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Selon Scilla Huang Sun, gérante du fonds Julius Baer Luxury Brands Fund, l’horloger suisse Swatch dispose encore d’un potentiel, grâce à sa présence en Asie. Les attentes sont réalistes et le groupe peut en surprendre en bien. Notamment si le secteur bénéficie d’une reprise plus marquée que prévu des dépenses aux Etats-Unis.
Les valeurs du luxe ont retrouvé pour certaines leurs niveaux d’avant le krach boursier. Scilla Huang Sun, gérante du fonds Julius Baer Luxury Brands Fund, estime que les Etats-Unis pourraient prochainement venir soutenir la demande en provenance des pays émergents.
Le Temps: Le rebond des valeurs du luxe est-il durable?
Scilla Huang Sun: Cela dépendra de l’évolution des marchés boursiers. Les actions ne sont plus bon marché, mais les valorisations ne sont pas exagérées. Nombre d’investisseurs sont de plus restés à l’écart du rallye: plus l’économie se remettra, plus la pression à investir en actions augmentera. A un horizon de trois à cinq ans, il y a encore un potentiel.
Le luxe a souffert en 2009. De nombreuses personnes aisées ont perdu beaucoup d’argent en bourse et n’avaient plus envie d’acheter du luxe. Mais cela n’a pas été un désastre, avec des revenus en baisse de 4 à 5% en moyenne. Il y a cependant eu de grandes différences entre sociétés, et même des faillites. D’autres compagnies ont conservé des marges opérationnelles à deux chiffres et des bilans sains. Le secteur a aussi bénéficié du soutien de la demande asiatique, en particulier de la Chine.
– On parle pourtant d’un risque de bulle en Chine. Le luxe sera-t-il à l’abri des conséquences?
– Le cas échéant, cela affecterait plus les actions ou l’immobilier. La progression de la consommation est un phénomène de long terme. Même quand l’économie a subi un choc en 2009, les dépenses des ménages ont continué de progresser. Le niveau de vie des Chinois augmente. A partir d’un certain niveau, ils peuvent acheter leur première montre Omega ou leur premier sac Louis Vuitton. Et ils sont nombreux…
La Russie reviendra. L’Inde se développera. La demande des pays émergents sera très importante. Nous pensons aussi que l’économie américaine surprendra en bien dans les six mois. Les clients du luxe, des personnes aisées, ont moins de problèmes d’endettement et ont récupéré une partie des pertes sur leurs actions. Ils achèteront peut-être un peu moins. D’où l’importance de choisir les meilleures sociétés.
– Lesquelles préférez-vous?
– Le portefeuille est resserré, 32 actions actuellement. Parmi celles-ci, il y a Swatch, qui dispose encore d’un potentiel, grâce à sa présence en Asie. Des marques comme Omega, Longines ou Tissot se développent très bien. Les attentes sont réalistes et il est important de sélectionner des sociétés qui peuvent surprendre en bien. Je pense que c’est le cas de celle-ci.
Comme Swatch, Richemont dispose également d’une exposition aux marchés émergents, en particulier à la Chine, supérieure à la moyenne du secteur. Parmi les grandes capitalisations du fonds se trouve aussi LVMH.
Dans les capitalisations moyennes disposant d’un important potentiel de croissance, Burberry a une excellente marque, très britannique et identifiable, ce qui est très important dans les marchés émergents. La stratégie de la décliner dans de nouveaux domaines, accessoires ou textile, est excellente. Le chausseur italien Tod’s n’a pas beaucoup de concurrents dans la chaussure de loisir de haut de gamme. L’américain Tiffany dispose pour sa part d’une marque globale et de produits attrayants et abordables.
Il faut aussi citer les fabricants de boissons, comme le britannique Diageo. Ils ont été frappés plus durement qu’attendu. Mais cette activité génère un cash-flow et des marges importants. En outre, la valorisation du secteur est basse et celui-ci est moins cyclique que l’horlogerie et la joaillerie.
– Les mieux positionnés sont-ils les acteurs traditionnels ou ceux du luxe «abordable»?
– Le haut de gamme est moins cyclique que le luxe abordable, mais ce dernier est un marché beaucoup plus large, notamment grâce à l’Asie. Et plus concurrentiel aussi. Les sociétés qui ne font que suivre les modes, les «me too», risquent de souffrir. La marque doit donc être forte et bien positionnée.
– Classez-vous aussi dans le luxe abordable des sociétés comme le fabricant d’articles de sport Nike ou celui d’ordinateurs Apple?
– J’avais examiné Apple, mais je l’ai manquée. Il s’agit d’une société qui peut vendre ses produits d’électronique plus cher que d’autres articles comparables, au prix il est vrai d’une contrainte à innover rapidement. Nike est aussi une marque très bien positionnée, bien implantée hors des Etats-Unis et servie par un excellent marketing. Il y a des actions Nike dans le portefeuille, en quantité restreinte, mais en hausse ces derniers mois.
– Comment investissez-vous?
– L’univers de base compte environ 200 sociétés. Nous observons les grandes tendances, avant de passer à l’analyse des sociétés, qui compte pour 80% dans les choix. En outre, les bonnes compagnies sauront reconnaître elles-mêmes les développements importants. C’est pour cela que certaines investissent en Chine depuis longtemps. Une des difficultés est de ne pas confondre les produits et la société. Ce n’est pas parce que j’aime un produit que tout le monde l’aimera.
*Gérante du fonds Julius Baer Luxury Brands Fund.
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