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Radio BFM : Le douloureux dossier des montres Ralph Lauren
 
Le 19-04-2010
de Business Montres & Joaillerie

Pour les lecteurs de Business Montres, le dossier des montres Ralph Lauren est ouvert depuis octobre 2004.

Les avancées du projet ont été suivies de près, jusqu’au plantage annoncé de 2009 et sa confirmation au SIHH 2010.

Interrogations à propos des montres Ralph Laurenet de leur avenir dans « Goûts de luxe », sur Radio BFM, à l’occasion de l’ouverture à Paris de la plus grande boutique européenne de la marque...


1)
••• UNE HISTOIRE D’AMOUR ENTRE RALPH ET JOHANN

C’était annoncé en page 8 du n° 1 de Business Montres (5 octobre 2004) : Ralph Lauren négociait alors sa licence horlogère avec le... Swatch Group ! Le courant ne passant pas entre le rugueux (rustique ?) Nicolas Hayek et le patricien néo-milliardaire Ralph Lifschitz (Lauren), pour des questions de style de vie et de positionnement à venir dans l’univers du luxe, Ralph Lauren devait ensuite frapper à plusieurs portes, dont celle de Gino Macaluso (Girard-Perregaux), ami personnel de Ralph Lauren, avant une rencontre avec Johann Rupert – le propriétaire de Richemont – qui rêvait depuis des années de mettre un pied dans l’univers du luxe non horloger.

• Pour Richemont, Ralph Lauren représentait à la fois une ouverture sur le marché du luxe fashion en même temps que la possibilité de créer une vraie marque de montres, avec une cerise sur le gâteau : l’ouverture de corners horlogers dans les grandes boutiques Ralph Lauren qui disposent généralement d’une vitrine de montres vintage. Bonne affaire, donc, sur toute la ligne, les montres Ralph Lauren ne pouvant que piocher dans le catalogue des mouvements maison (Jaeger-LeCoultre, Piaget, etc.)...

• Côté Ralph Lauren, Richemont avait un position luxe qui ne prêtait pas à confusion dans l’univers des montres et disposait en plus d’un réseau international de boutiques qui simplifierait d’emblée l’introduction des montres Ralph Lauren sur le marché, avec une autre cerise sur le gâteau : le quadrillage de la planète par les filiales du groupe, et donc la certitude de disposer d’une expertise locale à tous les niveaux (back-up, SV, communication, etc.). Supplément chantilly : avec Richemont, qui disposait d’équipes rôdées à la création et à la réalisation des futures collections de montres de luxe, Ralph Lauren gagnait au moins deux ans pour la mise en place de sa marque horlogère...

• Bonne affaire réciproque, donc, embrassades collectives et déclarations d’amour enflammées avant le mariage : Business Montres pouvait annoncer la joint-venture à 50/50 – pas une simple licence horlogère, mais la création commune d’une vraie marque – dès le 5 mars 2007. Un « incubateur » se mettait en place autour de George Kern (IWC), avec la mise à disposition d’équipes venues de Valfleurier (la manufacture de complications de Richemont)...

2)
••• UN GRAND AMATEUR DE MONTRES EST-IL UN GRAND CRÉATEUR HORLOGER ?

Très vite, cependant, il apparaissait que Ralph Lauren et son fils n’étaient pas tout-à-fait sur la même longueur d’onde que Richemont pour la création des futures collections horlogères de la marque. Le projet Ralph Lauren, dont les différentes féodalités du groupe Richemont s’étaient disputé la paternité [ce qui avait attiré autour du berceau quelques jeunes loups ambitieux du groupe], devenait très vite la « patate chaude » – certains diront vulgairement le « bâton merdeux » – que les uns et les autres se refilaient pour ne pas se brûler (ou se salir) les doigts. Les portes claquaient ! Giampiero Bodino, le directeur artistique de Richemont, ne supportait plus les interventions perpétuelles de Ralph Lauren et ses injonctions successives et contradictoires. Georges Kern se retirait prudemment sur la pointe des pieds...

• Décodage : passionné de montres et grand collectionneur, Ralph Lauren avait une idée très précise – mais passablement complexe – des montres appelées à porter son nom. Au fil des semaines et de ses lectures horlogères, en fonction de ses différents « consultants », il mettait le cap sur Cartier, avant de virer dans la direction de Panerai, puis de tirer un bord vers Hublot avant d’aborder les parages de Franck Muller. Il avait trop de références en tête et il voulait trop en faire pour son « premier bébé ». Son propre fils se piquant de direction artistique, les conflits étaient quotidiens, sans arbitrage managérial ni direction marketing efficace, ce qui obligera la présentation des montres à être repoussée de 2008 à 2009, après qu’on ait plusieurs fois jeté à la poubelle ce qui venait d’être fait.

• Mauvais climat qui a passablement compliqué la mise en place d’une équipe cohérente : le bouche-à-oreilles étant désastreux et compliqué par les stratégies personnelles richemontiennes, elles-mêmes additionnées du copinage ralphlaurénien, peu de candidats solides et motivés étaient disponibles. A tel point qu’il faudra aller chercher le paisible Guy Châtillon chez Piaget pour coordonner les opérations, la direction marketing partant à vau-l’eau et la communication s’avérant ectoplasmique.

3)
••• CHRONIQUE D’UNE MORT ANNONCÉE

Les chicanes de préséance compliquant les querelle de territoire, la malheureuse marque Ralph Lauren ratait donc le SIHH 2008 [le plus flamboyant de l’histoire du salon] et repliait les gaules jusqu’à l’édition 2009, qui devait s’ouvrir sous les auspices d’une crise niée par tout le monde quelques semaines plus tôt. Les lecteurs de Business Montres étaient informés en temps et heure des crises de nerf chez les uns et des questions que se posait tout l’état-major de Richemont à propos d’une aventure qui avait déjà mobilisé une dizaine de millions et qui s’apprêtait à en gaspiller autant...

• Les montres Ralph Lauren devaient être l’attraction majeure du SIHH 2010 : espace fastueusement décoré (à la Ralph Lauren) à l’entrée du salon, grande fête à la Richemont pour marquer cette naissance, dossier de presse luxueux mais égocentrique (18 photos de M. Ralph Lauren, c’était peut-être beaucoup !) et... rien dans les carnets de commande. Alors que la presse se pâmait devant les collections Ralph Lauren, les détaillants ne commandaient pas une seule montre au cours de ce SIHH ! Pas la signature d’un seul contrat de distribution ! Très poliment [on ne tire pas sur les ambulances] mais avec un certain courage dans l'isolement, Business Montres s’interrogeait sur « L’énigme Ralph Lauren » (21 janvier) et pointait du doigt les multiples faiblesses des collections, ainsi que les « splendeurs et misères d’une déclinaison horlogère qui fait son entrée sur le marché au pire moment »...

• Parmi ces handicaps congénitaux, Business Montres citait notamment la faiblesse du concept, la vacuité des trois collections, leur absence navrante d’identité, une série de défauts purement horlogers inexpliquables pour des produits Richemont [il est vrai que l’équipe de création ne comptait plus que des seconds couteaux dont les marques s’étaient habilement débarrassé] et, surtout, un positionnement prix ahurissant pour des « montres de griffe » en temps de crise...

• A New York, chez Ralph Lauren, comme à Bellevue, chez Johann Rupert, plus personne ne prenait la peine de cacher la mésentente croissante entre les deux signataires de la joint-venture, un peu effarés par l’addition finale du SIHH rapportée à une absence totale de commandes. Seules les boutiques Ralph Lauren allaient distribuer ces montres. La situation ne faisait qu’empirer jusqu’au SIHH 2010, guère plus profitable pour la marque et encore plus coûteux pour les deux partenaires. Ralph Lauren lui-même devait s’bstenir de paraître à cette édition du SIHH (information du franc-tireur de Genève, Business Montres, 19 janvier). De part et d’autre, on en est aujourd’hui à chercher une porte de sortie honorable : on sait – l’affaire Ferrari n’en est que la dernière confirmation – que Johann Rupert n’aime pas s’éterniser sur les partenariats qui ne le satisfont plus...

4)
••• QUE PEUVENT DEVENIR LES MONTRES RALPH LAUREN ?

Valeur commerciale à ce jour : un franc symbolique pour le stock d’environ 5 000 à 6 000 pièces, invendable en dépit des multiples « ventes au personnel » proposées à l’environnement Richemont avec 80 % de discompte sur les prix publics [la collection 2010 n'était qu'un rafistolage maladroit de la collection 2009]. Valeur horlogère de la marque : guère plus d’un franc symbolique, faute de structures sur le terrain, faute d’une distribution mondiale (hors boutiques Ralph Lauren) et faute d’équipiers compétents. Avenir potentiel : plutôt très fort, compte tenu du goodwill naturel du label Ralph Lauren sur les marchés développés et de la vocation naturelle d’une référence internationale comme Ralph Lauren à gérer une déclinaison horlogère légitime. Ajoutons à cette cartographie l’envie démesurée de Ralph Lauren de prendre une revanche personnelle sur cet échec en tout point prévisible : le Watch Salon mis en place dans sa nouvelle boutique parisienne témoigne d’une ambition intacte (Business Montres du 16 avril, info n° 5)...

• Le tout est donc de reformater la proposition et de repenser l’offre, en relançant une marque avec ou sans Richemont [aujourd’hui, selon nos informations, ce serait plutôt... sans !], mais avec une équipe décidée à créer, sur le marché de la montre, une offre alternative aussi forte que celle qu’avait su imposer, en son temps, Ralph Lauren sur le marché de la mode masculine. Quand on vient de perdre plus de vingt millions dans une aventure condamnée à l’avance [disons une dizaine/douzaine de millions pour chaque partenaire], on peut se donner le temps d’une petite réflexion préalable avant de disputer le deuxième round...

••• LA BALLE EST AUJOURD’HUI DANS LE CAMP DE M. RALPH LAUREN, qui doit tirer un trait sur cette tentative avortée de passer par la grande porte et qui doit accepter, avec une modestie (nouvelle pour lui) de refaire humblement ses classes horlogères pour nous proposer sa vision personnelle de la montre au XXIe siècle.

• Que manque-t-il aujourd’hui aux montres Ralph Lauren ? De la substance horlogère, de la pertinence marketing et surtout de la densité identitaire. Les « Richemont Boys » ont lancé du Ralph Lauren by Richemont – que savaient-ils faire d’autre ? – quand il aurait fallu faire des montres Ralph Lauren by Ralph Lifschitz himself, sans passer par l’épicerie Richemont qui lui a fourgué son bric-à-brac horloger, ses mouvements sur étagères, ses boîtiers low cost et ses rogatons en ressources humaines.

• Courage, Ralph ! La marque mérite de belles collections de montres ! Mais avec qui les réaliser et les travailler dans cet univers impitoyable qu'est le Dallas horloger ?


••• L’ÉMISSION « GOÛTS DE LUXE » : débat avec Business Montres sur Radio BFM à propos des montres Ralph Lauren et à l’occasion de l’ouverture de la grande boutique parisienne du boulevard Saint-Germain :
• Ce samedi 17 avril : 20 h 00-22 h 00. Dimanche 18 avril : 10 h 00-12 h 00.
• Fréquences multiples de BFM, écoute en direct sur Internet, podcast après l’émission, etc. sur le site de Radio BFM (la chronique horlogère est vers la fin de la première heure).

 



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