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Week-end stratégique pour les enchères horlogères : un millier et demi de montres de collection vont changer de mains à Genève, avec un balayage de quatre siècles d’horlogerie en quatre jours.
Quels sont les lots les plus significatifs pour éclairer les évolutions du marché ?
••• UN RENDEZ-VOUS GENEVOIS D’IMPORTANCE MONDIALE
Le mai 2010 des enchères genevoises s’annonce comme un des plus importants événements horlogers de ces dernières années. Pas forcément pour le volume des pièces dispersées, ni pour le chiffre d’affaires apparent, dont il faudra soustraire la part des enchères pas forcément sincères et celles des classiques « petits arrangements entre amis ». Ces enchères sont les premières de la « sortie de crise », alors que le positionnement respectif des différentes maisons commence à se clarifier après les traumatismes de l’affaire Antiquorum.
• Puisque la situation économique redevient (à peu près) normale, quoique la géopolitique horlogère soit durablement transformée par la crise, on pourra juger, à l’issue de ce week-end de ventes, des vrais rapports de force entre les différents auctioneers spécialisés – sur la base des sommets atteints sous le marteau, en fonction de l’importance des ensembles rassemblés et en tenant compte du pourcentage des lots « remballés ».
• Un certain nombre de lot seront emblématiques des nouvelles tendances du marché. Un grand show se prépare. Business Montres vous propose une sélection rapide des 12 pièces qu’il ne faut pas perdre de vue pendant ces quatre jours de fièvre (par ordre alphabétique de marque pour ne pas faire de jaloux) :
1)
• BLANCPAIN : une pièce qui ne pourra que plaisir aux vrais collectionneurs de vintage, tendance canal historique (« montres militaires »), d’une part parce qu’elle est assez rare en Europe (chronographe Air Command by Rayville, daté des années soixante), ensuite parce qu’elle a tout pour plaire aux collectionneurs (taille, patine, style bicompteur, etc.), enfin parce que son estimation relativement basse – 8 000-12 000 CHF – peut tenter de nombreux enchérisseurs (Sotheby’s, 9 mai, lot n° 106)...
2)
• BREGUET : un ensemble exceptionnel de manuscrits inconnus et inédits d’Abraham Louis Breguet, sortis de l’ombre près de 180 ans après qu’ils aient été annotés de la main même du « maître » (quand il dictait ses mémoires à Louis Moinet). Tous les collectionneurs du monde entier sont sur les dents pour rafler un des ces sept « cahiers », sinon la totalité, et on risque d’assister à une belle bataille entre musées, privés ou publics, marchands et riches amateurs. Ceci en sachant qu’il n’y a aucun prix de référence pour un tel ensemble, jamais vu aux enchères (Patrizzi & Co, 7 mai, lots n° 311 à 317)...
••• LES PARIS SONT OUVERTS POUR LE MONTANT DES ENCHÈRES, qui peut varier d’une demi-million de francs suisses (estimation défensive d’Osvaldo Patrizzi) ) à trois ou quatre fois ce montant si les collectionneurs sont en forme : il est vrai que ces manuscrits sont beaucoup plus un « produit pour les amateurs » (réputés plus prompts à s'enflammer) qu’un « produit pour les marchands ». Néanmoins, le nombre des ordres enregistrés chez Patrizzi & Co laisse supposer que la bataille sera rude...
3)
• F.P. JOURNE : le Centigraphe n’étant réalisé qu’au compte-gouttes (guère plus de 4 pièces par an) par la manufacture de François-Paul Journe, en trouver une sous le marteau est une aubaine pour les collectionneurs, même si l’estimation – raisonnable à 50 000-80 000 CHF pour une montre en platine aussi exclusive – est plus incitative que défensive. Rareté sur le marché et expressivité de la montre, très « agressive » avec son cadran rouge et ses aiguilles jaunes, se conjuguent ici pour faire un beau « score », qui permettra de vérifier qu’il n’y a pas que le vintage dans le collimateur des nouveaux amateurs (Antiquorum, 8 et 9 mai, lot n° 168)...
4)
• PANERAI : la « folie Panerai » ne se dément pas et l’arrivée sur le marché de milliers de pièces contemporaines relance l’appétit des amateurs d’exclusivité vers la production des années trente et quarante, comme cette « Rolex-Panerai » (circa 1938) qui appartient à la première série des montres livrées par l’Officine Panerai à la Marine italienne. Le résultat sous le marteau livrera quelques indices sur la solidité de Panerai comme blue chip sans risques sur le marché des enchères (Antiquorum, 8 et 9 mai, lot n° 469)...
5)
• PATEK PHILIPPE : un chrono QP phases de Lune Patek Philippe 1527 dans un boitier tonneau, probablement pièce unique et considéré comme la dernière grande et belle Patek Philippe encore entre des mains privées. Aurel Bacs en attend plus d’un million et demi d’euros, voire plus si les amateurs sont en forme, ce qui en ferait la vedette de tout le week-end (Christie’s, 10 mai, lot n° 84)...
6)
• PATEK PHILIPPE : un quantième perpétuel réf. 3448, probablement unique avec son cadran bleu métallisé totalement hors normes (Christie’s, 10 mai, lot n° 158...
7)
• ROLEX : une Sea-Dweller « Polipetto » – nom de baptême non officiel et non autorisé par Rolex – comme le marché n’en a encore jamais vu, puisque cette montre était réservé aux plongeurs de la police italienne. Une future star des enchères : tous les collectionneurs de Rolex vont la vouloir (Christie’s, 10 mai, n° 35)...
8)
• ROLEX : le numéro 0 du livre Ultimate Rolex Daytona (612 pages, 2 000 photos, reliure en cuir et emboîtage en bois, impression en 7 couleurs, pour un total de 12 kg, 20 kg avec le packaging en 45 x 35 cm !) permettra de tester les motivations du marché pour un « objet du temps » absolument hors normes, mais qui relève de la collectionnite la plus aigue (Christie’s, 10 mai, lot n° 56)...
9)
• ROLEX : parmi les pièces « non officielles » de la manufacture à la couronne proposées par Antiquorum, une GMT « Chuck Yeager », une Daytona Pro-Hunter noircie à cadran chrysoprase et une Oyster « phases de lune » de 2003, totalement délirante et bien sûr « non autorisée » mais vendue avec sa garantie originale. Apparemment, ces montres « customisées ne dérangent pas les amateurs, mais on attend la vérification sous le marteau (Antiquorum, 8 et 9 mai, lot n° 102)...
10)
• URWERK : une marque rarement soumise aux emballements du marteau, d’où l’allure de test que prend ici le catalogue d’Antiquorum, qui propose deux modèles 103 (or blanc, or rose), neuves de stock avec deux ans de garantie. Les amateurs d’horlogerie nouvelle génération pourront se plaisir, avec des estimations à 30 000-40 000 CHF, mais la bonne question est de savoir s’il y a toujours un marché d’enchères pour des pièces aussi rupturistes (Antiquorum, 8 et 9 mai, lot n° 146 et n° 147). A signaler : une autre Urwerk 103 chez Christie’s (lot n° 307, estimée plus prudemment à 20 000-30 000 CHF)...
11)
• VICTORIN PIGUET (attribué à) : deux sonneries, une répétition minutes, un tourbillon, un double barillet et une grande finesse d’exécution mécanique pour cette montre de poche placée à Antiquorum en couverture de son catalogue. Comptez 210 000 à 280 000 euros pour cette pièce exceptionnelle réalisée pour un détaillant russe aux alentours de 1900 par un maître-horloger qui fournissait également Patek Philippe, Breguet ou Vacheron Constantin : les amateurs vont se faire plaisir (Antiquorum, 8 et 9 mai, lot n° 500) !
12)
• SOUS LA LOUPE : : on regardera de plus près le résultat des montres Greubel Forsey (lot n° 69 chez Christies) pour vérifier que la marque tient ses promesses de « refuge » pour les amateurs sevrés de Patek Philippe devenues inaccessibles. A vérifier aussi la situation du côté des Ferrari by Panerai, alors que la marque s’est trouvé un nouveau partenaire horloger (Cabestan), et du côté des Daniel Roth d’avant la mise sous le boisseau par Bvlgari. Plus généralement, il sera intéressant de jauger le bon maintien aux enchères des marques de nouvelles génération comme Guy Ellia (lot n° 306 chez Christie’s) ou BRM (lot n° 37 chez Antiquorum)...
ET MAINTENANT,
• PASSONS AUX CHOSES SÉRIEUSES : premier coup de marteau dès 14 heures, cet après, à l’hôtel Kempinski, où Osvaldo Patrizzi ouvre le bal pour ses « Timeless Emotions. Samedi et dimanche, ce sera Antiquorum (Mandarin Oriental-Hôtel du Rhône), puis Sotheby’s en soirée (Beau-Rivage), et, lundi, Christies toute la journée (Four Seasons-Les Bergues). Ceci sans parler de ce que les nombreux marchands présents à Genève pour le week-end s'échangeront dans les bars des hôtels et dans les couloirs des palaces...
L’ÉVÉNEMENT / ENCHÈRES GENÈVE MAI 2010 : RELIRE ÉGALEMENT...
• # 1 – PATRIZZI & Co : « Un manuscrit inédit de Breguet sort de l’ombre » (Business Montres du 31 mars et information n° 9 du 2 avril)...
• # 2 – CHRISTIE’S : « La stratégie d’excellence d’Aurel Bacs » (Business Montres du 8 avril)...
• # 3 – ANTIQUORUM : « Une promenade dans un catalogue de 500 lots » (Business Montres du 1er mai)...
• # 4 – SOTHEBY’S : « Un regard sur un catalogue très conformiste » (Business Montres du 4 mai)...
• # 5 – PATRIZZI & Co : « Un voyage dans le temps avec Osvaldo Patrizzi » (Business Montres du 5 mai)...
• # 6 – VARIA : « Les dix lots les plus inattendus de ce week-end d’enchères » (Business Montres du 6 mai)...
• # 7 – RAPPEL : « Les douze lots à surveiller de près pendant ces quatre jours » (Business Montres du 7 mai)...
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