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Quinze cartouches dans le chargeur : votre Quotidien des Montres avait en ligne de mire le paysage des actualités horlogères de la semaine.
Les coups au but ne manquent pas, pour le meilleur et pour le pire.
CETTE SEMAINE, LE SNIPER A...
1)
••• DÉCOUVERT LE DERNIER EXPLOIT DE L'HIMALAYA DE LA PENSÉE HORLOGÈRE...
...qui vient de « restructurer » Vaucher Manufacture, comprenez par là qu’il a décidé le licenciement d’une cinquantaine de personnes (un quart des effectifs !). Le même visionnaire affirmait encore, voici quelques semaines, son irréductible foi dans la reprise et dans la grande santé de ses entreprises horlogères ! Il est vrai que le titre de « CEO de l’année 2009 » qui a été décerné au manager de Parmigiani et Vaucher reste pour le moins sujet à caution (Business Montres du 1er février dernier). « Tout va très bien, Madame la marquise » ! Sauf à Fleurier...
••• ON PEUT SE DEMANDER JUSQU’À QUAND PIERRE LANDOLT, le généreux mécène de Parmigiani et de Vaucher (propriétés de la Fondation Sandoz), applaudira aux initiatives de son himalayesque boulet horloger : s’il y a vraiment un manager dont la date de péremption est depuis longtemps dépassé (conclusion de la chronique vidéo de Business Montres le 28 avril : « Les seniors sont des cadors »), c’est bien – de l’avis unanime – notre Génie des Carpathes fleurisannes...
2)
••• ÉTÉ TOUCHÉ PAR L’INTERVIEW TRÈS « HUMAINE »...
...et au moins très humaniste accordée par Nicolas Hayek (Swatch Group) à Bonne Nouvelle (mensuel de l’Eglise protestante vaudoise). Emotion et lyrisme à tous les paragraphes : « Je suis un passager à bord d’un vaisseau spatial qui s’appelle la planète Terre. Lorsque je vois que ce vaisseau spatial est menacé par des gens qui veulent y faire des trous ou le détruire, j’interviens. Je saute immédiatement de mon siège pour aller aider à réparer les dégâts, avec mes moyens et avec d’autres passagers. Ensuite, lorsque c’est terminé, je reviens m’asseoir à ma place ».
• Emotion et métaphysique : « Enfant, je croyais en Dieu, mais je me suis révolté, à l’âge de 12 ans. Comme beaucoup de jeunes, j’ai commencé à douter de l’existence de Dieu, car il n’y a aucune preuve. Plus tard, quand j’ai suivi mes études de mathématiques et physique, à l’Université de Lyon, je me suis aperçu de l’immensité de l’univers. Or malgré diverses théories, comme celle du big bang, il n’y a aucune explication ni pour la naissance de l’univers, ni pour celle de la plus petite molécule ou du plus petit quark. Alors, pour le moment, je crois de nouveau en Dieu. Il n’y a pas d’autre possibilité de comprendre la création de ce monde ».
• Emotion et humanité : « Je suis un chef d’entreprise parmi les plus riches de Suisse. Je n’ai pas d’avion privé, je ne dépense pas l’argent des actionnaires, je refuse d’encaisser les salaires trois fois plus élevés que les autres empochent. Je traite mes employés comme mes amis. Lorsqu’il y a une crise, je ne renvoie pas le personnel, je les garde tous. Cela nous a coûté 150 millions de francs de plus de salaires ».
• Emotion et marketing (pour les « jeunes qui ne portent pas de montre ») : « Je ne veux convaincre personne, je ne suis pas un vendeur. Les montres que je fais ne sont pas des machines à mesurer le temps. Ce sont des objets d’art. Le temps, vous l’avez sur votre téléphone, votre ordinateur, dans votre voiture, à la télévision, à la radio. Moi, je crée des bijoux montres. Tout le monde adore les bijoux, pas seulement les femmes. Tous veulent des bijoux, alors ils achètent mes montres. Si je dis quelque chose aux jeunes, c’est de ne pas planifier leur vie uniquement dans le but de devenir riches, en jouant à la Bourse. Il faut avoir l’esprit d’entreprise, créer des choses nouvelles, servir tout le monde. Cela donne beaucoup de plaisir ».
• Emotion et temps qui passe : « Oui. Ce n’est rien… Je sais depuis longtemps que, dans la vie, tout est possible. Sauf éviter la mort et les impôts »...
3)
••• RETROUVÉ UN PEU D’OPTIMISME À PROPOS DES MONTRES LÉONARD...
...allègrement sacrifiées sur l’autel de la crise par leur propriétaire asiatique, l’honorable William Leong, également propriétaire des montres Sarcar et des montres Carven (révélation (Business Montres du 28 avril, info n° 1). William Leong, qui a toujours préféré miser sur des profits commerciaux immédiats plutôt que sur la construction d’une marque, voulait à tout prix se défaire d’une maison qu’il considérait comme un fardeau, alors que son CEO, Alexandre Reymond, avait trouvé de nouveaux investisseurs prêts à reprendre le flambeau pour ce qui est une marque à part entière, et non une simple licence horlogère de la couture Léonard [guère mieux portante par ailleurs !]. Il reste un espoir de sauvetage avec ces investisseurs potentiels. Reste qu’une équipe de huit personnes est mise à pied et de nombreux détaillants « plantés », sans qu’on puisse avoir la certitude de sauver la marque à l’issue d’une procédure de liquidation par l’Office des faillites genevois [trop souvent sensibles à des arguments non rationnels et plus personnels qu’économiques]...
4)
••• DÉCOUVERT LA NOUVELLE VOCATION MÉCÉNO-ÉDITORIALE DE JEAN-CLAUDE BIVER...
...qui ne se contente pas de parrainer l’édition du livre de Jean-Claude Sabrier sur l’histoire du mouvement automatique Business Montres du 19 avril, info n° 1) et qui contribue également à l’édition de l’ouvrage consacré à Dix écoles d’horlogerie suisses (éditions Simonin), dans lequel Antoine Simonin présente les plus belles « montres-école » des grands établissements de formation horlogère [ces montres étaient réalisées par les élèves horlogers à l’issue de leurs études]. Une exposition avait rassemblé ces pièces au musée d’Art et d’histoire de Genève : Philippe Dufour (ancien élève de l’Ecole tehcnique de la Vallée de Joux) et Antoine Preziuso (école de Genève) y étaient associés...
5)
••• VÉRIFIÉ LA FABLE DU CHASSEUR CHASSÉ...
...à propos du même Jean-Claude Biver, puisque notre ami Gabriel Tortella (Tribune des Arts) annonce pour cet été un cahier spécial sur l’histoire personnelle du CEO de Hublot : un portrait-vérité qui s’annonce rétrospectif sur les succès passés et révélateur sur les projets à venir. Du même Gabriel Tortella, on attend également pour les fêtes de fin d’année un livre en co-édition avec Eugenio Zigliotto (Orologi da Polso) sur Le mythe du temps : en cinq langues et sur 260 pages, les 30 montres qui ont fait l’histoire. Les enchères sont ouvertes pour la sélection finale...
6)
••• SENTI MONTER UNE SORTE D’HORLO-SCEPTICISME...
...au sein du climat de défiance financière créé par la « crise de la dette souveraine » (Grèce, Portugal, Espagne), à laquelle les lecteurs de Business Montres étaient déjà sensibilisés le 27 mars (flop n° 9 sur la mythomanie post-bâloise : « Personne ou presque n’a pris en compte le péril financier que les PIGS – Portugal, Irlande, Grèce, Espagne – font peser sur la zone euro, au risque d’en condamner toute éventuelle reprise ». Un mois plus tard, on y est : beaucoup d'horlogers doutent de la reprise ou de sa durabilité. On sait déjà que la cure d’austérité que ne manqueront pas d’imposer à ces pays leurs voisins – eux-mêmes hyper-sensibles à ce danger de « dégradation de la dette souveraine » – ne pourra que tuer dans l’œuf toute velléité de reprise sur des marchés horlogers jusqu’ici très porteurs. Sachant que la Grèce affiche 13-14 % de déficit budgétaire et l’Espagne seulement 11 %, quel est le déficit des Etats-Unis ? 12 % du PIB, presque un taux grec ! On comprend que la Chine, principale créancière de la dette américaine, devienne nerveuse... Qui a parlé de nouvelle « crise systémique » ? Qui a dessiné au tableau la lettre W ?
7)
••• CHERCHÉ QUELQUES INDICES SUPPLÉMENTAIRES SUR LE PROCHAIN CONTRAT HORLOGER DE FERRARI...
...en surfant sur le site de la marque, qui n’a toujours à présenter comme montres que des Ferrari « chinoises ». A dix jours du Grand Prix de Barcelone, ce silence des Italiens concernant leur contrat horloger pour le « haut de gamme » commence à inquiéter. A moins que l’équipe des designers de Maranello ne se réserve pour cette occasion espagnole ou pour frapper – encore plus fort – à Monaco ! Bilan assez maigre de cette chasse aux indices, sauf, peut-être, une pépite dans les éditoriaux du site consacrés au lancement mondial de la 599 GTO, le 20 avril, à Modène : qui découvre-t-on entre Paolo Pininfarina, Giancarlo Fisichella et Piero Ferrari, le vice-président de la marque ? Et quelle montre aperçoit-on de façon subliminale ?
8)
••• ÉTÉ DOUBLEMENT DÉÇU DE L’EXPLOIT DE L’ALPINISTE CORÉENNE OH EUN-SUN...
...qui est peut-être la première femme à avoir grimpé les quatorze sommets terrestres de plus de 8 000 m d’altitude (Business Montres du 26 avril, info n° 2). D’abord, parce qu’elle n’avait pas de « montre officielle » et que cela prouve un certain manque d’imagination dans les services marketing de l’horlogerie. Ensuite, parce que son exploit est déjà contesté par sa rivale, l’Espagnole Edurne Pasaban – qui n’a pas non plus de « montre officielle », mais qui devient du coup (si la Coréenne est disqualifiée) la candidate idéale à l’homologation du prochain record de grimpe féminine sur les toits du monde. Qui va réparer cette désastreuse absence de l'horlogerie suisse sur les sommets asiatiques ?
9)
••• SURPRIS QUELQUES MOUVEMENTS DU CÔTÉ VENDÔME-RUE DE LA PAIX (PARIS)...
...avec une impressionnante partie de chaises musicales entre marques ! Panerai remplace Gérald Genta (à côté du Hyatt), tandis que la boutique Blancpain située en face devient une boutique Jaquet Droz (Blancpain récupérant l’ancienne boutique Léon-Hatot de la place Vendôme : Business Montres du 6 février, avec une annonce sur BFM). Le petit espace Blancpain situé entre le Hyatt et Cartier est attribué à Glashütte Original. Rappels utiles : l’arrivée de Hublot place Vendôme, dans l’ex-boutique Bvlgari (révélation Business Montres du 11 janvier) et la vitrine horlogère ouverte par Louis Vuitton à la place du projet De Beers (encore une révélation de Business Montres le 30 mars). Vous suivez ? Aux suivants !
10)
••• PRIS BONNE NOTE DE QUELQUES EXPLICATIONS PASSABLEMENT EMBROUILLÉES...
...de la Fédération horlogère française à propos de l’invraisemblable campagne anti-fausses montres lancée par la CNAC (Business Montres du 28 avril, info n° 2). Accrochez-vous bien ! En fait, selon Aurélien Debeyer, délégué général de la FH (France), « cette campagne est une initiative personnelle et régionale de M. Brochant, député maire de Cannes, ancien publicitaire et président du CNAC. (...) Le logo du CNAC a été repris, mais le CNAC n’avait nullement donné son accord au préalable. La FH est membre du CNAC et nous n’aurions certainement pas laissé passé une telle communication. (...) L’Unifab [lobby patronal français pour lutter contre les faussaires] avait également été contactée par cette agence et s’était opposée à cette campagne. Bernard Brochant s’est depuis publiquement excusé d’avoir pris seul cette initiative lors d’une réunion de travail de ce Comité. (...) Cette campagne qui est restée régionale n’est pas une campagne du CNAC, elle n’est pas financée par la France. Nous avons de notre côté demandé à ce que cette campagne soit immédiatement stoppée. La campagne officielle est actuellement en préparation »... On aura compris que plus personne n’est responsable – et encore moins coupable – de cette fausse-vraie/vraie-fausse campagne de publicité, de son ahurissant concept et de la terrifiante nullité de sa direction artistique !
••• C’EST, EN TOUT CAS, UNE VRAIE HISTOIRE FRANÇAISE, tellement complexe et alambiquée qu’elle pourrait presque passer pour une histoire suisse romande...
11)
••• TENTÉ (JUSQU’ICI EN VAIN) DE SENSIBILISER QUELQUES AMIS AU TRISTE SORT...
du « pendule de Foucault », instrument scientique de première importance dans l’histoire de la mesure du temps (voir une vidéo de découverte) : conservée au Musée des arts et métiers (Paris), cette « boule » de 28 kg – « joyau scientifique inestimable » – s’est écrasée sur le sol et elle serait sérieusement endommagée. Le musée en avait d’ailleurs fait son emblème, mais il n’a pas de budget pour en assurer la restauration et la sécurisation. A votre bon cœur, Messieurs les horlogers friands de précision astronomique dans les beaux-arts du temps !
12)
••• DÉNICHÉ QUELQUES OBJETS INTÉRESSANTS...
...réalisés pour des marques horlogères par les élèves de la célèbre école de design ECAL (Lausanne) : exposés à Milan pendant la récente semaine du design, on y découvrait notamment quelques développements musicaux design conçus pour Reuge (pièces uniques expérimentales), des bijoux pensés pour Audemars Piguet, des gadgets très amusants (avion à plier soi-même en fibre de carbone ou en chocolat) pour TAG Aviation (rien à voir, sinon la génétique initiale, avec TAG Heuer) et une luge en fibre de carbone pour Hublot (ne pas le répéter, mais c’est un des prochains objets non-horlogers lancés par la marque : révélation Business Montres du 2 décembre dernier). Objets à découvrir sur le site de l’ECAL, Ecole cantonale d’art de Lausanne dont un des professeurs est notre ami designer horloger Xavier Perrenoud (Business Montres du 7 janvier)...
13)
••• DÉCOUVERT LA NOUVELLE MONTRE DE HAUTE JOAILLERIE QEELIN (CHINE)...
...et elle est évidemment basée sur un des symboles fétiches de la marque : le wulu. Cette forme symbolique (une sorte de corne d’abondance dérivée de la courge qui sert de gourde aux paysans chinois) est interprétée dans la culture chinoise comme celle du fruit qui a donné naissance au genre humain : la ligne du wulu rappelle également le chiffre 8, symbole lui aussi puissamment positif. Guillaume Brochard (ex-Ebel) et le designer Dennis Chan ont donc donné une suite logique à leurs collections de haute joaillerie [la première jamais lancée avec une identité chinoise] en jouant la diversification vers l’horlogerie (image ci-dessus). Elégance de la ligne grâce au wulu, raffinement du sertissage et de l’horlogerie Swiss Made dans les moindres détails, adéquation de la proposition mythologique aux schémas socio-culturels de la cible : la première montre chinoise de haute joaillerie crée un pont entre la place Vendôme et la place Tian’anmen...
14)
••• NOTÉ UNE EXCELLENTE ANALYSE CONCERNANT LA MORT ANNONCÉE DES DÉTAILLANTS...
...sur A Blog to Read, où Ariel Adams s’inquiète du sort des AD (Authorized Dealers) de plus en plus nombreux à se voir signifier par les marques une dénonciation de leur contrat de distribution. Le modèle « classique » est d’autant plus en train d’exploser que les canaux de distribution des montres sont eux-mêmes en train de se multiplier (boutiques des marques, boutiques de seconde main, ventes en ligne, ventes privées, outlets, enchères, ventes en appartement, braderies, etc.). La mutation est rapide et la sélection naturelle s’annonce brutale pour les moins adaptés aux nouveaux temps : le paquebot horloger a déjà percuté l’iceberg et ses cales sont en train d’être inondées, mais l’orchestre joue toujours les rassurantes valses du répertoire classique...
15)
••• PLANIFIÉ POUR LE WEEK-END UNE TENTATIVE DE DÉCODAGE...
...de la montre la plus illisible du monde, mais à un point tel que ça devient de la poésie surréaliste : l’objet est évidemment signé Tokyoflash, qui l’a baptisé Broke. Promesse : « Break with tradition ». Promesse tenue. Le nom de Broke est parfaitement compréhensible – la montre est fondée sur un affichage à base de cristaux fragmentés pour une montre parfaitement incompréhensible, qui indique l’heure de façon aberrante : sur une espèce de cadran travaillé en « vitrail », il faut repérer les surfaces privées de couleur pour calculer leur somme et en déduire l’heure. Se reporter au site pour tenter d’en savoir plus et prévoir 170 dollars si on est vraiment accro ! En revanche, une vraie amélioration horlogère dans cette montre : sa batterie se recharge sur un simple prise USB, ce qui simplifie définitivement le problème de la pile...
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