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Des Patek Philippe des Panerai et des Rolex comme s’il en pleuvait, mais aussi quelques pépites pour vrais collectionneurs, ainsi que des montres pas ordinaires dans ce catalogue Hong Kong d'Antiquorum...
1)
••• DES PIÈCES QUI « TOURNENT » SUR LES QUATRE GRANDS MARCHÉS...
Au rythme inhabituel de pratiquement un vente par mois « ouvrable » (9 ventes en 2010, à égalité entre Genève, Hong Kong et New York), et toujours avec une moyenne de 400 lots, Antiquorum accélère la cadence de ses dispersions – là où une maison d’enchères généraliste comme Christie’s ne procède guère qu’à quatre grandes ventes annuelles de montres). Les uns diront que l’intense activité d’Antiquorum répond à une demande croissante du marché. Certains évoquent aussi une offre croissante de stocks de montres neuves en provenance des détaillants. Les autres feront valoir des besoins de trésorerie eux aussi croissants pour une maison d’enchères désormais gérée de New York, avec sans doute un regard très business sur le calendrier et sur le cash flow...
• La vente de Hong Kong est intéressante à différents titres. D’une part, la Grande Chine est un marché-clé pour les enchères de montres de collection (neuves ou anciennes) : on observera que l’exposition des 431 lots de ce catalogue hongkongais du 26 juin auront été exposés auparavant à Beijing et à Shanghai. Si personne ne se risque encore aujourd’hui sur des sessions d’enchères en Chine même (40 % de taxe au minimum), ce n’est sans doute que partie remise et les concurrents d’Antiquorum, Patrizzi & Co (qui vient d’y ouvrir des locaux) ou Christie’s, poussent déjà leurs feux pour organiser des dispersions de belles montres à Shanghai...
• D’autre part, par un curieux Yalta historique entre collectionneurs, les amateurs de la Grande Chine ont un profil d’acheteur bien différent de celui des amateurs européens. On sait les Asiatiques friands de montres de poche dont la collection s’étiole en Europe ou gourmands de montres neuves et démonstratives dont les collectionneurs occidentaux se déprennent. Le clivage reste encore net entre Américains, Européens, Proche-Orientaux et Asiatiques, ce qui permet aux auctioneers de faire tourner les pièces d’un marché à l’autre, selon une diagonale New York, Genève, Dubai, Hong Kong et retour – avec la remise en vente ici de ce qui n’avait pas trouvé preneur là : il suffit de vérifier le numéro de certaines Patek Philippe, Rolex ou Audemars Piguet pour constater leur re-présentation au tour de manège suivant...
2)
••• UN LOT 69 À LA GLOIRE DE L’ÉROTISME PRÉSIDENTIEL...
Comme toujours, un raz-de-marée du côté des Patek Philippe (pour certaines montres, voir la remarque ci-dessus à propos des « revenantes ») et des habituelles stars des enchères (signées Rolex, Breguet ou Panerai), mais on voit apparaître dans ce catalogue quelques originalités, en collection ou en déstockage de neuf :
• Un lot de 7 Wyler neuves de stock, voire même serties : ces lots n° 17 à n° 23 nous rappellent à quel point Wyler avait su réussir à se créer une identité forte avant de sombrer sous la fatalité d’une stratégie inadaptée plus que sous les assauts de la crise...
• Autre résurrection post-mortem, un lot de 4 Villemont, toutes aussi neuves de stock et même serties : sur une thématique de titane All Black (diamants compris), ces lots n° 171 à la montre Amundsen n° 174 témoignent là encore d’une disparition prématurée pour une marque qui avait sans doute encore des choses à dire...
• On rangera au chapitre de ces montres ultra-neuves le lot n° 177 qui n’aura guère vécu sa chance en vitrine que quelques mois, puisque ce Tempograph Secondes rétrogrades de Louis Moinet a été présenté au salon de Bâle 2010 : si jeune et déjà sous le marteau !
• Même vie d’une tragique brièveté pour le tourbillon serti Delaloye (lot n° 82, pièce unique n° 1/1 dont le certificat de garantie n’a guère que quelques mois...
• Autre curiosité en liquidation de stock, une montre conceptuelle très pointue : la Secret Hours de Franck Muller (lot n° 155). Une montre qui indique en permanence midi pile, avec ses deux aiguilles sur 12 h. Pour lire l’heure, il suffit de presser la « couronne » à gauche et le mouvement automatique permet aux aiguilles d’indiquer la « vraie » heure. Il s’agit donc d’une « heure à la demande » pour amateur très égoïste qui ne veut qu’une « heure confidentielle » réservée à son seul usage...
• Une montre à la mémoire de Bill Clinton et de Monica Lewinsky, dont on ne s’étonnera pas qu’elle porte le magique numéro 69 (William Rohr, le COO d’Antiquorum, a d’indéniables racines françaises) : il s’agit du modèle Eros n° 138 – « Plaisir présidentiel » pour les initiés – créé par Svend Andersen, avec un automate féminin qui tendrait à prouver que le Monicagate s’est bien déroulée dans le Bureau ovale d’un président qui aimait tant les cigares. Même si l’exécution esthétique de l’ensemble manque de goût (on regrette ici les bergères rosissantes du XVIIIe siècle !), dommage qu’Antiquorum n’ait pas publié l’image de l’écrin phalliquoïde de cette montre érotique...
• Les amateurs de montres érotiques ne manqueront pas non plus le lot n° 357, une répétition minutes agrémenté d’un automatique qui décrit « ce qui se passe dans les environs du monastère »...
3)
••• QUAND LOUIS VUITTON COMMANDAIT CHEZ IWC DES MONTRES QUI NE MARCHAIENT PAS...
Une vraie pépite pour les collectionneurs : la très rare Louis Vuitton Alarme Céramique commandée en 1998 par la marque de luxe à la manufacture IWC. Ce lot n° 218 est une montre à quartz dotée d’un alarme et logée dans un boîtier en céramique de 37 mm (image ci-dessus). Il s’agit d’une véritable friandise pour amateur : la montre n’a eu aucun succès commercial et n’a tenu que quelques semaines en vitrine. Il est vrai qu’elle ne fonctionnait pas de façon satisfaisante, avec un taux de retour qui oscillait entre 95 % et 100 % (selon les modèles, Louis Vuitton ayant passé commande à IWC d’un second modèle en céramique, une Universal Time à dix fonctions). Comme quoi on faisait des montres de luxe en céramique bien avant la Chanel J12...
• Autre petit bonheur pour les amateurs de mécaniques vintage : deux lots (n° 239 et n° 240) de quatre montres chacun, en direct du début des années trente, quand les manufactures cherchaient un système de remontage automatique fiable au poignet. L’ingénieux Léon Hatot ne manquait pas d’idées, mais il ne manquait à son brevet qu’une des composantes essentielles de toute montre moderne : l’étanchéité ! Ce qu’un Hans Wilsdorf (Rolex) avait parfaitement anticipé...
• Encore une Rolex Datejust phases de luxe de la série Marcello Comezzi (horloger italien qui s’était amusé, vers 1997, à personnaliser une série d’Oyster) : ce lot n° 334 est donc une Datejust dont le cadran bicolore (fait de deux cadrans Rolex superposés !) est décoré d’une phases de lune, avec une lunette en céramique bleue. Le boîtier a été épaissi pour y trouver la place du modèle phases de lune et du double cadran. Bizarre, pas forcément harmonieux, mais tellement original avec un certificat de garantie en japonais ! L’estimation (4 000-6 000 euros) est assez défensive pour séduire les amateurs originaux...
• On méditera utilement sur la force d’un design nouvelle génération en comparant deux montres basées sur la même logique d’affichage de l’heure : la Star Wheel automatique d’Audemars Piguet (lot n° 176, de 2001 : estimation 11 000-15 000 euros) et la UR-103 de Urwerk (lot n° 392, de 2009 : estimation 20 000-28 000 euros). Deux lectures de l’heure par disque glissant : le verdict du marteau situera les dispositions des amateurs pour le fameux « retour au classique »...
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