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Impossible de prétendre que cette Lady Hawk est une montre Boucheroncomme les autres : elle est tout simplement hors normes.
Ce qui ne signifie pas pour autant qu’elle est à côté de la plaque…
••• BOUCHERON LADY HAWK TOURBILLON
Les initiés auront reconnu les trois ponts d’or du tourbillon Girard-Perregaux, manufacture partenaire du groupe PPR dont Boucheron est le joaillier de référence. Tourbillon qui se voit logé là dans un boîtier ovale assez inattendu, légèrement basculé et, surtout serti de partout, côté cage comme sur le cadran et même autour du boîtier.
Si un horloger « classique » avait présenté une telle pièce, alors qu’il est de bon ton de proclamer (unilatéralement) la mort du bling et le retour (unilatéral) aux « valeurs traditionnelles de l’art horloger », tout le monde aurait hurlé, au sein de la même chorale des indignés qui avaient – par dépit ou par jalousie ? – accompagné la sortie des premières montres Jacob & Co.
Là, tout le monde reste coi. D’une part, parce que très peu de monde a repéré cette Lady Hawk pour le moins surprenante dans une vitrine de la place Vendôme [où Mme Faucon n’a d’ailleurs encore pris son envol]. D’autre part, parce que ce n’est pas aussi étonnant que cela peut le paraître de la part d’une maison comme Boucheron…
••• LE BESTIAIRE FABULEUX DU JARDIN D’EDEN VENDÔMOIS
Explication de texte et leçon de choses sont nécessaires pour un décodage partiel de cette pièce non-conformiste, unique dans cette exécution, précautionneusement dévoilée à Baselworld à une poignée de détaillants qui en croyaient d’autant moins leurs yeux que la Lady Hawk sera sans doute réservée aux boutiques Boucheron…
• Le contexte animalier : pour ceux qui auraient manqué un épisode, la place Vendôme joue plus aujourd’hui la décoration que la gemmolâtrie. Elle s’est mée, depuis quelques années, en un sorte d’Arche de Noé cryptozoologique et un Jardin d’Eden où se croisent, dans une flore magique rehaussée de pierres précieuses, tous les animaux extraordinaires d’un bestiaire fabuleux. Chez Boucheron comme chez ses voisins de palier, ce ne sont que coccinelles, grenouilles, araignées, pandas, panthères, tigres et même serpents. Donc, pourquoi pas un faucon, l’oiseau étant de plus porteur de significations socio-culturelles lourdes dans un Proche-Orient qui aime tant ces pièces dignes des Mille et Une Nuits.
• Le contexte horloger : qui pourrait trouver à redire à ce tourbillon sous trois ponts d’or, calibre quasi-mythique de la haute horlogerie depuis 1889? La rigueur acérée des ponts en flèche et la géométrie stricte de ce calibre à remontage manuel s’accordent finalement beaucoup mieux qu’on ne pouvait le penser à l’efflorescence baroque de l’empierrage et du plumage de ce rapace serti sur tranches, réaliste jusqu’aux serres et à la moindre rémige. Même le basculement du boîtier fait un petit clin d’œil de complicité à tout amateur un tant soit peu impertinent.
• Le contexte joaillier : c’est le genre de « chef-d’œuvre » qu’on peut se permettre quand a un siècle et demi de haute joaillerie parisienne derrière soi et qu’on tutoie la colonne Vendôme depuis le dernier empereur des Français. Il faut avoir couvert des plus beaux bijoux les plus belles femmes du monde pour oser cette proposition, et il faut les avoir toutes fait rêver au-delà de leurs rêves pour réussir une telle proposition…
• Le contexte marketing : le mot est un peu tabou dans le luxe, mais il vaut son pesant d’image et de message facteurs de dividendes ultérieurs. Depuis Frédéric, le fondateur éponyme, Boucheron a toujours affiché l’audace parmi ses multiples marqueurs génétiques, avec le renfort d’une certaine insolence dans l’excellence. Tous les ingrédients semblent ici réunis pour inscrire cette Lady Hawk dans les pièces marquantes du patrimoine de la marque. Disons qu’on la classera au rayon des objets inclassables et dérangeants dont la beauté interpelle…
A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, mais l’équipe Boucheron tire là un brillant parti d’une situation difficile, en remportant un pari qui était loin d’être gagné d’avance ! Le plus étonnant : en plus de ses 178 diamants (25 carats de diamants roses, jaunes et blancs, sans parler des rubis), cette Lady Hawk se porte au poignet grâce aux savantes articulations des rémiges et elle donne l’heure avec des aiguilles !
••• CETTE LADY HAWK D’OR ET DE PIERRERIES est aussi un clin d’œil aux cinéphiles, qui ont en mémoire le film fantastique italien d’heroic fantasy qui portait le même nom (film de Richard Donner, 1985) et nous racontait l’histoire teintée de magie médiévale d’un rapace qui se changeait en belle de nuit. La place Vendôme serait-elle mûre pour les sortilèges de l’heroic fantasy
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