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Nos lecteurs ont appris hier le décès de deux personnalités qui ont joué un rôle important dans la vie culturelle de La Chaux-de-Fonds. Tant Georges Haefeli, immense architecte connu bien au-delà de nos frontières, que Georges Curtit, ancien conservateur du MIH, ont marqué leur temps. Hommage.
«Nous avons perdu deux de nos pères.» Conser-vatrice-adjointe du Musée international d'horlogerie (MIH) était hier sous le choc. Deux personnalités qui ont beaucoup compté pour elle viennent de décéder: l'ancien conservateur André Curtit (lire l'encadré), et l'architecte du MIH, Georges Haefeli.
Emu, l'architecte communal Denis Clerc brosse en quelques traits le portrait de celui qu'il considère comme «le tout grand architecte de La Chaux-de-Fonds de ces dernières années». Georges Haefeli est l'auteur, avec Pierre Zoelly, du projet qui a abouti à la construction du Musée international d'horlogerie, entre 1972 et 1974. La construction était le «premier exercice intégral en Europe d'architecture troglodyte contemporaine», selon ses auteurs. Conscients d'avoir hérité d'un bâtiment exceptionnel, les responsables du MIH ont consulté son créateur chaque fois qu'une intervention imposait que l'on touche à l'architecture du bâtiment. «Mon rêve serait de le faire classer», dit Nicole Bosshart.
En ville, Georges Haefeli a aussi résolu l'épineux problème de l'extension du Musée des beaux-arts, création unanimement saluée, comme l'a été aussi son aménagement du Centre de culture ABC à la rue du Coq. Il laisse sa patte dans l'habitat, avec le quartier de la Recorne et ses dizaines de maisons en béton, solides et économiques.
Mais Georges Haefeli n'a pas construit qu'à La Chaux-de-Fonds. Seul ou en collaboration, il a gagné de nombreux concours dont beaucoup suivis de réalisations, comme la Cité universitaire à Neuchâtel, le nouveau collège du Noirmont et le Musée international de la Croix-Rouge à Genève.
Alain Tissot souligne les qualités humaines du disparu, «un type discret qui ne recherchait pas la notoriété». Il aurait eu de quoi, pourtant, notamment par ses qualités de peintre, un talent qu'il cultivait à l'abri des regards, quasi secrètement. Il n'a jamais exposé dans le canton, mais l'a fait au Portugal, lieu de villégiature.
Autre violon d'Ingres, Georges Haefeli avait constitué une grande collection d'arts premiers (Afrique, Océanie, etc.). Une passion contractée dès l'âge de 19 ans, après avoir visité une exposition à Zurich, raconte sa femme, Karin Haefeli. Cette collection était «une des plus belles de Suisse», précise l'ancien archéologue cantonal Michel Egloff. Pour qui le collectionneur n'était «nullement mû par un esprit de spéculation, mais par son amour très profond pour les formes essentielles».
Léo Bysabeth
André Curtit, premier conservateur pro du MIH
L'autre père du Musée international d'horlogerie (MIH) qui s'efface, c'est André Curtit, qui avait dédié sa vie à la mise en valeur du génie horloger. Ce maître horloger de formation s'est d'abord consacré à l'enseignement technique à l'Ecole d'horlogerie du «Tech» de la rue du Progrès, devenu aujourd'hui l'Ester. Il fut aussi, dès 1966, le premier conservateur professionnel du musée, alors logé dans l'école. Il entrait en même temps que feu Pierre Imhof, un autre père du musée d'horlogerie moderne, qui prenait la présidence de sa commission. Les deux hommes ont travaillé d'arrache-pied dès 1968 au projet de construction du MIH actuel, inauguré en 1974. André Curtit a ainsi passé plus de 20 ans à la tête du MIH ancien et nouveau, dont il a organisé la muséographie. On lui doit trois expositions majeures: la première consacrée au physicien et horloger à Abraham-Louis Breguet, celle sur Ferdinand Berthoud et «La Main et l'outil» dont le succès n'a encore jamais été égalé. André Curtit a pris sa retraite en 1988. Au MIH, il laisse le souvenir d'un patron d'une extrême gentillesse et à l'humour communicatif. /ron
Quelques jalons du parcours de l'architecte
1966 Premier prix aux concours de projet pour la Cité universaire à Neuchâtel avec mandat d'exécution, construction réalisé 1969-1971.
1968-1969 Résidence Pouillerel (chaîne de villas mitoyennes).
Dès 1971 Quartier de maisons familiales mitoyennes à La Recorne.
1972-1974 Construction du MIH en association avec Pierre Zoelly.
1976-1978 Siège de la Neuchâteloise assurances à Neuchâtel (coll: Habegger).
1981 Mandat d'étude et d'exécution du Musée de la Croix-Rouge à Genève (avec les architectes Zoelly et Girardet).
1985-1986 Usine intermedics au Locle.
1989-1993 Mandat de rénovation et extension du MBA à La Chaux-de-Fonds.
1992-1995 Concours du nouveau collège du Noirmont.
1998-1999 Réaffectation d'un ancien dépôt des TP en centre de culture (ABC).
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