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Le touriste visitant la Baie de Ha Long ne se doute guère que cette merveille du monde est le site archéologique d'une culture mésolithique du même nom. L'industrie de Ha Long de 7.000 - 5.000 ans, av. J.-C., a laissé en particulier des boucles d'oreille en pierre précieuse. Le goût de nos ancêtres pour la parure remonte ainsi très loin dans le temps.
Vers les années 30 du siècle dernier, l'archéologue française Madeleine Colani a commencé des recherches sur le néolithique vietnamien, typique du Sud - Est asiatique (Hoà Binh - Bac Son, 11.000 - 7.000 ans av. J.-C.). Parmi les artefacts mis au jour, figurent des colliers, des bracelets, des boucles d'oreilles, des amulettes en pierre, en os, en corne, en ivoire.
Les matières premières des bijoux ont augmenté et la technique s'est améliorée avec le temps. Après le méso-néolithique (culture de Ha Long) vint l'âge du métal, fer et bronze, marquée en particulier par la culture de Dông Son (il y a 1.000 ans).
En fait de parure, on préférait le bronze au fer qui se rouillait facilement. Les bijoux en or et en argent sont apparus à des dates plus récentes, probablement au début de l'ère chrétienne.
À partir de ces artefacts du néolithique et de l'âge du bronze, la bijouterie vietnamienne a évolué jusqu'aux temps modernes. À travers les siècles, se sont multipliés des centres et des villages spécialisés dans certaines branches de la bijouterie traditionnelle dans tout le pays.
Les annales chinoises rapportent qu'au temps de la colonisation chinoise (2e siècle av. J.-C. - 10e siècle après J.C.), les Vietnamiens devaient offrir à la Cour impériale des tributs comprenant des articles en or et en argent ciselés.
Les génies - patrons des orfèvres sont les frères Trân Hoa, Trân Diên et Trân Diêu, du village Dinh Công, district Thuong Tin, province de Hà Tây. Vivant au 6e siècle, sous le règne de Ly Nam Dê, ils apprirent leur métier en Chine... L'instrumentation de la bijouterie traditionnelle est très simple : un petit soufflet horizontal à piston, un fourneau fait de 2 briques et quelques morceaux de charbon de bois, un maillet de bois armé de métal, des poinçons à graver, des billots et une petite enclume... Comme on ne fabriquait pas d'objets massifs, les bijoux étaient fabriqués à partir de feuilles d'argent et d'or.
Le village Dông Xâm (district Kiên Xuong, province de Thai Binh) s'est spécialisé depuis 5 siècles dans la fabrication d'objets en argent ciselé. D'après la légende, au 15e siècle , pendant que le pays était occupé par les Chinois Ming, un maître bijoutier de la province frontière Cao Bang a cherché refuge dans ce coin du delta du fleuve Rouge. Il a enseigné aux villageois son art et pour cette raison, a été honoré comme génie tutélaire du village. Les produits en argent et en bronze de Dông Xâm ont joui depuis très longtemps d'un grand prestige à la capitale et dans tout le pays. À l'heure actuelle, Dông Xâm compte 2000 artisans dont 200 travaillent pour les magasins d'orfèvre du Nord au Sud... Quatre-vingt pour cent des foyers ont des artisans, lesquels sont répartis en 120 groupes de travail collectif. On gagne sa vie, mais on est exploité par des intermédiaires et des exportateurs qui paient des prix peu raisonnables.
Autrefois, chaque famille gardait le secret du métier, ne le transmettant qu'aux fils et non aux filles. Ce tabou a pris fin depuis l'instauration de pouvoir révolutionnaire.
La rue des Orfèvres (Phô Hàng Bac) de l'ancien Thang Long (Hanoi) centre important de bijouterie traditionnelle, a passé par plusieurs métamorphoses. Elle avait commencé sa carrière comme site d'une frappe de monnaie. Le ministre Luu Xuân Tin (retour de Chine, fut autorisé par le roi Lê Thánh Tông (15e siècle) à fondre la monnaie pour le compte de la Cour royale. Il y installa ses ateliers, faisant venir des ouvriers de son village Châu Khê (Hai Duong). On y travaillait les métaux fournis par des agents de l'État auxquels on remettait les pièces et lingots produits. Les petits ateliers périclitèrent au début du 19e siècle, après que la nouvelle dynastie des Nguyên s'était transférée à Huê, la nouvelle capitale, et avec elle la sapéquerie d'État. À partir de cette époque, la rue Hàng Bac opéra une reconversion vers la bijouterie et le change de monnaie, d'où le nom de rue des Changeurs donné par les Français. On y échangeait les lourdes et encombrantes sapèques de cuivre contre des lingots ou morceaux d'argent plus maniables. Par la suite, seule la bijouterie parvient à se maintenir. Remarquons que les artisans de Dông Xâm, spécialisés dans l'art de graver de l'argent, étaient venus renforcer le contingent de bijoutiers. Avec la Révolution de 1945 et les 2 guerres d'Indochine, la rue Hàng Bac a connu un véritable déclin. Sa joaillerie n'a connu un regain qu'après la politique du Dôi moi (Renouveau) depuis 1986.
Du 16e au 18e siècles, le pays fut divisé en 2 et gouverné par 2 familles shogounales. Au Sud, sous l'administration des Nguyên, les immigrés chinois ont gardé pendant longtemps le monopole de bijoux en or. Cao Dinh Loi (1746-1810), homme de Thanh Hoa déguisé en Chinois, a réussi à apprendre leur secret et devint le génie patron du métier.
Notons pour terminer que le village Kiêu Ky (Gia Lâm, Bac Ninh) s'est spécialisé dans l'art très original de la fabrication des quy, feuilles d'or très minces servant à laquer rouge et or les statues de bouddha, les sentences parallèles et les objets de culte. Il honore Nguyên Quy Tri (13e siècle) comme patron génie tutélaire de la communauté.
Le Courrier du Vietnam |