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Sponsor principal du Learning Center à qui elle a même donné son nom, l’entreprise horlogère Rolex ne voit pas son engagement comme un simple «coup de pub». Rencontre avec Jacques Baur, directeur adjoint en charge de la recherche.
Les étudiants ne sont pas forcément les premiers acquéreurs des montres Rolex. De même qu’ils ne sont pas non plus les clients les plus intéressants du Credit Suisse, qui a pourtant installé au Learning Center sa seconde succursale sur le campus. On les imagine plus volontiers grands consommateurs des produits Logitech et Nestlé, autres sponsors importants du bâtiment inauguré ce soir, qui pourtant n’y ont pas une présence aussi marquée que l’horloger. Jacques Baur, directeur adjoint et responsable de la recherche chez Rolex, nous explique sa démarche.
– Pourquoi Rolex a-t-elle décidé de s’engager dans la construction de ce bâtiment?
– Pour soutenir l’EPFL. La demande nous a été faite alors que ce projet avait déjà été choisi, et il nous a paru très intéressant. Il intègre une bibliothèque, a donc un rôle très important de formation, et incarne des valeurs d’excellence, d’innovation, et un caractère international. Autant de thèmes qui nous sont proches.
– Auriez-vous pu en faire autant si on vous avait posé la question en pleine crise?
– Chaque décision de ce type se discute sur le moment. Il m’est donc difficile de répondre dans l’abstrait.
– Le montant de votre contribution est tenu secret, mais il est considérable. Vous n’attendez aucun «retour sur investissement»?
– Nous espérons bien sûr un effet positif à long terme. Mais ce n’est vraiment pas le but premier. Nous voulions apporter notre support à cette école, et rendre ce soutien visible, d’où notre exigence d’être le sponsor principal. Nous considérons que l’économie privée doit soutenir les hautes écoles, car c’est là que sont formés les gens dont nous avons besoin.
– Vos équipes comptent des ingénieurs?
– Oui, depuis que Rolex a décidé de «verticaliser» son organisation, ce qui impliquait entre autres l’intégration de son unité «recherche et développement». Plusieurs de nos collaborateurs ont été formés ici. En outre, nous attribuons régulièrement des mandats de recherches à l’EPFL. Soit sur des questions techniques particulières – l’école est ainsi rémunérée pour un service tel que l’accès à ses équipements mais les résultats nous appartiennent – soit sur des questions plus générales, par exemple sur le comportement physique de certains matériaux. Nous pouvons aller jusqu’à financer un doctorant durant quatre ans pour accomplir une recherche de ce type. Dans ce cas-là, les résultats tombent dans le domaine public.
– Aurez-vous encore plus de présence ici, par exemple en sponsorisant des chaires d’enseignement?
– Ce n’est pas prévu pour l’instant, mais il n’est pas exclu qu’on le fasse un jour.
– La haute horlogerie incarne volontiers des valeurs d’artisanat et de tradition. Est-ce compatible avec le haut niveau technologique de l’EPFL?
– La montre de luxe doit être mécanique, et repose bien entendu sur des techniques anciennes. Mais il reste beaucoup d’innovations à accomplir! Cela fait par exemple 7000 ans que l’humanité utilise de l’or pour l’ornement, mais nous ne pouvons que difficilement nous en servir pour des pièces mécaniques. Il faut donc des recherches de pointe sur divers alliages d’or si nous voulons pouvoir dépasser cette difficulté.
Emmanuel Barraud
24 Heures |