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Ce matin, « Momo le nettoyeur » était de passage à Genève
 
Le 02-06-2010
de Business Montres & Joaillerie

Hôtel La Réserve, à Genève : Maurice Goldberger n’a pas encore lu les articles que la presse suisse romande lui consacre, mais Jean-Claude Biver (le président de Hublot), qui ne le connaît pas, vient lui serrer la main pour le féliciter de sa franchise et de son initiative pour structurer le second marché des montres neuves...

1)
••• 110 MILLIONS DE DOLLARS PAR AN POUR LE « NETTOYEUR »

Maurice Goldberger est une légende des coulisses du marché horloger. Certains l’appellent Momo The Cleaner (« Momo le nettoyeur ») et ses passages en Suisse sont attendus avec impatience par les patrons de marque dont il recycle les stocks invendus, moyennant un paiement cash qui peut faciliter bien des fins de mois ou des bilans de fin d’année.

• Pour ce café-croissant du mardi, il a choisi La Réserve, soit le meilleur hôtel de Genève. Une rencontre surprise ce matin : Jean-Claude Biver (Hublot), qui vient lui aussi prendre son petit déjeuner et qui ne connaît pas Maurice Goldberger, mais qui vient de lire un des articles que lui consacre la presse romande : une fois les présentations faites, on les découvre unis et presque solidaires pour lutter contre le marché gris, ce « marché aux voleurs qui détourne les fruits de nos efforts » (Jean-Claude Biver)...

• Déstockage : le mot est tabou dans la communication des marques, au moins pour ce qui concerne les marchés européens de vieille culture horlogère. En terre anglo-saxonne, les outlets sont parfaitement banalisés et intégrés dans le modèle économique des entreprises, avec la bénédiction des consommateurs. Y compris les outlets des marques de montres : TAG Heuer en possède 6 au Royaume-Uni et Movado une trentaine aux Etats-Unis. On préfère user ici de litotes comme gestion des erreurs de production en masquant le tout sous la pudique appelation « ventes Family & Friends », ce qui revient au même...

• Maurice Goldberger (image ci-dessus) est le fondateur, le propriétaire et l’acheteur de Chiron, une entreprise canadienne spécialisée dans le « second marché » – c’est-à-dire dans le recyclage sur des réseaux secondaires de différents modèles de grandes marques de montres. Il se flatte d’à peu près 110 millions de dollars de chiffre d’affaires dans le déstockage des montres (sur les 350 millions réalisés chaque année par Chiron) et il emploie une dizaine de personnes à Montréal, au Canada. Sa spécialité : les montres sorties des collections, les fins de série, les excédents de production ou les invendus pour cause d’erreur marketing.



2)
••• « MOMO THE CLEANER » VEUT MORALISER LE SECOND MARCHÉ

Maurice Goldberger a une conception très anglo-saxonne du business et de la transparence nécessaire vis-à-vis des amateurs de montres comme des patrons de marque ou des détaillants. Il n’a donc pas de secrets pour Business Montres, qui s’efforce de promouvoir la même transparence dans l’information horlogère. Il détaille très volontiers les raisons de son passage à Genève et à Zürich : il est tout simplement là pour « éponger » les surstocks des marques ! Demain, il fera la même chose en Italie, en France, en Allemagne ou aux Etats-Unis. La liste de ses clients est impressionnante (inutile de la lister ici : les intéressés la connaissent), mais elle est cependant encore loin de couvrir tout le Gotha de l’horlogerie (il y travaille malgré tout activement)...

• Principe de son intervention : déstocker les marques, c’est-à-dire racheter cash leurs montres surnuméraires, mais pas dans n’importe quelle condition, ni à n’importe quel prix. Il achète les montres à une valeur située entre 15 % et 30 % du prix public [tout dépend de la notoriété de la marque, de son image, de sa « désirabilité » et de son abondance sur le marché], pour les revendre sur ses propres canaux – négociés très précisément avec la marque, selon des interdictions géographiques ou commerciales très strictes. Telle ville, mais pas telle autre. Tel pays, mais pas son voisin. L’idée est de laisser à la marque le contrôle total de ce « second marché », qu’on doit ici distinguer du « marché parallèle » ou du « marché gris », puisque la marque conserve de bout en bout la maîtrise de ces canaux de distribution, montre par montre (ce qui n'est pas le cas pour les pièces du marché gris).

• Maurice Goldberger distribue essentiellement à travers quelques chaînes spécialisées dans les « bonnes affaires » et sur Internet, par des « ventes privées » organisées en liaison avec les marques : des opérations « coup de poing » très limitées dans le temps, sur invitation personnelle et réalisées dans le respect de leurs codes de communication. Sérénité pour les marques (qui voient leur image respectée) et sécurité pour les amateurs (qui sont sûrs de l’authenticité des montres, un luxe quand 95 % des sites marchands sont des plus douteux). Une confiance générée par un respect des engagements mutuels et par une approche très fine des réalités de chaque marque sur ses marchés.

• L’idée est de remettre un peu d’ordre sur le marché secondaire, en le structurant et en aidant les marques à se décomplexer quand elles veulent élargir leur champ d’intervention commerciale sans éroder leur image. Maître-mot : la moralisation, tant du côté des marques, qui peuvent sélectionner les leviers de vente les plus intéressants pour elles, que du côté des amateurs, qui peuvent profiter d’occasions inespérées à des prix déclencheurs d’impulsions, sinon d’émotions fortes. Pour les marques, c’est une sorte de retour à la Ve Avenue alors qu’elles étaient condamnées aux braderies éhontées de la 47e Rue...



3)
••• LE COMPLEXE DU PHARAON

Aujourd’hui, les marques (et leurs dirigeants) semblent victimes du « complexe du Pharaon », ce souverain de l’ancienne Egypte que personne ne devait voir aller aux toilettes parce qu’un supposé « dieu » n’a pas de besoins naturels à satisfaire. De même, du haut de leur supériorité surplombante et d’une certaine arrogance, les marques ont décidé qu’elles n’avaient pas droit à l’erreur et que leurs montres étaient si désirables que l’idée même d’en détenir un stock inutilisé était ridicule. D’où les pratiques « clandestines » du nettoyage de ces stocks à prix écrasés, pratique généralisée dans toutes les marques et dans tous les groupes (Swatch Group, Richemont, LVMH, PPR, Bvlgari, Movado, Timex, etc.), sans exception. Pratique cependant niée ou occultée pour ne pas désespérer les détaillants, ni faire douter les amateurs...

• La crise a évidemment pulvérisé ces pudeurs de première communiante, quelques marques ne devant leur survie, aux pires heures de l’effondrement des ventes, qu’à ces déstockages massifs, qui ont fait de l’année 2009 un âge d’or pour Maurice Goldberger. « Déstockages » dont on se souviendra qu’ils n’ont été évoqués que pour stigmatiser... le refus de détaillants de bourrer leurs tiroirs !

• « Quel scandale si les amateurs savaient ! », pensent encore les esprits chagrins à propos de ces pratiques souterraines. Mais les amateurs savent, les détaillants aussi, et tous les prescripteurs d’opinion avec eux ! Et même maintenant les journalistes suisses, comme en témoignent les articles récents du Temps, de Tribune de Genève ou de L’Agéfi (Suisse). Demain, ce sera la presse allemande et, après-demain, la presse parisienne. Tout le monde sait, seules les marques ne savent pas que tout le monde sait et elles continuent à se cacher derrière leur petit doigt !

• Le tabou est levé ! Voici donc le temps d’une nouvelle maturité, qui revient d’abord à ne plus prendre les amateurs pour des crétins : avec Internet, n’importe qui peut se rendre compte que le « marché gris » des montres est plus florissant que jamais et que les marques ont forcément une part de responsabilité – plus ou moins grande – dans la contamination de cette lèpre grise et parallèle...



4)
••• LA PARABOLE DU SUCRE DANS LE CAFÉ

Le tout est désormais de manœuvrer avec intelligence sur le nouveau « second marché » qui est en train de s’organiser. C’est la parabole du sucre dans le café : si on en met une quantité raisonnable, il se dilue et il rend le goût plus agréable ; si on en met trop, il reste cristallisé et ça se voit. Même constat pour les montres du marché secondaire : le tout est de les diluer avec habileté dans le paysage pour que les marchés secondaires ne soient plus considérés comme un « parasitage », mais comme un corollaire inévitable : « Complement, not competition », selon Maurice Goldberger !

• Aucune marque n’est omnisciente, ni omnipotente. Tous les managers ont droit à l’erreur d’appréciation et les réactions des marchés ne sont pas prédictibles à 100 %. Des ajustements sont donc régulièrement nécessaires : à défaut de les comprendre ou de les anticiper correctement, mieux vaut désormais feindre de les diriger...

• Les marques ont donc la tentation d’organiser elles-mêmes ce marché secondaire, notamment en gérant leur propre réseau d’outlets. Louable ambition, mais résultat d’avance médiocre, sinon contre-performant, ce marché réclamant un savoir-faire dont les marques sont dépourvues. Les règles de fonctionnement du déstockage vont à l’encontre de la « culture » dominante pour le retail comme pour le wholesale. Beaucoup de marques n’y arriveront pas sans dégâts majeurs pour leur image...

• L’« organisation Goldberger » relève d’un vrai métier : la mise en adéquation de l’offre réelle et de la demande effective, dans des conditions de mise en scène émotionnelle dignes des efforts de branding consentis par la marque. Sur le marché de la montre comme sur les autres marchés : « Momo The Cleaner » en est le spécialiste, puisqu’il intervient en direct comme co-opérateur sur des sites internationaux d’enchères en ligne, sur des sites de ventes aux particuliers et sur un très surprenant réseau de « montres-cadeaux » pour les oligarques ex-communistes et pour les riches gamblers des casinos où flambent les pétro-dollars euro-asiatiques [le « geste commercial » pour les meilleurs clients s’y effectue en montres compliquées et lourdement tarifiées]...



5)
••• SIMPLICITÉ OU DUPLICITÉ ?

Au choix : discompteurs sauvages ou détaillants ultra-sélectionnés avec un contrôle très strict des allocations ? A l’heure de la consolidation des différents marchés secondaires, les marques ne devraient plus hésiter longtemps : pour s’être trop longtemps pensées d’une essence divine qui les exonéraient de tout faux-pas, elles révèlent tantôt leur duplicité vis-à-vis des amateurs, tantôt leur complicité vis-à-vis des pires parallèlistes. Alors qu’on ne leur demande qu’un peu de simplicité dans une société de plus en plus sensible à l’exigence d’une nouvelle transparence...



6)
••• MAURICE GOLDBERGER EN DIRECT
En direct et en une seule prise, « Momo le nettoyeur » raconte en français les raisons de sa présence à Genève et les principes qui guident son intervention commerciale (exclusivité d'images vidéo prises sur le vif, à découvrir sur la nouvelle chaîne images de Business Montres)...




••• PRÉCISION POUR CEUX QUI N'AURAIENT PAS BIEN COMPRIS : il ne s'agit pas de s'indigner ou de se lamenter sur les déstockages opérés par les marques sur le second marché. Ces nettoyages de stocks sont une réalité économique inévitable, qu'on les considère comme une sanction des erreurs d'un CEO, comme une évolution nécessaire à l'adéquation offre/demande ou comme une punition divine contre les méfaits du capitalisme. Déstocker est un acte managérial ordinaire et nécessaire, parfois même salvateur !
• Le tout est de le faire dans des conditions morales satisfaisantes (vis-à-vis des détaillants et des amateurs), en coupant l'herbe sous le pied des parallélistes patentés qui pourrissent aujourd'hui les marchés et le e-commerce.
• L'idéal serait évidemment d'organiser intelligemment la rareté – cette perceived scarcity chère à Maurice Goldberger, mais n'est pas Jean-Claude Biver qui veut, lui qui a mis en place un système magique de petites cartes de garantie qui permettent de tracer la moindre montre Hublot n'importe où dans le monde...



 



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