpabilisation. Ce n’est pas en augmentant les prix qu’on va désamorcer ce besoin de réassurance. Il faut que le prix – garant d’une certaine qualité, mais non plus de statut ou d’identité – soit un vecteur de libération, pas une source de mauvaise conscience ». On peut tenir le même raisonnement avec la marque : Mauboussin, place Vendôme, une référence synonyme d’un luxe qui ne se veut plus oppressant et qui sait s’abstraire d’une logique quantitative (celle du prix) pour renouer avec un impératif de qualité teintée d'onirisme (au-delà du prix).
Le numéro de portable d’Elsa Zylberstein en bas à gauche de la publicité : ne rêvez pas ! C’est surtout un moyen de mesurer la réactivité du public par le nombre d’appels ainsi générés...
Mauboussin (une des plus belles histoires de renaissance dans la joaillerie-horlogerie du début de ce siècle : + 40 % de croissance ces dernières années, ce qui énerve beaucoup les concurrents) a concentré dans cette campagne toutes ses convictions sur la nouvelle manière de parler de montres aux femmes : séduction caliente (la brune aux yeux bleus est l’archétype du charme français), esprit Vendôme et prix réaliste, avec le mot magique (« diamant ») pour emporter la conviction. Et, après avoir ouvert aux Champs-Elysées, la marque pousse encore plus sa « démocratisation » post-Vendôme en s’offrant des boutiques à Aix-en-Provence, à Strasbourg et à Cannes.
••• PAS CONVAINCANT et légèrement dérangeant : l’angle du bras gauche d’Elsa Zylberstein, qui semble mal photoshopé et biologiquement irréaliste, à moins qu’elle n’ait des membres supérieurs démesurément longs et une exceptionnelle mobilité articulaire... |