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Ce n’est ni officiel, ni autorisé, mais l’idée circule activement au sein de l’état-major biennois : puisque le Swatch Group a clairement l’intention de rendre discrétionnaires, à terme, ses livraisons de mouvements et de composants, pourquoi ne pas tenter, dès maintenant, une initiative stratégique oblique ?
••• IMAGINONS QUE ETA CHANGE DE NOM...
Pas de notes de service à ce sujet, mais une convergence de réflexions stratégiques informelles, à relier au dossier (compliqué) des prochaines cessations de livraisons d’ébauches et au dossier tout aussi embrouillé de la future et éventuelle sélection (discrétionnaire) des marques tierces admises à bénéficier des mouvements et des composants produits par ETA et le Swatch Group.
Nicolas Hayek ayant clairement précisé et répété ses intentions à ce sujet, personne ne pourra affirmer qu’il a été pris au dépourvu. On imagine que les recours devant la Comco ne manqueront pas : l’affaire ne va donc pas de soi et les marques interdites de livraison – par le « fait du prince » biennois – pourront toujours hurler aux pratiques discriminatoires.
••• UNE RÉORGANISATION SÉMANTIQUE DU PORTEFEUILLE DES MARQUES
Comment passer outre ? Peut-être (hypothèse non confirmée et non confirmable dans l’état actuel du dossier) en... rationalisant le portefeuille des marques du groupe ! Pas les marques de montres, mais les noms des différentes entités, qui sont aujourd’hui connues sous leur nom historique (ETA, Nivarox, Universo, etc.), mais qui doivent ajouter à leur raison sociale le fait qu’elles font partie du Swatch Group.
Imaginons que, de même que Danone a repensé l’éventail de ses marques, le Swatch Group procède à un réexamen logique et une réorganisation sémantique de son dispositif industriel. Objectif : affirmer davantage l’identité de ces entreprises qui ne sont encore trop souvent perçues que comme un conglomérat productif dont les contours restent difficiles à cerner.
Par exemple, pourquoi ne pas redonner à toutes les « marques » leaders du pôle production une identité plus fortement Swatch Group en ajoutant, dans la raison sociale, le nom de Swatch ? Ce qui transformerait ETA en quelque chose comme Swatch Manufacturing ETA, Nivarox en Swatch Escapements Nivarox, Universo en Swatch Aiguilles Universo ou Dress Your Body en Swatch Jewels DYB...
••• « AH BON, VOUS EMBOÎTEZ DU SWATCH ? »
Hypothèse absolument inattaquable par les compétiteurs du groupe : chaque entreprise est encore heureusement maîtresse de sa raison sociale et peut donc à tout moment la modifier. Mais hypothèse stratégiquement savoureuse, puisqu’il deviendrait manifeste que tout le monde emboîte peu ou prou du Swatch ! De quoi poser de façon éclatante et oblique la suprématie industrielle du groupe...
Hypothèse d’autant plus amusante qu’on lirait alors dans les notices de présentation des montres : « Mouvement Swatch ETA » ou « Spiral Swatch Nivarox ». Notion qui pourrait se résumer ainsi : « Mouvement Swatch » ou « Spiral Swatch ». Il suffit de penser au traumatisme que serait pour TAG Heuer, Chanel ou Patek Philippe l’aveu d’un « mouvement Swatch quelque chose ». L’ironie vis-à-vis des grandes marques serait mordante : « Ah bon, vous mettez du Swatch dans vos montres ? ». Ce qui est aujourd’hui le cas, mais seule une minorité d’amateurs en est clairement consciente...
••• Encore une fois, ceci n’est qu’une rumeur, mais c’est la moins incroyable de toutes celles qui ont déferlé à Baselworld – parce que c’est sans doute la plus stratégiquement bien pensée. On serait même tenté d’ajouter que c'est la plus perversement distillée (image ci-dessus : « Le chien et le coq » de Picasso)...
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