|
Douze réponses aux questions qu’on peut se poser sur tel ou tel, sur les tendances ici ou ailleurs, sur les montres des uns ou des autres.
Bref, l’actualité d'avril 2010 passée au scanner du Quotidien des Montres...
GRAND BEAU
(par ordre alphabétique et sans idée de classement)
1)
••• JEAN-CLAUDE BIVER (Hublot)
Il est partout, sur les affiches publicitaires des paysans suisses comme sur les pelouses de la prochaine Coupe du monde de football, dont il a négocié le chronométrage officiel pour Hublot, et sur les circuits de Formule 1 (le mois prochain à Monte-Carlo). Rien ne l’arrête, surtout pas l’envie permanente de s’amuser en faisant de sa passion pour les montres le plus enivrant des métiers...
2)
••• ANTONIO CALCE (Corum)
Il s’offre la plus grande régate du monde sur plan d’eau fermé (avec le lac Léman pour parc aquatique, et les plus grands marins pour copains de plage) quand il veut fêter les cinquante ans de son Admiral’s Cup, tout en reformatant de fond en comble une maison Corum qui ne s’était jamais aussi bien portée depuis un quart de siècle, mais qui avait frôlé le pire voici cinq ans...
3)
••• MANUEL EMCH (RJ-Romain Jerome)
Les chœur des vierges effarouchées n’a pas manqué de pousser des hurlements très convenus quand le patron des montres RJ-Romain Jerome a eu l’audace de lancer sa montre Eyjafjallajökull-DNA (Business Montres du 21 avril), mais sa volonté d’ancrer ses « légendes contemporaines » dans l’actualité immédiate (avec un support matériel aussi léger que de la cendre !) a au moins le mérite de maintenir l’horlogerie en phase avec les grandes émotions qui structurent la psyché et l’identité socio-culturelle des sociétés de communication avancées...
4)
••• OSVALDO PATRIZZI (Patrizzi & Co)
Abraham Louis Breguet replace le plus célèbre commissaire-priseur horloger au centre du débat : grâce aux 370 pages inédites d’un manuscrit de Breguet sorti des oubliettes de l’histoire, on va pouvoir réécrire l’histoire de l’horlogerie. Ces sept cahiers de la main de Breguet et de Louis Moinet peuvent-ils mettre le feu aux enchères ?
5)
••• ANTOINE PRÉZIUSO (Antoine Preziuso)
Sans rien dire, ni devoir à personne, il trace sa route en parallèle, un pied dans la nouvelle génération (qui respecte la singularité de son parcours), un pied dans un tradition horlogère qui lui fournit des idées un peu baroques, comme son Megatourbillon passé de la poche au poignet, avec un style qui marie le steampunk et la vallée de Joux. Il s’offre même le luxe d’ouvrir ses propres boutiques, comme celle du Burj Khalifa à Dubaï (image ci-dessus).
6)
••• GÉRALD RODEN (De Grisogono)
Débarqué en plein hiver pour le groupe Bvlgari, pour lequel il avait pourtant sauvé et relancé les manufactures Gérald Genta et Daniel Roth, il vient de retrouver un fauteuil de direction chez De Grisogono, où ses talents d’organisateur vont permettre à Fawaz Gruosi de se consacrer à son vrai talent, celui de créateur horloger et joaillier capable de renouveller notre regard sur les montres et l’univers enchanté des bijoux.
7)
••• NATHALIE VEYSSET (DeWitt)
Celle qui a assume le pilotage de la manufacture DeWitt commence à faire oublier le terrible passage à vide que la marque a connu en 2008-2009, alors que tout le monde niait encore la crise ou n’en percevait pas la gravité. Les marchés ont compris la remise en ordre de la maison, de ses collections et de sa stratégie, redevenue à la fois audible (il est vrai qu’elle n’élève jamais la voix) et crédible (il est tout aussi vrai qu’elle ne se pousse pas du col). Discrètement, elle a finalisé les projets en cours, repositionné sa distribution et repensé son développement. Comme quoi l’obstination sans ostentation peut se révéler payante !
VARIABLE
(par ordre alphabétique et sans idée de classement)
A)
••• CONCORD C1 ETERNAL GRAVITY (nouveauté)
403 pierres (diamants baguette et cornalines baguette) taillées et serties pour souligner la construction d’une montre aux lignes futuristes : parfaitement maîtrisée, cette proposition nous aurait époustouflé voici deux ans, mais elle semble subitement désassortie de la nouvelle configuration d’un marché d’après-crise...
B)
••• SHANGHAI : UNE EXPOSITION UNIVERSELLE BOUDÉE
L’exposition ouvre ses portes ces jours-ci, mais sans que cela ait vraiment mobilisé l’horlogerie suisse (qui sera représentée sur place par... Titoni, excellente marque au demeurant, mais pas vraiment représentative des tendances actuelles de l’horlogerie), et encore moins intéressé l’horlogerie française ou européenne, sous-représentées dans une manifestation ouverte à toutes les initiatives. Alors que le moteur asiatique de l’industrie horlogère aurait tendance à s’emballer, il semble que les manufactures les plus emblématiques boudent ou traitent Shanghai par dessus la jambe. Pour quelles raisons ?
AVIS DE TEMPÊTE
(par ordre alphabétique et sans idée de classement)
1)
••• ETATS-UNIS : UNE IMPITOYABLE GUERRE DES PRIX
Sur un marché d’acheteurs, ce sont les consommateurs qui « créent » les prix : douloureux changement pour les marques de luxe, habituées à un marché de vendeurs et à une logique d’offre plus que de demande. Prix moyen constaté : 25 % sous le prix neuf pour les pièces de moins d’un an, mais il est fréquent de trouver du 40 % de discompte pour les montres en vitrine de plus d’un an. Certains tentent de sauver ce qui peut l’être (comme John Simonian à Los Angeles : Business Montres du 16 avril, info n° 6), mais les temps sont durs pour les détaillants américains. Le rendez-vous du JCK (3-7 juin, Las Vegas) s’annonce décisif. A surveiller de près : l’étude en cours du National Jeweler sur les tensions dans le réseau en matière de prix (résultats à la mi-mai)...
2)
••• EUROPE : LE DANGER DE TIERS-MONDISATION
On le sentait depuis des mois, mais c’est particulièrement éclatant dans les dernières statistiques d’exportation de la FH : l’explosion du marché asiatique cache mal l’implosion des marchés traditionnels européens, tous gravement en recul depuis quelques trimestres – marchés qui ne peuvent plus se refaire une santé en misant sur le parallèle, comme dans les grandes années de la Bulle Epoque. L’Europe n’est plus aujourd’hui qu’un terrain de jeu résiduel pour les marques d’horlogerie, avec des consommateurs grognons, exigeants et de plus en plus difficiles à mobiliser. De coup, on gaspille moins d’énergie pour les séduire et on consacre davantage de ressources à investir des marchés aussi phénoménalement croissants que l’Asie. Un grand écart qui ne peut manquer de créer une vraie fractureà court terme. Europe, marché marginal ? Avec une logique implacable au bout du parcours : quand les marques auront perdu tout attrait sur leur marché européen de référence, elles n’en auront plus beaucoup sur leurs marchés de conquête...
3)
••• JEAN-MARC JACOT (Parmigiani et Vaucher Manufacture)
Quand tout le monde accélère et redoute une pénurie de mouvements, l’incurie managériale oblige Vaucher à licencier massivement (un quart des effectifs !) et met Parmigiani au point mort. Redoutable bilan, qui vient s’ajouter à une impressionnante série de désastreuses initiatives tout au long de son parcours professionnel. Reconnaissons à cet Himalaya de la pensée horlogère un talent certain dans l’art d’aller droit dans le mur, avec un sourire béat et en klaxonnant !
|