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Le Franc-tireur de Baselworld (#14) : Le miracle Rolex
 
Le 19-03-2010
de Business Montres & Joaillerie

C’est sûr, on ne reste pas numéro un mondial quasiment à perpétuité sans avoir tout compris, ou presque : démonstration, cette année encore, avec Rolex et la nouvelle Explorer I…

••• ROLEX EXPLORER I, VERSION 2.0

Pour que les choses soient claires, précisons tout de suite que Business Montres n’émarge pas sur les fonds secrets de Rolex, ce qui nous rend encore plus libres de parler sans langue de bois au sujet de cette marque – et même le cas échéant d’en dire tout le bien qu’on en pense.

On sait que le premier jour de Baselworld est généralement consacrée aux génuflexions obligatoires dans tout pèlerinage, avec une station et une prière devant les sanctuaires qui sont des passages obligés. Un salut au Saint-Sacrement chez Patek Philippe où il y a une superbe nouveauté (# 12 du Franc-tireur de Baselworld, info n° 5) et même quelques magnifiques animations du côté des Celestial ! Un détour par la chapelle Hublot, un autre dans la basilique des marques du Swatch Group, pas même un prie-dieu où s’asseoir chez Breitling, une prière rapide pour les 150 ans de Chopard et quelques coups d’encensoir ici et là.

Et, bien sûr, un moment de recueillement dans la cathédrale Rolex, qui avait pour ce printemps quelques surprises assez convenues pour ses fidèles. Passons rapidement sur une nouvelle collection de Datejust en 31 mm, qui prouvent tout simplement que Rolex recale en permanence son offre, même si ce n’est pas spectaculaire. Business Montres reviendra plus tard sur la nouvelle Submariner « verte » (lunette céramique et cadran) et sur la Submariner date à lunette céramique noire : la presse va donner très fort sur cette verdeur spectaculaire, dont le moins qu'on puisse dire et qu'elle ne va pas révolutionner le monde horloger


••• « TOUT CHANGER POUR QUE RIEN NE CHANGE »

Le plus révélateur du savoir-faire Rolex est le restylage de l’Explorer 1, icône dont Business Montres révélait dès le 12 mars (confirmation le 14 mars, info n° 10) qu’elle serait l’objet de toutes les attentions. C’est là qu’on peut parler de « miracle » dans l’art de « tout changer pour que rien ne change » (selon la formule du prince Salina, dans Le Guépard, de Lampedusa).

A la base, une Oyster « de base », non « Professional », lancée en 1953 pour rendre hommage à Sir Edmund Hillary, vainqueur de l’Everest et grand amateur de Rolex. Près de soixante ans plus tard, après quelques liftings rapides, la pièce n’avait pas pris une ride, sinon que sa taille n’avait pas suivi l’évolution générale : « grande » montre pour 1953 [jusqu’en l’an 2000, Rolex avait toujours une des plus « grandes » collections du marché, mais la marque s’est fait dépasser depuis], l’Explorer I était presque devenue une montre de femme.

Pourtant, quoi de plus viril que cette sobriété sans ostentation : acier brut qui se patine très vite, cadran noir ultra-simple, lisibilité quasi-militaire, grands chiffres, identité forte du boîtier et du bracelet Oyster ? Un instrument idéal pour baroudeur peu porté sur les mondanités et un parangon de ce que devrait être toute Oyster de base débarrassée de tout chichi décoratif…


••• L'INSOUTENABLE LÉGÈRETÉ DE L'ÊTRE...

Quels sont les ingrédients du « miracle » de cette renaissance de l’Explorer I ? Comme toujours chez Rolex, on est dans l’impalpable et l’understatement stylistique, l’insoutenable légèreté de l’être pour ceux qui n’ont plus rien à prouver, l’insolente « force tranquille » qu’on peut se permettre quand on toute démonstration de force serait superflue. Une grande élégance dans l’art de se perpétuer sans se renier…

Cela tient à de minuscules détails. Une taille légèrement agrandie (39 mm), ce qui reste inférieur aux 41 mm de la nouvelle Datejust, mais le style économe et sobre de l’Explorer fait paraître la montre plus grande qu’elle n’est : 39 mm qui en imposeront sans abuser à un poignent japonais, alors qu’ils allègeront sans l’infantiliser un poignet européen. Les marqueurs identitaires de l’Explorer I ont été conservés (cadran noir, grands chiffres), mais reproportionnés avec beaucoup de finesse dans l’approche esthétique du moindre détail. On peut notamment apprécier le traitement au Chromalight des index et des aiguilles, même si on poura regretter que celles-ci n'aient pas été redimensionnées à l'occasion de l'élargissement général de la montre (elles paraissent désormais un peu perdues dans le cadran, et - comble du comble pour une montre à vocation professionnelle - les aiguilles n'atteignent plus les échelles qui leur sont dédiées (minutes et secondes).

Comme l’explique le dossier de presse Rolex, « munie d’un mouvement mécanique à remontage automatique équipé du rotor Perpetual, du spiral Parachrom et des amortisseurs de chocs Paraflex, l’Explorer I s’offre de nouveaux sommets de précision chronométrique et de résistance aux conditions extrêmes, se posant résolument en instrument de la mesure du temps fiable et robuste ».

La conquête de l’Everest était un triomphe de l’intelligence et de la volonté, tout comme de la persérance humaine. Cette version 2010 de la légendaire Explorer I est aussi une démonstration d’obstination et aussi, quelque part, une forme d’humilité nouvelle qui consiste, pour Rolex, à reconnaître que le marché a parfois raison avant et même contre les marques…

Certes, on est dans l’année du « retour au classique » et de l’« approfondissement de l’héritage » : la démarche de Rolex n’est donc pas fondamentalement surprenante. Elle tombe simplement juste, au bon moment et avec le bon produit, alors que le marché attend des signaux forts de réassurance sur la valeur des montres de luxe restées accessibles – ce qui est le cas pour cette Explorer I facturée à 5 900 euros (en tres nette augmentation toutefois par rapport au modèle précédent, sans doute pour être en phase avec l'augmentation du diamètre)


••• À PROPOS D’« AGAÇANTE ATTITUDE “SURPLOMBANTE“ », les initiés et les rolexologues auront noté, cette année, la nouvelle attitude de Bruno Meier, le DG de Rolex, qui met « un point d’honneur à partager avec une audience de connaisseurs les fruits de son savoir-faire et de son esprit d’entreprise ». Vous avez dit « partage » ? Un mot qui n’était pas vraiment dans le vocabulaire Rolex de ces dernières années…

• Un autre ton, donc, confirmé par les propos suivants de Bruno Meier : « Forte d’un outil industriel et technologique sans égal, qu’elle est en train de compléter par de nouvelles constructions, Rolex a le privilège de pouvoir donner libre cours à toute l’étendue de son potentiel créatif. Elle profite pleinement de sa complète autonomie pour innover et réinterpréter dans la continuité les fondamentaux qui président au succès de ses montres ». On est loin d’un certain triomphalisme hautain et autiste tel qu’il était pratiqué ces dernières années…

 



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