|
La croissance s’accélère pour Maurice Goldberger, qui écoule les invendus des grandes marques
«Depuis trois mois, les affaires sont plus difficiles en termes de rentabilité. La demande ne faiblit pas, mais la faiblesse de l’euro par rapport au dollar canadien, monnaie dans laquelle je paie mes frais, m’est clairement défavorable.» Mis à part ce tout récent problème, le «déstockeur» d’articles de luxe – notamment de montres suisses – Maurice Goldberger ne se plaint guère de la crise qui a frappé l’économie mondiale à partir de l’automne 2008. Au contraire. Depuis deux ans, les ventes de sa société Chiron, basée à Montréal, ont progressé plus fortement qu’au cours des années précédentes, a-t-il expliqué lundi au Temps lors d’une rencontre à Genève. Elles se sont élevées à 350 millions de dollars en 2009, avec une croissance annuelle moyenne de 25% depuis 2005.
Le fait est bien connu: nombre d’horlogers ont été pris de court lorsque le marché s’est retourné. Leur réseau de distribution – étranglé par la crise du crédit – n’arrivait plus à absorber leur production. Qui exactement? Motus et bouche cousue. Maurice Goldberger ne lèvera même pas un coin du voile: impossible de connaître le nom de ses clients ou de ses revendeurs. Il assure en revanche dans un sourire que de «nombreuses» grandes maisons horlogères helvétiques recourent à ses services pour se débarrasser de leurs invendus.
De gros rabais
«Attention, mon activité n’a rien à voir avec le marché gris, ajoute dans le même souffle le commerçant rencontré à Genève. Je garantis aux marques que j’écoule leurs produits dans la zone géographique qu’elles souhaitent. Elles peuvent d’ailleurs le constater elles-mêmes puisqu’elles livrent directement auprès des détaillants: je ne fournis aucune logistique et ne fais qu’organiser la mise en contact. Toutes les montres vendues par mon intermédiaire disposent donc d’une garantie directe du fabricant. J’organise le «second marché.»
Le prix de vente de ces garde-temps (l’horlogerie représente 30% du chiffre d’affaires de la société), et des autres articles de luxe, qui vont de la maroquinerie aux vêtements, en passant par les instruments d’écriture? «Entre 40 et 70% du prix officiel dans les magasins agréés par les marques», explique Maurice Goldberger, qui ne fournit que des discounters. Chiron place grosso modo la moitié de ses produits auprès de sites web de commerce électronique – principalement quatre, qui ne font aucune publicité et ne diffusent aucune photo de produit via Google – ainsi qu’auprès d’une quinzaine de chaînes de détaillants (qui comptent jusqu’à 300 boutiques). Aucun supermarché n’est servi.
Son rayon d’activité couvre «le monde entier». Suisse comprise? Maurice Goldberger garde encore le mystère. Quant à la marge de Chiron, société qui n’occupe qu’une vingtaine de collaborateurs entre son siège montréalais et ses bureaux genevois et vénitien, elle oscille entre 10 et 25%, en fonction du volume et des produits. Ces derniers se vendent entre 20 francs et plusieurs millions.
Philippe Gumy
Le Temps |