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Avant un week-end d’enchères qui s'annonce décisif pour la santé du marché de la montre, votre Quotidien des Montres vous propose quelques rations de survie éditoriales pour partir du bon pied dès ce lundi.
1)
••• UNE PENSÉE POUR JEAN-LOUIS DUMAS (HERMÈS)
Il avait incarné l’image et le message d’Hermès pendant 28 ans (1978-2006), avant de renoncer à ses fonctions sous les assauts d’une terrible maladie pour une personnalité de sa trempe. C’est Jean-Louis Dumas qui avait notamment engagé Hermès dans un parcours horloger digne de la marque, avec la création d’une « manufacture » à part entière à Bienne. Sous sa conduite, la maison Hermès est devenue un groupe mondial de premier rang dans l’univers du luxe. C’était un des esprits les plus fins de sa génération : il incarnait l’« honnête homme » du XXe siècle, pétri de lumières européennes mais sensible aux civilisations étrangères (sa fascination pour la culture japonaise ne s’est jamais démentie), classique par tempérament mais ouvert aux vrais créateurs (comme en témoigne son rapprochement avec Jean-Paul Gaultier), amoureux éperdu de la beauté dans toutes les facettes d’un art de vivre à la française qu’il poussait jusqu’à la plus exquise courtoisie – et sans doute jusque dans son refus instinctif de céder à l’influence comme aux vulgarités des fortunes trop fraîchement acquises. Un grand monsieur du (vrai) luxe nous a quittés : nos pensées vont vers sa famille, ses proches et son équipe. Jean-Louis Dumas ne sera facile ni à oublier, ni à remplacer...
2)
••• JEAN-CLAUDE BIVER, NOUVEL HORLO-ÉVANGÉLISTE
Nouvel « évangéliste horloger », Jean-Claude Biver (Hublot) arpente la planète pour prêcher la bonne parole. Pilier d’aéroport, il enchaîne les réunions face à des publics de footballeurs (Business Montres du 2 mai, info n° 3) ou à des assemblées d’étudiants, comme récemment, à l’Ecole hôtelière de Lausanne, la semaine dernière à l’université de Fribourg (Suisse : « Le leadership vu par un praticien »), avant-hier avec les Alumni de l’INSEAD (Suisse), avec le Harvard Business Club de Londres, ou, ce jeudi, avec les étudiants du Cercle HEC de Genève (6 mai, à l’Unimail).
• Si on peut comprendre – du fait de l’implication grandissante de Hublot dans le football – les soirées avec les idoles du ballon rond, qui sont aussi ses meilleurs clients, à quoi riment les discours devant des étudiants par nature trop fauchés pour s’offrir des Big Bang ?
• C’est là qu’intervient le Jean-Claude Biver « fulgurant », qui adore traverser en dehors des clous : « C’est exactement la même logique. Avec les footballeurs, je travaille mes clients d’aujourd’hui, mais, avec les étudiants, je vise les légendes de demain. Ces étudiants se souviendront dans quelques années qu’ils rêvaient d’une Hublot – de même que ces footballeurs rêvaient avant d’être célèbres d’une Ferrari, qu'ils ont fini par s'offrir. A chaque génération ses légendes ! L’idée est de construire des mythes horlogers et d’inculquer des rêves de montres aux jeunes. On peut, on doit leur transmettre une passion.
• « Et c’est parfaitement cohérent avec le football : tous ces étudiants vibrent sur les stades avec Hublot. Ils sont nos clients de demain, nos acheteurs du futur. Ils sont nombreux autour des pelouses et ils se souviendront forcément des émotions qu’ils ont partagées avec Hublot.
• « Où sont les clients de l’avenir dans les tournois de polo ? Quelle clientèle future cherche-t-on à y séduire ? Le football, c’est l’avenir du luxe, non seulement par ses clients actuels (les joueurs), mais surtout par les clients des prochaines années, ceux qui auront communié dans ce nouveau mythe du sport planétaire et avec les icônes du ballon rond. Quand je vois Louis Vuitton utiliser Maradona, qui est un « ambassadeur » de Hublot, Zidane et Pelé pour ses publicités internationales pendant la Coupe du Monde [révélation Business Montres du 7 avril], je me réjouis d’avoir vu juste et d’avoir ouvert les yeux sur des stades et des publics auxquels personne ne songeait.
• « Entre nous, c’est ça qui est passionnant dans ce métier : ouvrir de nouvelles voies, inventer de nouvelles approches, sensibiliser de nouveaux publics »...
3)
••• CVSTOS-HUBLOT : 1-0 POUR CVSTOS EN FINALE
Même si on peut considérer avec Jean-Claude Biver que « Hublot a verrouillé le foot pour dix ans », la victoire du PSG – dont Cvstos est « horloger officiel » – dans la finale 2010 de la Coupe de France reste une victoire au moins « morale » de Cvstos sur Hublot, qui est devenu de facto le fournisseur officiel de l’A.S. Monaco, dont les joueurs dévalisent régulièrement les vitrines de Zegg & Cerlati. Sauf que, soyons juste, Claude Makelele, le leader du PSG, qui s’est donc offert une Coupe de France pour sa dernière saison professionnelle, est en privé un des meilleurs clients français de la Big Bang, comme la plupart des membres de son équipe...
••• LE PARRAINAGE DU FOOTBALL est loin d’être une science exacte et il est compliqué de régater contre un Jean-Claude Biver qui a préempté et l’Euro, et la Coupe du Monde pour les tournois à venir, plus quelques clubs et quelques équipes nationales...
• Sassoun Sirmakes, qui sera donc en Coupe d’Europe dès cet été avec le PSG, n’était pas au Parc des princes pour fêter ça : il inaugurait à Singapour la première boutique de sa marque, Mandarin Gallery (révélation Business Montres du 21 janvier). Fâcheuse coïncidence de calendrier, mais comment fait-on pour agender une inauguration de boutique le jour d’un match aussi décisif ? Ce n’est pas tous les jours que son équipe gagne la Coupe de France...
4)
••• « LA FOLIE DES MONTRES » (FRANCE 5)
Bilan doux-amer après ce documentaire qui était très attendu par la communauté horlogère (téléchargement sur le site de France 5, intégral et gratuit jusqu’au dimanche 9 mai) : une bonne sensibilisation du grand public non-initié (très peu des bêtises habituelles et quasiment pas de contresens), mais un choix de marques surprenant (Corum, De Grisogono, Parmigiani : créneau pointu !), qui a totalement évacué le Swatch Group et les marques « populaires », avec des morceaux de bravoure comme le détour chez Jaeger-LeCoultre, la frime Breitling à Bâle, la visite chez notre ami Olivier F. [un garçon qui a du... coffre !] ou la caméra cachée au Marché de la soie à Beijing. On imagine que Pierre et Patrice Dubail ne se plaindront pas de ce sacre médiatique, qui laisse pourtant le spectateur sur sa faim, en dépit de l’insistance du reportage à vouloir absolument parler d’argent et de bling-bling à tort et à travers, là il n’y avait le plus souvent que convivialité, humour et amitiés.
• On est quand même passé à côté des sujets qui fâchent, comme la vraie menace chinoise sur l'entrée de gamme, les enchères déloyales, le discompte généralisé, les marges démesurées par rapport au prix de revient, les torrents de communication pour entretenir le rêve et tout le reste. Bref, après ces 52:13 minutes ultra-élitistes, orientées mondanités et plutôt gourmées, pas vraiment de quoi remobiliser l’opinion publique en faveur des montres, et pas non plus de quoi recréer une magie accessible ! Dommage...
5)
••• NOOKA SUR LES TRACES DE LA CASIO G-SHOCK
Si on peut aujourd’hui décerner à la Casio G-Shock le titre de montre la plus déclinée en séries exclusives (notamment dan l’univers de la mode et des créateurs indépendants, tous très excités à l’idée de signer leur propre version de l’« icône des jeunes »), un challenger très sérieux se profile, avec la multiplication des séries limitées par Nooka, la marque new-yorkaise ultra-tendance dont les montres un peu bizarres [multiple affichage LCD : numérique, circulaire, zonal, punctiforme], caoutchoutées, finement designées et très colorées sont retravaillées par de nombreux labels fashion et life style. Exemple avec la Gommi Arcade, la MTV Street Muse, la Supremebeing, la nouvelle Vans Warped Tour ou la très bling-bling Deviant Design Group, sertie neige (ou presque).
••• ON AURAIT TORT DE TRAITER À LA LÉGÈRE cette prolifération de marques life style sur la scène horlogère. D’une part, ces montres de créateurs réacclimatent auprès des jeunes générations l’idée de porter une montre comme un accessoire ostentatoire d’un certain style de vie : c’est toujours mieux de les voir porter une montre que de regarder l’heure sur un écran de téléphone portable !
• D’autre part, ces marques life style sont en train de bousculer les marques fashion « classiques », qui avaient réussi à déloger de leur territoire, voici quelques années, les marques horlogères d’entrée de gamme. La mutation est en cours : les « griffes » se cherchent – non sans souffrir – un avenir du côté du retour aux canons classiques de l’horlogerie traditionnelle, mais les marques life style sont en trains de réinventer le concept de « montres ...
6)
••• LA « SORTIE » DE LA PENDULE DE MARINE N°2 DE JOHN HARRISSON
C’est le 27 mai que la seconde version de cette légendaire pendule de marine (version deux d’une série qui en comprendra quatre) sera présentée en direct à un public choisi, à l’Observatoire astronomique de Greenwich. C’est la première fois depuis un demi-siècle que « H2 », témoin capital de l’histoire horlogère, sera ainsi exposée, avec un commentaire de Jonathan Betts (source : l’excellent blog Estação Chronographica de notre ami Fernando Correia de Oliveira, à Lisbonne). Renseignements sur cette « rencontre du troisième type », avec des « ovnis » horlogers les plus surprenants depuis le XVIIIe siècle : Musée national maritime de Greenwich (attention, nombre de places limitées et réservation obligatoire)...
7)
••• LA FAUSSE BREITLING DES FAUX JAMES BOND
A première vue, cette WACAHD8GB est une fausse Breitling comme on en voit tant (du moins pour le style) : en y regardant de plus près [désolé, c’est en japonais, mais ça mérite le détour !], on découvre qu’il s’agit d’une montre-bracelet – qui donne l’heure, mais sans chronomètre contrairement au style trois compteurs destiné à tromper l’adversaire espionné – couplée à une caméra vidéo capable d’enregistrer en haut définition (3264 x 2448 pixels) et surtout en toute discrétion. Bonne capacité de stockage (8 Mo, 80 minutes de film selon la définition ou 120 minutes de son) et chargement facile des images avec une simple prise USB (qui rechargera aussi la batterie de la montre). Mieux que James Bond...
8)
••• LA MULTIPLICATION DES SALONS HORLOGERS À QUELQUES HEURES D’AVION
Pour la seule zone Europe/Proche-Orient, les horlogers ont rendez-vous ces jours-ci à Batalha (Portugal : Mosta Eurojoia, 7-9 mai), à Ryad (Arabie séoudite : Joaillerie Saudi arabia, 9-12 mai), à Moscou (Russie : New Russian Style, 12-15 mai), à Dammam (Arabie séoudite : JE-Watch, 24-27 mai), à Lausanne (Suisse : EPHJ, 8-11 juin), à Cracovie (Pologne : Jubinale, 11-13 juin) et à Moscou (Russie : Millionnaire Fair, 26-28 juin). Hors d’Europe, la Jewel Fair Korea vient de fermer ses portes (Séoul : 29 avril-2 mai), mais le rendez est pris pour Las Vegas (Etats-Unis : Swiss Watch by JCK et JCK Show, 3-6 juin)...
9)
••• 20 MONTRES FUTURISTES POUR SE DOPER LES NEURONES
Heureusement qu’il n’y a pas que le back to basics dans la vie ! Le site The Design Blog propose ainsi un florilège de 20 montres-bracelets « futuristes », par leur style, leur matériau ou leur concept d’affichage du temps. La plupart de ces montres avaient déjà été repérées par Business Montres, mais leur présentation simultanée situe le niveau de la création actuelle en matière de montres et surtout de sa fantastique diversité. Et encore, on pourrait trouver trois ou quatre fois autant d'exemples de créativité sans frontières...
• Gênant pour l’horlogerie suisse : dans cette liste, le seul exemple de marque un tant soit peu connue entre Alpes et lacs est le Liquid Tourbillon imaginé par Yvan Arpa pour Volnatomic ! Pas terrible comme bilan créatif...
• Image ci-dessus : l’étonnant concept Eco-Timer du studio de design canadien After 6 (Zia Zanjani). Une montre automatique en bois recyclé, sans pile, avec un affichage très original de l’heure (explications complémentaires sur The Design Blog)...
10)
••• LES JUSTIFICATIONS DE VAUCHER MANUFACTURE
Même s’il est inutile d’insister sur la honte que représentent les licenciements chez Vaucher Manufacture (Business Montres du avril, info n° 1 : « Le dernier exploit de l’Himalaya de la pensée horlogère »), il n’est pas inutile de revenir sur les explications données par le malheureux Florian Serex, directeur general de Vaucher, qui expliquait ce « redimensionnement » à L’Express-L’Impartial : « Dans ce contexte, Vaucher Manufacture Fleurier étoffe son offre de calibres en conséquence en élargissant sa gamme de produits par une nouvelle ligne de mouvements. L'offre doit être “adaptée aux contingences du marché“, précise Florian Serex. “Aujourd'hui, nous sommes dans un positionnement très élitiste.“ La manufacture va donc maintenant se concentrer sur des “produits personnalisés, différenciés à prix acceptables“, dit le directeur général. Alors que l'embellie semble réelle pour certaines entreprises, ce n'est pas le cas pour la société de Fleurier. “La reprise dans le domaine de la fourniture de mouvements n'est pas aussi marquée que pour d'autres secteurs de l'horlogerie“. Pour Florian Serex, “chez les marques, il y a pas mal de stocks de mouvements“.
• Le directeur général de Vaucher a fait une bonne lecture de Business Montres (9 avril, info n° 8) ! A propos de la trop petite taille des mouvements Vaucher, « qui fait ces jours-ci le tour de ses clients pour leur proposer son nouveau mouvement automatique extra-plat (2,6 mm). Problème pour ce superbe calibre : si la mise à disposition des marques tierces d’un mouvement emboitable extra-plat est bien pensée, surtout alors que le marché attend des montres plus « habillées » (sobres et fines), on a oublié qu’un calibre de 12 lignes (28 mm) avec petite seconde à 6 h interdit de proposer des montres d’une taille conforme aux nouveaux standards masculins (38-39 mm au minimum). (...) Même déception pour les autres calibres de la manufacture Vaucher, tous calés entre 11 et 12 lignes. (...) S’il est vrai que le marché réclame des montres plus plates, il n’en exige pas moins des diamètres de boîtiers qui rendent de plus en plus inesthétiques les calibres de facture classique, dont les fonctions annexes (date, seconde, compteurs) se trouvent – du fait de calibres trop fluets – déportées vers l’axe central du mouvement, au cœur du cadran ! L’erreur marketing est patente : c’est la réduction de l’épaisseur (volume) qui est à penser en urgence »...
••• DÉCODAGE : les actuels mouvements Vaucher, vieillots et inadaptés au marché (trop petits, modérément fiables, trop chers), n'ont plus d'intérêt pour personne. Pas même pour les actionnaires embarqués dans cette malheureuse entreprise (Hermès, entre autres)...
• L'erreur marketing pronostiquée par Business Montres vient de faire cinquante victimes innocentes, dont la liste sera communiquée au personnel en ce début de semaine (on imagine l'ambiance déplorable dans l'entreprise) !
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