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Premier coup de canon demain pour la première régate du Challenge Julius Baër(Grand Prixdu Beau-Rivage), la grande compétition annuelle sur les eaux lémaniques.
Corum y retrempe sa légitimité nautique.
Explications d’Antonio Calce, qui ouvrira bientôt sa première boutique de marque à Genève...
1)
••• UNE STRATÉGIE DE PRAGMATISME FURTIF
Corum sera le co-parrain du Bol d’or Mirabaud, la plus grande compétition mondiale sur plan d’eau fermé (600 voiliers, 3 000 « voileux »). Même courue sur le lac Léman, cette régate – qui fêtera cette année sa 72e édition – regroupe désormais quelques-uns des meilleurs marins du monde, ravis de s’initier aux subtilités du plan d’eau lémanique. Grand moment pour Corum, certes, qui verra son ambassadeur, Loïck Peyron, prendre place à bord d’Okalys-Corum (Décision 35), équipage vainqueur en 2005 et 2007 également soutenu par Corum, mais cependant petit épisode dans les péripéties mondiales du sponsoring sportif...
• Comment exister à côté des géants qui monopolisent le haut-parleur (Hublot avec le football ou la F1, Omega avec les jeux Olympiques, etc.) ? Antonio Calce sait qu’il n’a pas les moyens de... régater avec les plus grands, mais le parrainage du team Okalys-Corum, le Bol d’or qu’il « présente » (avec la banque Mirabaud) et son Grand Prix Corum (dernière course – la plus décisive – du Challenge Julius Baer) n’en constituent pas moins une réponse originale et adaptée à sa nouvelle stratégie (image ci-dessus : le CEO de Corum à la manoeuvre sur Okalys-Corum, sous l'oeil attentif de Nicolas Grange, seul maître à bord après Dieu)...
• « Je ne hisse pas la voile sur le lac pour stimuler mes ventes, mais pour travailler à consolider mon image de marque. C’est l’endroit le plus légitime pour reconstruire l’image de Corum, qui n’était plus du tout ce qu’elle était quand j’ai repris les rênes de la maison, voici cinq ans, mais qui n’est toujours pas à la hauteur de ce qu’elle devrait être. C’est dans son environnement nautique – à travers la magie de la course, avec un des plus grands marins du monde, face à certains ds plus grands noms de la voile – qu’on peut retremper la légitimité de Corum. C’est, en plus, une excellence vitrine pour la crédibilité de la marque à l’échelle internationale (n’oublions pas que Loïc Peyron, notre ambassadeur, navigue dans le monde entier) et, plus localement, un excellent facteur de dynamisme pour le marché suisse, pour lequel ce Bol d’or est loin d’être un mini-événement »...
• Symbole de ce retour en force sur le marché suisse : l'ouverture d'une boutique de marque à Genève (mais ce n'est pas une nouveauté pour les lecteurs de Business Montres, qui avaient déjà eu la primeur de l'information).
• Donc, on sort de la logique de retour rapide sur investissement, chère aux managers pressés : « Je tiens à ne pas surexposer la marque, qui a failli mourir de ce risque au début des années 2000 (les années Bubble), et je ne veux pas la galvauder. Les retombées économiques sont loin d’être notre premier objectif : on verra plus tard, quand la situation aura mûri. Là, il s’agit de renforcer notre image et de la rendre plus consistante, dan la longue durée. C’est aussi une manière de dire : ici, sur un plan d’eau, entre Genève et Lausanne, je suis chez moi en tant que marque suisse spécialiste des joutes nautiques. Mes racines sont ici. Retour au source : les amateurs n’ont pas oublié que le monocoque Corum détient depuis 25 ans le record de vitesse du Bol d’or ! »
• Pragmatisme donc, mais discret et presque furtif à l’aune du tam-tam médiatique battu par les marques des grands groupes : « Il s’agit pour nous de reconstruire nos propres fondations et de miser sur le long terme, hors de toute logique de “coup“, avec une recherche permanente de la cohérence dans la maîtrise du développement »...
2)
••• UNE TACTIQUE DE RÉALISME OPÉRATIONNEL
L’intervention – forcément remarquée – de Corum sur les eaux lémaniques n’est que le volet nautique d’une stratégie plus globale de refondation mise en place par Antonio Calce depuis cinq ans, quand Severin Wunderman l’avait appelé pour sauver Corum d’un naufrage annoncé – on se souviendra que le succès de la Bubble avait affolé les compteurs et totalement déréglé la marque. Depuis, les comptes ont été remis en ordre et la marque est redevenue profitable, avec un taux annuel de profits non négligeable pour une maison qui revenait de loin...
• Un nouveau concept de développement industriel est né : la manufacture par maîtrise d’ouvrage. Avant de maîtriser les « copeaux » [ce qui se fera dans un second temps, mais l’espace et l’outil sont déjà présents dans les têtes], Corum a choisi de coordonner en interne les différents phases de sa reconstruction en tant que manufacture authentique et légitime, de la conception à la réalisation finale du produit. Ce qui passe, pour l’instant, par la délégation de la construction et de l’industrialisation des calibres propres à la marque dans les ateliers spécialisés des vallées horlogères, sous cahier des charges Corum et avec la vision Corum.
• Maîtrise d’ouvrage qui réclame une réorganisation interne de l’entreprise, laquele ne se contente pas de pousser ses fournisseurs à évoluer, mais procède à la mise en place de ses propres réformes :
• création d’un service qualité impressionnant (13 personnes) et capable de vérifier, pièce par pièce, 100 % de la production, en amont (composants) comme en aval (montre terminée)...
• création d’un bureau technique et d’une cellule de développement produits à la hauteur des ambitions de la marque (8 personnes), avec une mission de coordination des concepteurs...
• création d’un SAV digne de ce nom pour sécuriser les détaillants autant que les clients...
• création d’une direction industrielle et consolidation des procédures de traçage interne (des produits comme des projets)...
• création d’un service des achats (4 personnes) pour fiabiliser toute la chaîne de production, accélérer le développement des produits et optimiser les stocks...
Bref, un effort dans la maîtrise de la gestion quotidienne, qui paraîtra normal et même élémentaire à beaucoup, mais il était anormal que Corum n’en soit pas à ce stade !
• Les gains de réactivité ont été impressionnants, mais moins sans doute que la migration de la marque d’un statut d’acteur opportuniste à celui de manufacture à part entière : « On a viré tous les quartz, rappelle Antonio Calce, et on s’attaque maintenant, en interne, à développer des petites complications, grâce aux équipes que nous avons recrutées. 40 personnes engagées au cours de ces dernières années. Le feu de paille de la Bubble avait fait de Corum une marque trop à la mode pour les horlogers, mais elle restait trop horlogère pour l’univers de la mode : nous avons choisi de retrouver nos racines en nous restructurant autour de valeur purement horlogères, dans le respect de nos codes fondamentaux »...
••• APPAREMMENT, C’EST BIEN REPARTI POUR ANTONIO CALCE, qui peut désormais se permettre un peu plus de visibilité médiatique, tout en continuant à serrer les boulons en amont : le Bol d’or 2010 ne sera pas un couronnement, mais seulement le symbole d’une ambition retrouvée et le premier pas d’un parcours lucidement pensé. L’instant Corum, c’est finalement celui où tout ce qui a été mis en perspective s’éclaire pour dessiner une autre voie dans la nouvelle horlogerie.
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