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Mis à mal par la crise horlogère, les jeunes concepteurs de la nouvelle génération parviennent à survivre, tant bien que mal, et même parfois à vivre et à prospérer.
Avec des résultats très contrastés selon les marques et les créateurs....
••• HIBERNATION INVOLONTAIRE ET RECAPITALISATION
Parce que c’est le week-end et qu’il faut bien se détendre un peu, quelques nouvelles du front de la nouvelle horlogerie, sérieusement mise à mal par la crise, mais malgré tout encore vivante et bien décidée à survivre.
• Il y a ceux qui vont bien, dont il n’y a rien à dire ou dont les actionnaires ont accepté les règles du jeu d’un marché mondial en crise. Ils ont pris à temps les sages décisions (plus d’exclusivité et moins de volume chez MB&F, encore plus de singularité et d’intégrité chez de Bethune, plus de rigueur et d’inflexibilité esthético-mécanique chez Urwerk, etc.). Même certains pure players du design haut horloger s’en tirent honorablement (Linde Werdelin, Franc Vila, Snyper par exemple), mais ils sont plus rares.
• Si quelques manufactures ont carrément mis la clé sous la porte (Wyler, Favre-Leuba), d’autres nouvelles maisons sont en hibernation plus ou moins volontaire (Steinway & Sons, Delaloye). Et ce ne sont pas les moins performants qui ont été les moins sanctionnés : la façon dont le groupe Bvlgari a passé les manufactures Gérald Genta et Daniel Roth par pertes et profits a proprement ahuri tout le monde et donné un frisson rétrospectif de satisfaction à tous les animateurs de la nouvelle génération, qui ont encore moins regretté de n’avoir pas intégré un groupe. L’exemple du mal-être de Greubel Forsey, vraie marque de nouvelle horlogerie, chez Richemont et au SIHH serait une excellente confirmation de la stérilisation inéluctable des meilleurs talents au sein des conglomérats financiers..
• D’autres représentants de la nouvelle génération ont dû se recapitaliser d’urgence : deux tours de table en 16 mois pour Ladoire, avec la réinjection de 1,3 million d’euros. Egalement : reprise par un nouvel investisseur pour Cabestan : Business Montres du 3 septembre. Quelques-uns ont failli tout perdre dans la faillite NBN (HD3 ou Marc Alfieri, qui retravaille à un tour de table). De même, Karsten Frasdorf est en train de redimensionner Fabrication de montres normandes pour séparer plus clairement son activité d’atelier et son activité de marque.
• Même les plus méritants ont procédé à de déchirantes révisions stratégiques (Hautlence : Business Montres du 16 février). Rebellion a tout repris à la base pour recommencer à tirer son épingle du jeu.
• Ne parlons évidemment pas du projet Confrérie horlogère, noyé pendant le naufrage de BNB, mais heureusement sauvé des eaux et réanimé chez Hublot par Jean-Claude Biver, sous la forme d’une Confrérie Hublot qui présentera ses premières pièces néo-CH à Baselworld 2010, sur le stand de Hublot.
••• LA GALÈRE ET LE BERCEAU
Heureusement, la démographie reste forte pour la nouvelle génération, avec des propositions originales comme Laurent Ferrier (une future star de la profession, on s’en apercevra bientôt : découverte Business Montres du 11 décembre), Valbray (Business Montres du 2 décembre), Peter Tanisman (primeur Business Montres dès juillet dernier) ou 4N (révélation Business Montres du 22 octobre), pour ne citer que ces quatre-là, mais on compte déjà une bonne trentaine, voire une quarantaine de naissances depuis Baselworld 2009 – sans parler des re-naissances (Ventura : Business Montres du 3 et du 20 novembre, en plus d’autres à venir)...
• Enfin, il y a le cas de ceux qui sont toujours dans les affres de la gestation, scotchés depuis plusieurs années dans un processus de création ralenti par le manque de ressources. Bon exemple : AK Genève, la marque du sympathique Arny Kapshizer, dont on se souvient qu’il avait été un des créateurs de Cvstos. Il est à la manœuvre – à la rame ! – depuis 2007, mais l’ambition est toujours là en dépit d’une route déjà longue et parsemée d’embûches : sa Warp (concept distingué par Business Montres) prend forme, petit à petit, avec, un jour, l’arrivée d’un nouveau cadran ; le lendemain, quelques rouages (aux bonnes cotes) et, le surlendemain, quelques boîtiers prototypes. Insensiblement, le puzzle prend forme (image ci-dessus : la Warp avec ses heures-minutes digitales et ses secondes par tambour rotatif, plus la couronne XXL à droite), sans qu’on puisse de façon réaliste tabler sur un succès final, ni même sur une proposition concrète à terme. Lentement mais sûrement, il se pourrait malgré tout qu’on s’achemine vers la présentation prochaine d’une pièce fonctionnante, et – pourquoi pas – dès Baselworld !
• D’autres galèrent pour des problèmes de complexité technique non résolus, comme Philippe Lutolf (marque Lütolf Philip), qui s’est lancé dans une nouvelle page de l’histoire horlogère en remplaçant le ressort-spiral du barillet par un ressort-tige (genre amortisseur).
On ne peut que leur souhaiter bon courage, mais aussi remercier au passage les fournisseurs qui continuent à croire dans cette nouvelle génération et à leur donner un coup de main, en leur allouant quelques heures de machine, une poignée de composants pour lesquels on retiendra la facture ou un horloger à disposition dès qu’ils le peuvent...
Chaque matin qui se lève est une leçon de courage pour ces créateurs, héroïques résistants à la crise ! Ils savent que, blessés en 2009, beaucoup ne survivront pas en 2010, même chez ceux qui ont mis en place les nécessaires ripostes à la crise et les stratégies d'urgence.
Plus que jamais, cette nouvelle génération représente l’avenir de l’industrie horlogère, par la capacité entrepreneuriale de ses représentants autant que par leur créativité générationnelle. Ils seront nombreux au rendez-vous de Bâle, officiellement (dans leur stand) ou officieusement (avec des prototypes dans les poches). Ce n’est pas le moment de les laisser tomber !
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