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Le tribunal de Commerce de Besançon vient de libérer Alain Silberstein d’un grand souci : son plan de continuation a été accepté, avec des délais de paiement réalistes pour apurer son passif.
C’est reparti pour les plus belles moustaches de la haute horlogerie créative !
••• L’AVENTURE CONTINUE... GRÂCE AU PLAN DE CONTINUATION
La survie économique de la maison fondée il y a plus de vingt ans par Alain Silberstein n’est plus menacée : appréciant très fondées les possibilités de redressement de l’entreprise, le tribunal de Commerce de Besançon vient d’approuver son plan de continuation, qui préserve les intérêts de ses créanciers, mais en lui donnant le temps nécessaire à l’apurement de son passif, dont il commencera le remboursement dans un an.
• Les affaires reprennent donc pour Alain Silberstein, qui a désormais les coudées franches et l’esprit libre pour relancer tous ses projets et tout le processus de fabrication et de commercialisation des commandes enregistrées à Genève 2010 et à Baselworld. De quoi aussi explorer de nouvelles voies et imaginer de nouvelles stratégies pour adapter son offre à des marchés en pleine mutation.
• Alain Silberstein ayant toujours quelques idées d’avance (et il l’a prouvé, par le passé, en « inventant » des idées horlogères aujourd’hui banalisées et dont on a oublié qu’elles étaient de lui !), il était intéressant de cadrer avec lui ses ambitions dans le nouveau paysage horloger.
• 2010 : sortie de crise pour l’horlogerie et sortie de galère pour AS ?
• Alain Silberstein (image ci-dessus) : « L’effondrement de nos deux principaux marchés (Japon et Russie) en 2009 nous a touché de plein fouet et nous avons dû demander la protection du tribunal de Commerce, procédure nous permettant de “geler” nos dettes le temps de présenter un plan de remboursement de ces dettes échelonné sur plusieurs années. La notoriété de notre marque auprès des amateurs et collectionneurs d’horlogerie est importante dans le monde entier. Dans une conjoncture difficile, sans budget de communication significatif et grâce au soutien des réseaux horlogers sur l’internet, la ré-ouverture du marché américain est un succès : les commandes directes de clients se sont multipliées ces derniers douze mois, modèles collectors compris. Une tendance à développer !
• « Notre priorité est dans la recherche de partenaires à même de financer le redéploiement “post-crise” de notre marque. Nous sommes encore loin de sortir d’une crise qui ne fait qu’accélérer les transformations structurelles de notre secteur d’activités. Une opportunité pour bien positionner notre marque et son avenir. »
• Après cette crise, l’horlogerie indépendante a-t-elle encore un avenir ?
• Alain Silberstein : « Faire cavalier seul dans un monde horloger multi-marques n’est pas la meilleure façon de se positionner aujourd’hui. Nous assistons depuis quelques années à l’émergence d’une “nouvelle vague horlogère” faite de talents multiples.
• « Je souhaite participer à la création ou au développement d’un groupe horloger comprenant plusieurs marques de niche innovantes et créatives à dimension artistique et technique. Offrir un complément multi-marques à l’offre des grands groupes horlogers... »
• Le marché (détaillants, fournisseurs, amateurs) a-t-il encore besoin de « petites marques de niche » ?
• Alain Silberstein : « Heureusement, nous avons pu développer en 23 ans des partenariats avec certains fabricants et commerçants, fondés sur une commune passion de la création horlogère. Chez les fournisseurs, nos petites quantités sont les bienvenues en période de crise, mais je n’oublie pas combien était difficile la réalisation de nos petites séries dans un délai raisonnable il y a encore quelques mois !
• « Chez les détaillants, les marques indépendantes de niche ne représentent pas un chiffre d’affaires significatif, au contraire des grands groupes horlogers qui ont aujourd’hui une offre bien diversifiée et segmentée. Nous sommes un peu les “cerises sur le gâteau” de l’offre horlogère chez les détaillants en période d’euphorie économique. Au premier retournement de tendance, on nous oublie !
• « Notre réconfort pendant cette période difficile est dans la demande grandissante de clients qui nous contactent directement pour acheter des montres visibles uniquement sur l’internet et qu’ils ne trouvent pas chez les détaillants. Un témoignage de l’intérêt porté à nos créations et un constat à prendre en compte pour l’avenir... »
• Sur quelles valeurs devrait-on reconstruire le marché de la montre ?
• Alain Silberstein : « Je cite toujours les trois piliers qui fondent la haute horlogerie. Ce sont l’innovation, la qualité et le service. Ce qui était vrai hier le sera encore plus demain. En 23 ans, nous avons créé un style de montres reconnu au plan mondial, au design identifiable, qui joue avec les couleurs, les matériaux et ce qu’on appelle en design la ligne “pure”.
• « Si je devais citer une valeur à développer avec les outils d’aujourd’hui, c’est celle d’une meilleure proximité avec le client final, avant et après l’achat d’une montre. Notre participation à un salon horloger dédié au grand public comme Belles Montres à Paris est un bon exemple de cette proximité à développer. »
• Peut-on encore innover sur un marché saturé ?
• Alain Silberstein : « Dans un marché saturé de marques et de styles, faire entendre sa petite musique coûte de plus en plus cher. Les moyens financiers d’une marque doivent être à la hauteur de ses ambitions. Alain Silberstein est une marque reconnue qui est - encore - la signature d’un artiste. Cette dimension humaine est importante pour mes clients mais elle n’est pas la seule...
• « La dimension artistique de mes créations est l’axe principal que je souhaite développer ces prochaines années, une dimension partageable avec d’autres créateurs horlogers, dans l’esprit Watch Factory. C’est un univers spécifique à décliner au plus près des clients sur l’internet, avec des boutiques multi-marques de référence, des expositions thématiques et des événements à créer.
• « Cette approche “personnaliste” correspond à mes futures complications horlogères qui prendront en compte les cultures et traditions de mes principaux marchés dans la mesure et la lecture du temps. Je ne suis pas à l’aise avec une offre horlogère uniquement composée de ce que j’appelle des “montres Coca-Cola” – les mêmes montres pour tous – qui ignoreraient le génie des différentes cultures humaines qui sont autant de “territoires créatifs” à explorer.
• « J’ai une approche “glocale” de l’horlogerie artistique : globale et locale à la fois... »
• Quelles nouvelles promesses aux nouveaux consommateurs ?
• Alain Silberstein : « Il faut aussi oser parler aux clients des prix et de la traçabilité des produits. Mes montres sont actuellement commercialisées dans une gamme de prix allant de 8 000-12 000 euros et les montres de la collection “Tourbillon d’Art” sont à 60 000 euros.
• « L’ensemble des mouvements et autres composants de mes montres sont fabriqués en France et en Suisse : j’aime parler des entreprises partenaires qui transforment mes rêves en réalité.
• « En plus de cette collection “Bauhaus” équipée de mouvements Swatch Group, Sellita et Concepto, je souhaite développer ces prochaines années une nouvelle collection avec des mouvements à complications “simples et poétiques”, dans un créneau de prix allant de 20 000 euros à 30.000 euros, peu exploité actuellement.
• « Enfin, je voudrais continuer à développer mon “laboratoire personnel” : une collection d’art composée de pièces uniques ou de très petites séries autour d’une idée, d’un mouvement, ou de la demande spécifique d’un client, une “respiration créative” qui m’est depuis toujours nécessaire... »
••• DES ALLIANCES ENTRE MARQUES DE NICHE pour créer une alternative multi-styles dans un monde horloger multi-polaire, une meilleure valeur ajoutée en termes de qualité et de services (surtout après-vente), l’exploration de nouveaux territoires créatifs capables d’apporter une dimension réellement artistique aux montres, une traduction mécanique de propositions oniriques : la feuille de route est ambitieuse pour cette nouvelle étape de la vie d’Alain Silberstein, dont on admirera la résistance opiniâtre dans l’adversité.
• Comme quoi la « nouvelle génération » n’est pas une question d’âge, mais d’état d’esprit et de regard différent posé sur les montres...
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