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Un détour par le cabinet de curiosités de ce week-end d’enchères horlogères : il n’y a pas que les records sous le marteau pour entretenir la flamme des passions pour la montre !

••• LES GRAINS DE SEL ET LES RESPIRATIONS INSOLITES

Parmi les pièces qui seront dispersées sous le marteau au cours de ce week-end de ventes, beaucoup de montres exceptionnelles ou d’objets horlogers hors du commun, comme les habituelles stars des enchères, les « bêtes à concours » et les valeurs sûres. Rares, voire uniques, elles ont tout pour plaire à un micro-public de méga-collectionneurs qui se les disputeront à coups de centaines de milliers de dollars...

• Ensuite, il y a les autres numéros, la « marchandise » habituelle, les montres récentes et celles d’hier, les « occasions d’un jour » (boîte, papiers et garantie quasi-vierge) et les pièces neuves déstockées par les marchands en quête de trésorerie, le fonds de tout catalogue qui se respecte et qui se doit de proposer une offre variée à tous les prix, avec un éventail de marques attrayantes, de styles complémentaires et de tailles intéressantes...

• Enfin, il faut toujours des épices, quelques grains de sel et de poivre, une ponctuation entre les grands lots, de quoi respirer quand on sort d’une série de hauts sommets et une sorte de « trou normand » pour se refaire les papilles avant de réattaquer de nouveaux plats de résistance. A cet égard, ne pas oublier de lire les notices quand elles sont bien faites (Christie’s et Patrizzi & Co restent des modèles dans ce domaine) : c’est toujours dans les détails décalés ou dans les mystères dévoilés par l’expert que se cache la friandise...

• C’est alors le royaume de l’insolite horloger et des objets du temps inattendus ou improbables : ces lots inhabituels cassent la routine d’une séance sous le marteau et ils donnent souvent à réfléchir. C’est à la qualité de ces propositions qu’on peut juger de la consistance d’un catalogue. C’est dans le maniement subtil de ces ingrédients qu’on reconnaît la « patte » d’un grand chef au fourneau des enchères...

• L’événement créé par ce week-end d’enchères à Genève n’a pas failli à la tradition, avec bon nombre de lots qui, bien loin d’être du « remplissage » [c’est le rôle de la « marchandise » classique] animent le rituel et rafraîchissent le regard. Sans s’étonner de trouver davantage de ces lots « alternatifs » sur les catalogues indépendants que dans ceux des « institutions » du marché, on pourrait en citer beaucoup d’autres, mais ceux-ci piquent la curiosité (par ordre alphabétique de marque, d’horloger ou de sujet) :

1)
• BOUCHERON : une pendule sertie sans charme exceptionnel, mais dont le double pedigree historique (le lancement du paquebot France en 1960 et le fait qu’elle ait été offerte au général de Gaulle, président de la République à l’époque), en plus d’une signature prestigieuse de la place Vendôme peuvent enflammer les enchères, surtout si le musée Boucheron s’y met (Sotheby’s, 9 mai, lot n° 156)...

2)
• BREGUET : c’est décidément le mai de Breguet, non seulement à cause des manuscrits inédits dispersés par Patrizzi & Co, mais aussi par quelques pièces rares, dont ce buste en bronze (image ci-dessus : 19 cm de haut) d’après un travail de Houdon exécuté immédiatement après la mort de Breguet, en 1823. Un estimation très raisonnable pour ce multiple en excellente condition (1 400-2 100 euros), que tout amateur d’objets du temps devrait avoir envie de poser dans une de ses vitrines, en hommage au « grand ancêtre » (Antiquorum, 8 et 9 mai, lot n° 496)...

3)
• CORUM : une impressionnante série de Bubble en édition limitée (10 pièces) qui remontent à la fin des années 1990-début des années 2000 pour une Bubble aujourd’hui bien démonétisée, mais pas si ringarde que ça dans son style – c’est un marketing inapproprié qui l’a tuée parce qu’elle se vendait trop bien (lot n° 1 à 10) !

4)
• ELLICOTT : la pièce était présentée à Baselworld voici deux mois et elle est déjà sous le marteau chez Antiquorum (lot n° 111, estimé 70 000-100 000 euros), alors qu’elle est en série limitée (3/18). Un bon test pour les nouvelles références horlogères à l’état neuf...

5)
• IWC : un tourbillon « semi-volant » IWC par le maître-horloger Richard Habring à 4 200-6 000 euros, ce n’est possible que parce qu’il s’agit d’une montre de poche de 1994 (lot n° 416 de la vente Antiquorum). Au poignet, on multiplierait par 10 ou par 20. Ce qui tendrait à prouver que les belles montres ne sont pas que des objets de vitrine à collectionner du coin de l’œil, mais aussi des objets de parade qu’il faut exhiber à son poignet...

6)
• JAEGER-LECOULTRE : une pendulette mystérieuse qui hésite entre Walt Disney et la vallée de Joux (lot n° 183, estimé 2 750-4 200 eurs), avec ses étoiles de bande dessinée, ses heures en Saturne et ses minutes en comète à main levée. Simple et légèrement ironique...

7)
• JUVENIA : une montre assez étrange par son principe d’affichage (une sorte de rapporteur pour les heures, de flèche pour les minutes et d’aiguille de boussole pour les secondes), histoire de démontrer que la tentation de l’insolite est consubstantielle à l’art horloger (lot n° 235 du catalogue Patrizzi & Co)...

8)
• MINERVA : sous-référencés dans le catalogue Christie’s pour cause de « politiquement correct », ces deux chronos monopoussoir Minerva de 1940 (lot n° n° 351 et n° 352 sont de toute beauté, le 352 s’offrant même un très appréciable style contemporain néo-vintage...

9)
• PATEK PHILIPPE : qui ne rêverait de devenir actionnaire de Patek Philippe, manufacture familiale par excellence ? Antiquorum n’en propose pas moins une « action au porteur » non numérotée et datée des environs 1900 (lot n° 492, estimation 5 000-6 300 euros)...

10)
• PATEK PHILIPPE / 2 : c’est le « briquet de précision » le plus insolite de toute l’histoire des enchères horlogères, puisqu’il semble unique dans son habit d’émail (lot n° 279 de la vente Patrizzi & Co : Business Montres du 5 mai)...

11)
• ROLEX : le livre le plus lourd jamais vendu dans des enchères horlogères (20 kg avec son emboîtage), et sans doute le plus exclusif (n° 0/599) et le plus fou dans son projet éditorial. Exclusivement consacré aux mérites de la Rolex Daytona, c’est le lot n° 56 de la vente Christie’s et le produit de la vente sera affecté à la Croix-route italienne...

12)
• VARIA : les objets inanimés ont bien une âme, surtout dès qu’il s’agit de montres, et Christie’s le prouve en deux lots émouvants. Le lot n° 252 résume la vie d’un danseur mondain des années soixante, dont il nous reste une montre sertie, des boutons de manchette et une ceinture de smoking : le rêve passe... Le lot n° 248 (un rare quantième perpétuel Patek Philippe réf. 2438/1) fait revivre pour nous Antenor Patino Jr, le fils tragiquement décédé du magnat bolivien de l’étain Antenor Patino : cette montre était un cadeau de sa mère pour ses dix ans ( !), mais celle-ci l’avait offert ensuite au meilleur ami de son fils, après la mort de celui-ci...

et 13 à la douzaine, comme il se doit)
• J. WELDON : un mini-cabinet horloger pour tout cabinet de curiosités horlogères qui se respecte (voir la description de cette étonnante « pièce de cour » – mi-manucure, mi-pendule – proposée par Patrizzi & Co dans Business Montres, le 5 mai)...


L’ÉVÉNEMENT / ENCHÈRES GENÈVE MAI 2010 : RELIRE ÉGALEMENT...

• # 1 – PATRIZZI & Co : « Un manuscrit inédit de Breguet sort de l’ombre » (Business Montres du 31 mars et information n° 9 du 2 avril)...

• # 2 – CHRISTIE’S : « La stratégie d’excellence d’Aurel Bacs » (Business Montres du 8 avril)...

• # 3 – ANTIQUORUM : « Une promenade dans un catalogue de 500 lots » (Business Montres du 1er mai)...

• # 4 – SOTHEBY’S : « Un regard sur un catalogue très conformiste » (Business Montres du 4 mai)...

• # 5 – PATRIZZI & Co : « Un voyage dans le temps avec Osvaldo Patrizzi » (Business Montres du 5 mai)...

• # 6 – VARIA: « Les dix lots les plus inattendus de ce week-end rythmé par les marteaux » (Business Montres du 6 mai)...







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