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Nicolas Hayek: «Ras-le-bol de fournir le «know-how» suisse à n’importe qui!»
 
Le 26-03-2010

Alors que la 38e édition de Baselworld s’est achevée hier, le groupe Swatch vit un début d’année euphorique. Entretien avec son président qui, comme à l’accoutumée, ne mâche pas ses mots.

Si la foire de Bâle est la grand-messe internationale de l’horlogerie, nul doute que Nicolas G. Hayek en est l’un de ses principaux cardinaux, si ce n’est le pape lui-même. Pour preuve: alors que les conseillers fédéraux se succèdent pour honorer la troisième branche exportatrice de Suisse – Moritz Leuenberger cette année – aucun d’eux n’omet de parcourir la Halle 1, écrin des maisons les plus prestigieuses.

Le rite est immuable: une halte chez Rolex, un passage chez Chopard et une visite de l’«empire» Hayek. Entretien avec son patriarche, 82 ans, alors que la foire de Bâle a fermé hier ses portes sur une hausse de fréquentation de 7%, à 100 700 visiteurs, et un bilan qualifié de très positif par ses exposants.

Le groupe Swatch démarre très fort 2010. Euphorique?

Ce mot n’est pas exagéré car le groupe a réalisé le mois dernier des ventes en hausse de près de 41% par rapport à la même période de l’an dernier. Le chiffre de ventes de février 2010 est même le plus fort de tous les févriers de l’histoire de la société! Breguet, Blancpain, Omega, mais aussi Tissot, Longines et Swatch, pour ne citer qu’eux, ont tous vu leurs ventes bondir en février.

La reprise horlogère est-elle donc bien amorcée?

Il faut nuancer le propos. Les dernières statistiques de la Fédération horlogère font état d’une hausse des exportations de 14,2% le mois dernier, dans lesquelles le groupe Swatch pèse pour près de 40%. Ce qui veut dire que la reprise varie encore fortement au sein des 400 horlogers que compte la branche. Certes, les stocks des détaillants se vident et les acheteurs sont de retour. Mais je reste prudent pour toute l’industrie sur les perspectives au deuxième semestre.

L’optimisme semble de retour à Baselworld…

Il ne faut pas exagérer l’influence du salon, qui permet seulement de dégager des tendances. Un exposant qui vous dit qu’il a vendu 60% de son chiffre d’affaires annuel durant la foire, c’est une blague. Sauf s’il produit 20 pièces par an. Car ici, les commandes ne sont pas fermes et, surtout, sans date de livraison fixe. J’en veux pour preuve 2008, une édition où le groupe Swatch avait «vendu» pour des montants astronomiques. Au final, l’industrie s’est cassé la figure dès septembre, chose que personne n’avait prévue, et les commandes n’ont pas été honorées ou reportées à bien plus tard.

Fin décembre, vous menacez de ne plus fournir en ébauches certaines marques. Pourquoi?

Il s’agit d’une décision mûrement réfléchie, motivée par l’intérêt et la survie à moyen terme de toute l’industrie horlogère suisse. Et soutenue par les autres marques horlogères du pays, qui ne sont pas visées par cette mesure. Dans la branche, le seuil d’entrée est trop bas. Ce qui veut dire que n’importe quel nouvel arrivant qui cherche à se faire du fric peut faire produire sa montre avec notre «know-how» d’artisans suisses. C’est un vrai scandale, je dis ras-le-bol!

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Dans le clan Swatch, la relève est assurée

Autre opération coup-de-poing, la fronde antibanquiers menée avec Christoph Blocher et Christian Levrat.

Je rappelle que le groupe Swatch avait déposé plus de 1,5 milliard de francs auprès des grandes banques suisses et qu’une faillite bancaire aurait signifié que les salaires de mes employés n’auraient pas été payés. Voilà la raison qui m’a poussé à organiser l’an dernier une conférence de presse qui n’avait qu’un message: appuyer les efforts de contrôle de la Banque nationale suisse (BNS) et mettre en garde le lobby bancaire avec l’alliance de deux partis politiques qui pèsent une majorité de l’électorat suisse.

Swatch Group pourrait franchir la barre des 10 milliards de chiffre d’affaires d’ici à 5 ans. Comment?

Tout simplement mathématiquement, en me basant sur les précédents taux de croissance et notre dernier chiffre d’affaires, à 5,45 milliards de francs. Je précise que ce montant ne sera atteint que si le rythme actuel se poursuit, accompagné d’un management rigoureux et sérieux. Bien sûr, si la crise se prolonge, le scénario sera tout autre.

Votre petit-fils Marc Hayek vient de faire la couverture du magazine «Bilanz». La troisième génération des Hayek est-elle ainsi assurée?

Oui, mais les médias sont terribles: ils ignorent totalement les femmes. J’ai une fille, Nayla Hayek, qui fait un travail formidable dans le Swatch Group, notamment avec la marque Tiffany, au Moyen-Orient, en Inde, et les journalistes n’en parlent pas! Elle est aussi vice-présidente du groupe, ce qui me paraît être un indicateur significatif… malgré qu’elle parle moins que son père devant la presse.

Elisabeth Nicoud

Tribune de Genève

 



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