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Enchères : La stratégie d’excellence d’Aurel Bacs (Christie’s)
 
Le 09-04-2010
de Business Montres & Joaillerie

Si le marché des enchères horlogères a relativement bien passé la crise, la décennie 2010 s’ouvre sur un paysage radicalement différent pour les maisons de ventes.

Pour y survivre, toute erreur de stratégie devient fatale !


••• UNE BIPOLARISATION TYPIQUE DES TEMPS DE CRISE

On ne voit pas pourquoi le marché des enchères horlogères, dont l’embellie avait accompagné – et parfois même devancé – toute la Bulle Epoque aurait échappé aux multiples impacts de la Première Crise économique mondiale. Logiquement, et conformément à l’évolution de l’industrie des montres, les enchères horlogères ont été profondément restructurées par le krach financier, le credit crunch et la déstabilisation de nombreuses économies : sous le marteau, ce ne sont plus les mêmes maisons, ni les mêmes acteurs, ni les mêmes marques, ni non plus les mêmes amateurs qui animent ce marché des montres de collection :

• Les prix ont baissé, en moyenne (sensiblement autant de pièces mises en vente, mais pour des résultats inférieurs) et en tendance, avec des exceptions à comprendre dans une logique de repolarisation (voir ci-dessous), qui voit les prix hauts grimper encore à des niveaux exceptionnels et les prix moyens connaître un nivellement par le bas…

• Le meilleur se vend mieux, alors que le médiocre est ravalé : les statistiques des maisons d’enchères sont faussées par les enchères de complaisance, que chacun se défend de pratiquer alors qu’on voit les mêmes pièces, porteuses des mêmes références, repasser de vente en vente alors qu’elles étaient déclarées adjugées ! Si on peut comprendre la défection in fine de quelques enchérisseurs, les exemples sont trop répétés pour qu’on ne se trouve pas face à un « système » délibéré de camouflage…

• Les grands collectionneurs ont profité de la crise pour tourner la page et commencer à « liquider » des collections dont les plus belles pièces avaient été acquises avant la Bulle Epoque : lassitude mentale, incompréhension face à des horizons changeants et sentiment d’avoir atteint un optimum poussent à une mutation générationnelle et culturelle, accélérée par le déplacement vers d’autres zones de croissance des bassins traditionnels d’acheteurs. Pour résumer, l’Europe déconsolide ou réoriente ses centres d’intérêt horlogers (on le vérifie dans le succès des ventes de pendules « historiques » des XVIe et XVIIe siècle), alors que l’Est européen et l’Asie se cherche de nouvelles bonnes raisons de collectionner (la cote d’amour des montres de décoration – émaux, etc. – est ici une des manifestations de ce nouveau tropisme oriental)…

• On retrouve sur ce marché le schéma classique de la bipolarisation des temps de crise : envolée de l’exceptionnel vers les sommets, régression et tassement dans le bas du panier, avec ou si peu au milieu [les crises ignorent les options moyennes et les plans médians]…

• Même polarisation autour d'une poignée de marques : hormis Patek Philippe et Rolex, beaucoup font de la figuration, sauf pour quelques lots exceptionnels, même si certaines marques comme Greubel Forsey se muent en stars des enchères...

• Dans ce contexte, les parts de marché se sont elles aussi polarisées, l’implosion en vol d’Antiquorum persistant à déstabiliser l’équilibre général des enchères horlogères. On distingue désormais deux pôles antagonistes. D’une part, les maisons de tradition emmenées par Christie’s – Sotheby’s ne jouant plus qu’un rôle résiduel du fait de son inaptitude à s’arracher à des routines mentales obsolètes : rien n’est plus mortellement ennuyeux qu’une vente sous le marteau de Geoffroy Ader, sinon un catalogue Sotheby’s, aux montres bien propres estimées à des prix bien sages – et quelques opérateurs locaux. D’autre part, les outsiders indépendants (Antiquorum, Patrizzi & Co, etc.) qui luttent entre elles pour le leadership sur ce segment alternatif autant qu’elles luttent contre les grands réseaux – ce qui les pousse de fait à cannibaliser leurs clients et leurs catalogues au lieu de segmenter leur offre. Les rumeurs (parfaitement justifiées) de difficultés récurrentes de trésorerie chez ces indépendants n’a d’ailleurs pas contribué à rétablir un facteur confiance dont personne ne doutait avant la crise : des vendeurs que leur instinct aventureux aurait autrefois poussé à un léger risque – souvent sanctionné par des enchères plus élevées – du côté des indépendants ont aujourd’hui retrouvé l’adresse de Christie’s ou de Sotheby’s. En 2007, Antiquorum était leader sur ce marché. En 2010, plus personne ne dispute sa couronne à Aurel Bacs : évolution spectaculaire en une dizaine de grandes ventes !



••• UNE GRANDE SYMPHONIE ADJUDICATOIRE

C’est pourquoi il faut regarder le catalogue de la prochaine vente Christie’s (10 mai, Genève, avec un résultat escompté de 8 millions d’euros) comme le point d’équilibre et le vrai indicateur des tendances de l’année 2010 pour les enchères horlogères. Plusieurs leçons à tirer de ces 369 lots, dont une centaine seront proposés « sans prix de réserve », ce qui les rend donc très tentants [un piège classique pour les amateurs qui ne savent pas garder la tête froide et qui en oublient les frais d’achat après avoir confondu estimation et adjudication] :

• Manifestement, Christie’s aimante la confiance des grands collectionneurs, non seulement avec la suite de la collection milanaise K. (une des plus belles séries de Patek Philippe entre des mains privés, dont la dispersion avait animé la précédente grande vente de l’année dernière : 4,9 millions de francs suisses en 10 numéros, pour 3-4 millions estimés), mais avec les apports de grands amateurs et avec le flair des équipes d’Aurel Bacs, qui savent faire sortir des coffres-forts les belles pièces qui y dorment [quand il ne s’agit pas de les débusquer dans les cuisines : voir ci-dessous le lot 83]…

• Ce catalogue est le fruit d’une mise en scène soigneusement orchestrée : il constitue une sorte de symphonie adjudicatoire qui enchaîne les ouvertures, les menuets reposants, les danses régionales et les héroïques morceaux de bravoure. Dans ce menu gastronomique, on alterne amuse-bouches et plats de résistance, avec quelques « trous normands » pour respirer entre deux grandes séries héroïques (il suffit pour le vérifier de décompter le tempo de certains lots – qui relèvent du déstockage classique – à celui de certaines pages qui relèvent de ce grand art qu’on pratique au marteau d’ivoire…

• La stratégie d’excellence adoptée par Aurel Bacs se décode ici très clairement : une trentaine de vrais lots exceptionnels (qui ne sont pas forcément les plus coûteux), soit par leur rareté absolue (pièce unique), soit par leur nouveauté en salle des ventes (premier passage sous le marteau), soit par leur pedigree (origine, documentation), et une autre trentaine de « locomotives » – qui seraient exceptionnelles ailleurs – pour tirer 80 % des lots restants, qui restent honnêtes sans mériter qu’on s’en extasie. Un habile cocktail, donc, de communication, d’expertise, d’émotion et de roublardise marchande – ne jamais oublier les nécessités marchandes tapies sous la passion pour les belles montres…



••• « IMPORTANT WATCHES INCLUDING A CONNOISSEUR’S VISION, PART II »

Un rapide survol des 369 lots, pour en extraire quelques pépites particulièrement représentatives et intéressantes, du point de vue de l’amateur comme pour un investisseur :

•• Inutile de s’apesantir sur la série des « Connoisseur’s Choice », bien résumée par une seule pièce : le n° 84 (un chrono QP phases de Lune Patek Philippe 1527 dans un boitier tonneau) est absolument unique par plusieurs de ses caractéristiques et c’est la dernière grande belle Patek Philippe entre des mains privées (la pièce n’est pas reparue aux enchères depuis vingt ans, ce qui explique sa cote : 1,5-2,5 millions de francs suisses, soit 1-1,7 million d’euros). Même le musée Patek Philippe n’en a pas une semblable : s’il y a une Patek Philippe à acheter quand on est un amateur fortuné, c’est cette 1527 et la compétition s’annonce suivie…

•• Les autres Patek Philippe de haut vol ne déméritent pas, et elles racontent toutes une histoire, comme le chrono 1518 n° 83 dans un état d’autant plus parfait qu’il était conservé dans la cuisine du premier propriétaire qui s’en servait pour décompter ses temps de cuisson – il s’est trouvé protégé par l’huile des paellas familiales !

•• Un petit détail suffit à faire la différence, comme l’absence d’aiguille des secondes sur la phase de Lune du QP 1526 n° 82, qui pousse l’estimation jusqu’à 300-500 000 francs suisses…

•• Parfois, c’est la couleur, comme le bleu métallisé du cadran du QP 3448, probablement unique, mais qui semble avoir donné des idées pour la collection 2010 de la manufacture (lot n° 158, image ci-dessus)…

•• Comme toujours, les pièces qui ont fait un « bide » commercial, comme la double fuseau horaire 2597 « travel time » (n° 134) voient leur rareté récompensée. Comme quoi les jetsetters de l’époque, qui étaient la « cible » de cette montre, manquaient un peu de discernement !

•• On en terminera avec les Patek Philippe exceptionnelles en mentionnant la phases de Lune réf. 96 très spéciale (lot n° 160), pièce de « qualité musée » au pedigree impeccable, dont le design « charismatique » impressionne encore malgré ses 70 ans…

•• Le travail d’enquête qui a mené à l’identification du chrono Rolex triple date n° 207 est passionnant et révélateur du travail d’« accouchement » que peut mener une bonne équipe d’auctioneers…

•• On retrouve ce même souci d’archéologie horlogère avec la documentation de la Rolex Submariner ARA (montre n° 337), dont les marquages sont totalement inconnus, mais ils racontent une belle histoire militaro-scientifique.

•• Noter au passage l’intérêt de la Rolex « saphirs-rubis » du n° 108 : c’est la fameuse GMT SARU (pour SAphir-RUbis), vraie rareté pré-bling bling dans l’univers des sportives « professionnelles » de la marque…

•• La Rolex la plus attendue sera néanmoins la fameuse Polipetto (n° 35), une édition spéciale de la Sea-Dweller réalisée pour les plongeurs de la police italienne. Editée à 78 exemplaires, c’est la première qui passe aux enchères.

•• Le lot 56 est un caprice de grand malade : c’est le n° 0 du futur livre géant sur la Daytona, Ultimate Rolex Daytona, terminé à la main pour cette vente alors qu’il ne sera disponible qu’en fin d’année (612 pages, 2 000 photos, reliure en cuir et emboîtage en bois, impression en 7 couleurs, pour un total de 12 kg, 20 kg avec le packaging en 45 x 35 cm !)…

•• On trouve d’excellentes surprises dans toutes les sections du catalogue, qu’il s’agisse d’une montre de Louis II de Bavière ou d’un double tourbillon de Greubel Forsey (250-350 000 francs suisses), mais aussi de bonnes montres accessibles à partir d’un gros millier d’euros

••• LE CATALOGUE ÉTANT EN COURS D’IMPRESSION, il faut se contenter pour l’instant de le feuilleter en ligne, ce qui n’a rien de désagréable avec l’actuel flipbook proposé par Christie’s…

• On comprend néanmoins que les marchands et les amateurs, en découvrant ce catalogue, aient décidé de garder quelques réserves pour le mois de mai : hormis pour les lots exceptionnels (comme le manuscrit Breguet che Patrizzi & Co : Business Montres du 31 mars), les prochaines ventes de montres, à Genève ou ailleurs, risquent d’être moins animées.

• Rendez-vous pour le vrai spectacle, le 10 mai prochain : un grand show se prépare !

 



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