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Le lot 385 de la vente Christie’s New York du 16 juin n’est-il pas trop beau pour être vrai ?
Le doute est permis, mais Howard Hugues n'est plus là pour témoigner...
Christie's aurait les preuvesde ce qui est avancé dans la catalogue : la montre sera donc vendue !
1)
••• HOWARD HUGUES AIMAIT-IL LES MONTRES ?
Des questions se posent aux Etats-Unis sur le chronographe Patek Philippe attribuée au fantasque milliardaire Howard Hugues (Business Montres du 6 juin, info n° 5) : a-t-elle jamais été portée par Howard Hugues, alors que les différents témoins de la vie et les biographes du milliardaire affirment qu’il ne portait jamais de montres. « No way : preposterous », disent-ils à propos de cette montre dont il trouvent l'apparition « absurde » ! Howard Hughes en possédait-il seulement ? Là encore, le doute subsiste...
• La légitimité historique de cette Patek Philippe réf. 1463 (lot n° 385 de la vente Christie’s de demain, à New York) a été mise en cause par le blog Perpetuelle dès le 3 juin, avec le témoignage d’un proche d’Howard Hugues à l’appui. D’autres témoignages dubitatifs existent.
• Kyle Stults, l’animateur du blog, constatait le 14 juin que Christie’s n’avait toujours pas répondu « de façon consistante » aux doutes qui s’élèvent à propos de cette montre, ni à ses objections...
2)
••• UN BIEN CURIEUX TÉMOIN DE MORALITÉ...
En fait, toute l’argumentation de Christie’s New York repose sur l’authenticité du « témoignage » de Donald Woolbright, le témoin de moralité de cette montre (aujourd'hui décédé, il n'en est pas le vendeur). Les détails fournis par le catalogue Christie’s sont très romanesques : un messager nocturne, dépêché par Howard Hugues, lui aurait remis cette montre avec un message un peu mystérieux. Un vrai scénario de film policier, mais qui ressemble aux habitudes légèrement paranoïaques d'Howard Hugues...
• Le problème est que Donald Woolbright, unique témoin de ce cadeau, est un drôle de citoyen. Son nom est effectivement mentionné dans les biographies d’Howard Hugues. Dans Citizen Hugues, Michael Drosnin prête à cet ancien vendeur de voitures des antécédents judiciaires longs comme le bras (avec des arrestations allant de l’agression à main armée au port d’armes prohibé). Dans Howard Hugues : His Life and Madness, Donald L. Bartlett & James B. Steele confirment les deux douzaines d’arrestations, en y ajoutant cambriolages et contrefaçons. Lors du déménagement de Donald Woolbright en Californie (1971), selon ces biographes, la police de Saint-Louis (ville dont il était natif) avait prévenu celle de Los Angeles pour lui faire part de ses antécédents comme « escroc et voleur ». Par la suite, Howard Hugues interviendra en personne auprès des autorités américaines pour « blanchir » Donald Woolbright – qui était son exécuteur des basses oeuvres – dans un certain nombre d'affaires sulfureuses...
• Un fait troublant pour quelqu'un qui est réputé n'avoir jamais porté de montres : la mention « From my wrist to yours » dans le message d'Howard Hugues qui présente le cadeau nocturne, mais le personnage Hugues était tellement étrange et lunatique que tout est possible...
• Le plus sage aurait sans doute été de retirer cette montre du catalogue en attendant quelques vérifications plus approfondies. La maison Christie's New York aurait conduit les enquêtes nécessaires et s'affirme donc 100 % sûre de son fait, de l'authenticité de la montre [que personne ne conteste] et de la véracité du cadeau fait à Donald R. Woolbright par Howard Hugues. Aucun document n'a été publié pour certifier cette assurance, mais la montre est maintenue dans le catalogue du 16 juin (image ci-dessus : la page 267 du catalogue, avec Howard Hugues et la montre dont il aurait été le propriétaire-donateur)...
• Tout le monde sait aujourd’hui, sur le marché, qu’une provenance prestigieuse peut ajouter 20 % à l’estimation normale d’une montre, une première apparition sur le marché (« fresh to the market ») ajoutant encore un minimum de 10 % à la cote : deux conditions à + 30 % pour cette réf. 1463, estimée à 150 000-200 000 dollars. On ne peut cependant exclure une « cabale » montée par des concurrents jaloux [suivez mon regard !] ou une « désinformation/manipulation » particulièrement bien montée à des fins encore mystérieuses. L'actuel vendeur de la montre pourrait lui-même avoir été abusé, en toute bonne foi, quand il est devenu propriétaire de cette montre. Reste que le doute subsistera tant que des preuves plus consistantes n'auront pas été présentées pour ce cadeau d'une montre dont on ne sait même pas si elle a effectivement ou non été achetée par ou pour Howard Hugues vers 1950...
3)
••• PATEK PHILLIPE AVEC UNE DOUBLE L
A propos de cette Patek Philippe, dont Business Montres (6 juin, info n° 6) avait signalé la graphie fautive du double L dans « Philippe » : il semblerait que cette boucle ardillon soit une boucle « américaine » – proposée et posée à la place de la boucle genevoise par l’agent américain de Patek Philippe à l’époque, pour d’obscures raisons douanières. Ce qui fait décidément beaucoup de trouble autour de cette montre...
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