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Le concept de « haute horlogerie » est une auberge espagnole où chacun doit apporter de quoi manger à sa faim.
Vide de sens dès qu’on s’en approche, le nom reste malgré tout et mobilisateur : même si on ne sait pas pourquoi, on lui doit le respect...
1)
••• UN PÉRIMÈTRE NON EXCLUSIF POUR UN SALON EXCLUSIF
Les historiens de l’horlogerie hésitent encore sur l’inventeur de la « haute horlogerie », idée qui n’était à l’origine qu’un argument marketing : Alain-Dominique Perrin (pour les besoins de la cause en lançant le SIHH) ou Franco Cologni (au choix : pragmatisme culturel ou élégance sémantique) ? Bref, c’est fondamentalement une idée Richemont, devenue au fil des ans catégorie fondamentale et segmentante quoique perpétuellement entachée d’un flou générateur d’ambiguïtés...
• Haute horlogerie ? C’est comme « tolérance » : il y a des maisons pour ça... La Fondation de la haute horlogerie avoue 28 membres, revendique un « périmètre » d’une soixantaine de maisons et oublie à peu près 30 ou 40 marques supplémentaires qui seraient susceptibles de répondre aux propres critères de son steering comittee (en plus de 500 mots, la définition est pour le moins alambiquée). On serait donc dans la centaine de marques, soit un tiers des marques actives sur le marché de la montre. On est loin de l’élitisme. Pas simple, cherchez l’erreur !
• Haute horlogerie ? Oui, mais il y a aussi un salon pour ça ! 17 marques seulement au SIHH, dont plusieurs ne relèvent à l’évidence que de très loin des critères définis par le « comité de pilotage » en question, alors qu’on peut visiter à Genève, pendant le SIHH, une bonne trentaine marques qui appartiennent de toute évidence à l’univers de la haute horlogerie, tout en étant ou non membres de la Fondation ci-dessus. Pas simple, cherchez l’erreur !
• Haute horlogerie ? Alors, c’est le mouvement, la collection, la complication, le prix, la communication, la tradition, la légitimité historique, l’auto-revendication, le copinage, le groupe, le poinçon, le marketing, l’idée qu’on s’en fait ? Dès qu’on tente de saisir l’objet « haute horlogerie », il se dérobe à l’analyse, alors qu’on en distingue bien les contours dès qu’on prend de la distance. Comme il n’y a pas (encore ?) de basse horlogerie, qu’est-ce qu’un haut qui n’a pas de bas ? Une espace plat. Qu’est-ce qu’un plan sans limites ? Un non-lieu, au sens strict une atopie sans forme, ni présence, qui ne relève ni de l’être, ni du non-être. Pas simple, cherchez l’erreur !
2)
••• CEUX QUI EN PARLENT LE PLUS NE SONT PAS FORCÉMENT LES PLUS HAUTS, NI LES PLUS HORLOGERS
Haute horlogerie ? Et pourtant elle est là ! On la voit malgré tout se dessiner avec une précision relative, puisqu’on devine intuitivement que certains de ceux qui s’en réclament n’en sont pas et que certains autres qui n’en réclament pas en sont forcément. C’est comme ces vieux amis de la famille dont on a oublié pourquoi on les aimait ou pourquoi ils faisaient partie des meubles. Ils en sont, un point c’est tout, et la haute horlogerie – idée qui a besoin d’une Fondation pour se fonder en signification – fait partie de ces concepts inéluctables, infalsifiables et non-élucidables qui font le charme des vieilles cultures européennes, au même titre que la démocratie, la liberté ou la solidarité.
• Haute horlogerie ? C’est comme Dieu : il suffit d’y croire ! De même que Dieu n’habite pas forcément au Vatican et ne fait pas forcément acte de présence dans toutes les églises qui lui consacrées, la « haute horlogerie » n’existe que pour les cœurs simples. Dans les coeurs de tous ceux qui veulent croire à l'existence d'une « haute horlogerie », dont on comprend intuitivement, au-delà des mots, qu’elle est le cœur battant de l’industrie horlogère et l'âme de sa tradition...
• UNE CHRONIQUE VIDÉO DE BUSINESS MONTRES : en direct et en une seule prise, « Mais qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire, “haute horlogerie“ ? » (06:43 mn), à découvrir sur la nouvelle chaîne images de Business Montres.
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