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S’il n’y avait qu’une personnalité de l’horlogerie dont il faudrait fêter l’anniversaire cette année, ce serait certainement Nicolas Hayek, le président du Swatch Group.
Né un 19 février, il affiche 82 ans pour ce printemps 2010 et il a toujours bon pied bon œil.
Pourvu que ça dure !
••• DEUS EX-MACHINA OU « BOURREAU DES HEURES » ?
La crise était terriblement éprouvante pour tout le monde, mais le Swatch Group s’est trouvé nettement moins sévèrement touché que tout le monde : pas vraiment blessée, tout juste provisoirement affectée, l’armée hayékienne sortira de ces années tragiques (automne 2008-automne 2010 au minimum) avec une capacité industrielle quasiment intacte, avec un réseau commercial au périmètre pratiquement constant et des moyens de pression (rétorsion ?) contre ses concurrents encore plus écrasants qu’auparavant.
Le rapport de forces ne lui a jamais été plus favorable qu’aujourd’hui : même si certaines marques continuent à se chercher (Glashütte Original ou Blancpain, pour ne rien dire de Tiffany & Co, qui a disparu des radars), d’autres se sont (re)trouvées (Swatch), et même parfois au-delà ce qu’on pouvait espérer (Tissot). Breguet tutoie toujours les étoiles, tandis qu’Omega engrange imperturbablement les dividendes territoriaux de son nouveau privilège de grande puissance.
Il est vrai qu’il est de bon ton de ne jamais dire quoi que ce soit de positif sur le « bourreau des heures », que les rituels d’exécration de ses concurrents vouent quotidiennement – mais clandestinement : on n’est jamais trop prudent ! – aux gémonies et aux flammes de l’enfer. On imagine partout la main du deux ex-machina, on le soupçonne de tout et on croit toujours repérer les traces maléfiques de ses sabots fourchus...
Faut-il encore le rappeler : il est tout aussi évident que cette industrie a eu la chance, dans les tempêtes récentes, d’avoir un capitaine expérimenté, qui avait déjà vécu quelques crises et qui a su garder son calme, et même garder le cap, alors que les petits « barreurs de beau temps » perdaient leurs nerfs, eux qui n’avaient jamais connu que la plaisance d’un bel été. S’il n’y avait pas eu, pour tenir bon, un Nicolas Hayek et quelques autres « grognards de la Garde » (au sein du groupe ou ailleurs), où en serions-nous aujourd’hui ?
Quand la baisse brutale de l’activité devient imparable, les uns font repeindre les ateliers pour occuper les bras quand les autres licencient à tour de bras : à chacun sa morale, le tout étant de choisir clairement son camp. Inutile de rappeler de quel côté Business Montres a toujours penché...
••• « AEQUANIMITAS ANIMA » (MARC-AURÈLE) ?
Donc, pour cette vingt-quatrième année de Nicolas Hayek à la présidence de son groupe, nous avons au programme : un « patron » toujours aussi affûté maintenant qu’il est dégagé de l’opérationnel, une succession mieux assurée qu’il n’y paraissait en 2003, un capital confiance inentamé en sortie de crise, un trésor de guerre qui autorise toutes les libertés stratégiques (y compris celle de ne rien tenter), une force de frappe industrielle et commerciale mobilisée pour remonter à l’assaut et des concurrents tétanisés ou traumatisés. On aurait pu imaginer des scénarios bien plus catastrophiques pour 2010 !
• Que pourrait-on désirer de plus pour Nicolas Hayek à l’occasion de son quatre-vingt-deuxième anniversaire ? Longue vie (bien sûr !), santé (c’est plus important !) et prospérité (évidemment !), encore que, côté prospérité, il ait déjà largement plus qu’il ne lui en faut, et pour plusieurs générations.
• On serait tout de même tenté de lui souhaiter – ce sera notre cerise sur son gâteau d’anniversaire – une authentique et généreuse égalité d’âme, cette aequanimitas anima (« équanimité ») dont parlait déjà Marc-Aurèle : sérénité qui sied aux vrais sages et qui couronne toute vie réussie d’une imperturbable liberté de penser. La souveraineté absolue d’un empire comme le Swatch Group ne se discute pas (plus !). Elle se constate ! A quoi bon en marteler avec trop d’insistance la morale de fer ? Est-ce utile de rappeler trop souvent aux faibles qu’ils le sont, ou de tancer les cigales quand elles ne comprennent pas que l’hiver approche ?
Bien plus que la morale un peu naïve des grands maîtres Jedi, c’est bien l’excès de pouvoir et l’abus de puissance qui ont rongé et finalement détruit l’empereur Palpatine : May the force be with you, Nicolas !
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