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Enchères Genève Mai 2010(#13) : En 500 lots, Antiquorum a bien résumé la situation
 
Le 17-05-2010
de Business Montres & Joaillerie

La dispersion du catalogue le plus épais de ce week-end d’enchères horlogères est un fidèle reflet de la situation des montres de collection : météo variable !

Très beau temps sur les sommets et beaucoup de grisaille dans les vallées à l’ombre, avec un avis de tempête pour certains plateaux soumis à des vents violents...


1)
••• DES BUBBLE POUR CÉLÉBRER LA MORT DE LA « BULLE »

Deux sessions pour disperser 500 numéros, avec un catalogue qui mettait en couverture une montre attribuée à Victorin Piguet datée du début du siècle précédent, circa 1900 : retour à la Belle Epoque après la Bulle Epoque ? Tout un symbole ! On pourrait même pousser la métaphore jusqu’à rappeler – était-ce volontaire ou ironiquement freudien ? – que les dix premiers lots de ce catalogue étaient des Corum Bubble, histoire de tourner la page du passé et faire la transition avec les dix-huit mois de crisis horribilis que nous venons de passer [lesquelles Bubble se sont plutôt bien comportées, aux alentours de 2 000 CHF] ...

• Le prix sous le marteau de la Victorin Piguet (lot n° 500) démontrait d’ailleurs à qui ne l’aurait pas compris que la vérité est désormais ailleurs que dans les paillettes contemporaines : 305 000 CHF en provenance de Taïwan pour s’adjuger cette grande et petite sonnerie à répétition minutes et tourbillon (illustration Business Montres du 7 mai), c’est certes le bas de l’estimation, mais c’était un parti-pris courageux après un catalogue malgré tout très axé sur le déstockage de montres neuves [il suffisait de compter le nombre de pièces évaluées 1 – « comme neuf » – selon le propre grading system d’Antiquorum]...

• Reste qu’avec un échantillon de cette taille, il était relativement facile de sentir les tendances globales des enchères horlogères et de mettre en perspective les évolutions des multiples niches d’un marché qui est plus que jamais stratégique pour la crédibilité des marques et pour la légitimité de leur prétention à pratiquer des prix très élevés pour leurs montres contemporaines. S’il fallait résumer en frôlant la caricature, on pourrait dire que tout le monde (amateurs, marchands et marques) a pu se faire plaisir au cours de ce week-end chez Antiquorum, mais pas forcément là où c’était prévisible et sûrement plus au même prix. Total de cette vente, analysée il y a quelques jours par Business Montres (1er mai) : 6,32 millions premium compris, avec 84 % de lots vendus et des enchères en ligne qui étaient probablement les plus actives de tout le week-end)...



2)
••• UN MESSAGE TRÈS CLAIR ENVOYÉ AU MARCHÉ

Que de Breitling, simples ou dédiées à des patrouilles acrobatiques, dans cette dispersion ! Les prix sont honorables (2 200 CHF pour la Cosmonaute 24 h du lot n° 32, c’est plutôt une bonne affaire) et ils ne s’emballent guère que pour une montre plus rare, comme le Chronomat de la Royal Air Force Hong Kong (lot n° 19 : 4 200 CHF)...

• Au fil des pages, c’est un nouveau paysage qui se dessine, avec une pression asiatique indéniable : spectacle étonnant que celui des assistants d’Antiquorum debout à leur table et s’affrontant ensemble pour une même pièce, l’un pour un amateur de Shanghai, l’autre pour un collectionneur de Hong Kong, alors que les enchères en ligne suscitent un match – toujours pour la même pièce – entre Taïwan et Singapour. Et c’est peut-être un enchérisseur de Tokyo qui remportera l’enchère par téléphone...

• Le défilé des marques s’accélère : Girard-Perregaux (gros déstockage d’un marchand, avec des « bonnes affaires » pour les collectionneurs avisés), Cartier, Breitling (encore !), IWC (beaucoup, dont un quantième perpétuel Da Vinci bradé à 7 200 CHF : lot n° 93), une Corum émaillée qui explose son estimation à 34 000 CHF (lot n° 95), Rolex évidemment, une surprenante Ellicott tourbillon présentée à Bâle 2010 (lot n° 111) et probablement emportée ici jusqu’à 140 000 CHF par l’enthousiasme marketing d’un propriétaire soucieux de se positionner « à la Patek Philippe », des Audemars Piguet « ravalées » plus souvent qu’il y a un ou deux ans, dont une Royal Oak Offshore sertie restée dans la vitrine sous les 30 000 CHF (lot n° 127), une Millenary sans preneur à 6 800 CHF (lot n° 129), une série limitée Shaquille O’Neal sertie, réputée introuvable mais scotchée sans enchère à 58 000 CHF (lot n° 130) ou une Alinghi Flyback, tout aussi introuvable, sans acheteur à 50 000 CHF (lot n° 132). Pas bon pour l’image de marque, tout ça...

• Les acheteurs adorent l’insolite : la preuve avec les Rolex « non officielles et non autorisées », comme l’improbable Datejust phases de lune (lot n° 102 : 12 000 CHF), l’hérétique Daytona Pro-Hunter noire et verte (lot n° 103 : 27 000 CHF) ou la GMT « Chuck Yeager » japonaise (lot n° 294 : 13 500 CHF). Mais ils se méfient de leur ombre : pas de preneur à 90 000 CHF pour la Rolex-Panerai à cadran California (lot n° 469), suspecte et surévaluée, personne pour la Daytona « Fuerza Aera del Peru » à 33 000 CHF (lot n° 391), rien pour la Milgauss décolorée à 95 000 CHF (lot n° 463), pas de preneur pour la Rolex « poêle à frire » (Padellone) du lot n° 468, reprise à 50 000 CHF faute de client, ni pour le chrono Rolex 4048 « Barillotto » lot n° 467, pas franc du collier et resté sans acheteur à 105 000 CHF...

• Signe encourageant pour la nouvelle génération, avec les 33 000 CHF (lot n° 146) et les 31 000 CHF (lot n° 147) décrochés pour les deux Urwerk 103 neuves de stock (la même ne fera que 22 000 CHF le lendemain chez Christie’s), mais aussi avec le résultat du tourbillon 110 heures Harry Winston/Peter Speake-Marin, adjugé à 68 000 CHF (lot n° 148), voire avec les 93 000 CHF du Cenyigraphe de F.P. Journe (lot n° 168) ou les 11 500 CHF du simple prototype TAG Heuer Calibre 360 (lot n° 149)...

• A force de tutoyer l’exceptionnel avec les inavitables séries de Patek Philippe, on en oublierait le très encourageant succès du Gyrotourbillon Jaeger-LeCoultre n° 1/1, vendu en décembre 2007 et reparti sous le marteau à 285 000 CHF (lot n° 174). Jaeger-LeCoultre devait d’ailleurs consolider ce statut offensif avec le succès de sa série de pendules de table (6 500 euros pour l’amusant lot n° 183, déjà repéré par Business Montres le 6 mai, info n° 6) – dont on prendra pour symbole les 9 500 CHF du lot n° 214 (une lampe-globe terrestre qui donne l’heure)...

• Multiples enchères chinoises pour les montres de poche, surtout émaillées, multiples enchères italiennes pour les Rolex et les Patek Philippe, multiples enchères d’amateurs en ligne ou au téléphone pour d’autres montres (peu de Russes, mais heureusement un peu plus d’enchères venues du Proche-Orient), avec une hyper-sélectivité des acheteurs, dispositif d’esprit qui permet à une montre de poche à 8 complications, chef-d‘œuvre d’Audemars Frères, de ne pas se vendre à 85 000 CHF (lot n° 350) quand une simple Vacheron Constantin en émail cloisonné de 1953 (lot n° 489) s’adjuge sans problème à 84 000 CHF...

• Amusante : l’action au porteur Patek Philippe (« une chance unique de posséder une partie de cette manufacture » qui atteint les 8 500 CHF (lot n° 492). Intéressant : le mini-buste de Breguet parti pour 4 600 CHF (lot n° 496 : Business Montres du 6 mai). Méconnu, quoique techniquement passionnant : le chronomètre de poche avec échappement pivoté à détente et spiral hélicoïdal (lot n° 341, invendu à 3 800 CHF)...


••• IMAGE CI-DESSUS : le chronographe Tudor Oysterdate qui était une des discrètes vedettes de tout le week-end des enchères. Lot n° 440 chez Antiquorum, c’était une bonne affaire à 9 500 CHF sous le marteau puisque la même montre (à quelques détails près : réf. 7032 au lieu de 7159) partait dès le lendemain à 14 000 CHF chez Christie’s. Une future Daytona ?

 



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