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Du fort et du moins fort, du drôle et du moins drôle, du marquant et du moins marquant : dix informations fraîches du jour, à lire rapidement sur les montres, les marques et ceux qui les font...
En six cents secondes chrono !
1)
••• FRÉDÉRIC GARINAUD POUSSÉ À QUITTER AUDEMARS PIGUET...
On le considérait comme un des « magiciens » de la nouvelle horlogerie et comme une des valeurs sûres d’Audemars Piguet Renaud Papi (APRP), « tête chercheuse » de la manufacture du Brassus qui pourrait bientôt évoluer – la discussion en cours est confirmée par un des membres du board – en Audemars Piguet Research & Project.
• On devait à Frédéric Garinaud les premières applications du carbone dans l’horlogerie (Richard Mille RM 006) et il avait animé des développements comme la RM 009 ultra-légère, la RM 012 en 3D (récompensée par le Grand Prix de Genève) ou la RM 015, ainsi que la RM 018 Hommage à Boucheron...
• Frédéric Garinaud a également beaucoup travaillé sur les complications de la Collection Privée de Cartier (notamment le tourbillon chronographe monopoussoir), avant de mettre en place, au sein d’APRP, l’équipe de CSH (Cellule des spécialités horlogères) qui a développé la fameuse Harry Winston Opus 8 (affichage digital en relief), ainsi que la Jules Audemars 6 Hz d’Audemars Piguet (qui lui doit aussi la Concept Watch carbone). Pour Harry Winston, qui avait confié le mandat de finalisation à APRP, il était également intervenu pour venir à bout des difficultés de l’Opus 3. Et il avait sur son établi quelques-uns des plus beaux « jouets » de ces prochaines années...
• Bref, le « magicien » était tout désigné pour prendre la direction de la création de la maison, à travers la mise en place d’AP Research & Project. Coup fourré ! Après huit ans passés chez Audemars Piguet, Frédéric Garinaud vient de donner sa démission (pas vraiment de son plein gré) – Octavio Garcia reprenant ses fonctions. Celui qui avait pour refrain « La technique au service de l’émotion » se retrouve donc libre de mettre en piste d’autres idées. Libre, mais un peu orphelin certainement, sans son « complice » le génial Giulio Papi. Libre de se lancer, soit pour le compte de marques qui interviennent sur le marché de la haute horlogerie créative, soit pour son propre compte : on imagine qu’il n’a jamais cessé de réfléchir à ses propres développements et qu’il est temps pour lui de relever ses propres défis...
• Alors, Montblanc-Minerva, Greubel Forsey, Richard Mille, Hublot, voire même Louis Vuitton dont son copain Hamdi Chati finalise la manufacture de haute horlogerie, ou un outsider encore plus inattendu au sein de la nouvelle génération ? Les points de chute ne manquent pas pour un « électron libre » aussi habitué à penser out of the box...
••• Sans commentaires...
2)
••• L’IMPRESSIONNANT TOURBILLON RÉGULATEUR TRIPLE AXE DE THOMAS PRESCHER...
Si elle portait sur le cadran une des marques du Top 20 suisse, cette montre deviendrait aussitôt une des « montres de l’année » tellement elle est géniale sur le plan mécanique. Comme Thomas Prescher n’est qu’un « petit » horloger indépendant de la nouvelle génération suisse, l’impact de cette « world premiere » sera forcément plus modeste, et c’est dommage ! L’idée est de combiner un tourbillon triple axe (c’est la spécialité inventée par Thomas Prescher pour la montre-bracelet, mais il en fait là un tourbillon volant) avec un régulateur (image ci-dessus) !
• Dans son déplacement orbital sur 360° (en soixante minutes), le tourbillon volant tourne sur ses trois axes tout en indiquant les minutes. Les heures et les secondes se lisent sur des sous-cadrans plus classiques : c’est de l’art micromécanique absolu (327 composants), voire de la nanomécanique (la plus petite vis ne pèse que 0,0009 gramme : un millième de gramme !), avec un stupéfiant dispositif de force constante à l’intérieur de la cage du tourbillon qui tourne sur le premier axe ! On peut trouver des détails techniques supplémentaire sur la fiche à télécharger, mais on ne peut que saluer le courage d’une micro-manufacture qui prend tous les risques pour explorer des chemins inconnus dans les vertiges de l’infiniment petit et de l’infiniment précis. Dommage que l’esthétique du rendu final ne soit pas à la hauteur des trésors mécaniques logés dans cette montre très portable (37 mm)...
• Pour voir fonctionner ce tourbillon régulateur trois axes, une vidéo rapide (00:42) et une autre, plus longue (03 :03), signalée par Ian Skellern sur Horomundi...
• Voir aussi les images de l’atelier de Thomas Prescher par le toujours excellent Guy Lucas de Peslouan : ça, c’est de l’artisanat horloger !
3)
••• UNE NOUVELLE MARQUE POUR DEUX NOMS D’ANCIENNE MÉMOIRE...
Quand on se place sous le patronage de Berthoud et Pouzait, on donne forcément dans la haute horlogerie : c’est du moins l’idée de la nouvelle marque Berthoud & Pouzait, soit presque 250 ans d’histoire des montres. Berthoud pour Ferdinand Berthoud, un des horlogers (suisses) fondateurs de l’horlogerie moderne, qui a été un des premiers à créer des horlogers de marine. Pouzait pour Jean Moïse Pouzait, qui est un des plus célèbres maîtres-horlogers genevois du XVIIIe siècle, le père de la « seconde morte » et le créateur de l’Ecole d’Horlogerie de Genève. Berthoud & Pouzait se situe dans la logique « Invenit et Fecit » des horlogers traditionnels, avec trois premières propositions : une montre logée dans un boîtier en verre saphir n° 2 « Le Saphir » (automatique, à petite seconde dans le style Berthoud et compteur GMT), une n° 8 « Balthazar » (automatique, GMT, petite seconde) et une n° 9 « Date distinguée » (automatique, petite seconde, réserve de marche) dont on lit la date de façon « distinguée – c’est-à-dire dans une « fenêtre » ouverte sur les flancs du boîtier, à gauche de la couronne... Original !
4)
••• ENCORE UNE NOUVELLE MARQUE, VENUE CETTE FOIS DE L’ALABAMA
La signature de la marque – « Stølås, Draconian Timekeepers » – est en soi très originale et très amusante. Le design des montres n’amuse pas beaucoup Ulysse Nardin, qui ne l’a pas trouvé très original : les index, les aiguilles, les index, la couronne et la lunette de la montre Harbormaster Genoa ressembleraient un peu trop à ceux de la Maxi Marine Diver... Chacun jugera, mais Stølås – pas d’explication pour la graphie scandinave du « ø » et du « å », surtout une marque de Big Cove, dans l’Alabama (Etats-Unis) – semble vouloir surfer sur le terrain des montres sportives à usage nautique intensif (plongée, voile, etc.). Le noms des modèles (Génois, Spinnaker, Gennaker) situent bien les ambitions du fondateur, Curtis Stolass (prix entre 680 et 1 200 dollars, avec une distribution très orientée Internet)...
5)
••• ACSPPI : UN NOUVEAU CONCEPT LINGUISTIQUE SOUFFLÉ PAR UN PATRON DE MARQUE...
Comme il en avait assez des « communiqués ACSPPI », qu’il estime de plus en plus contre-performants et ridicules, il a fait diffuser dans son service de communication un sketch de l’humoriste français Elie Kakou. Pourquoi Kakou et pourquoi ACSPPI ? « Admirez-le-comble-du-sublime-poussé-au-paroxysme-de-l’intemporel » : le passage est à la minute 03:00 du fameux sketch « Défilé japonais » de l'humoriste. Combien de communiqués intégralement rédigés (au premier degré) en langue ACSPPI ? Du même Elie Kakou, un hommage assez réaliste aux attachées de presse...
6)
••• LE RACHAT DES BREVETS DE L’EX-MANUFACTURE BNB...
Quatre brevets (déjà déposés) sont aujourd’hui proposés par l’Office des faillites de Nyon, qui gère le dossier BNB : une seule offre pour l’instant, celle de Jean-Claude Biver (Hublot), qui en a proposé 120 000 francs suisses de gré à gré, mais on peut surenchérir d’au moins 2 000 francs si on est soi-même créancier de BNB. Sinon, ces brevets seront vendus aux enchères publiques. Pour l’anecdote, ces brevets datent de l’époque BNB-1, et ils ont été déposés conjointement par Mathias Buttet (B), Michel Navas (N) et Enrico Barbasini (B), les trois associés qui s’étaient séparés deux ans avant la faillite...
• Ces brevets portent sur le fameux « trust index BNB » (« indication de la fiabilité de la chronométrie »), sur l’« indication de la seconde par un tourbillon ou un carrousel » (également un classique des calibres BNB), sur le mécanisme de régulation entre deux tourbillons séquentiels (dispositif adopté sur le célèbre double tourbillon jour/nuit sans aiguilles de RJ-Romain Jerome) et sur un module de base pour un tourbillon visible latéralement assorti de rouages verticaux (utilisé sur la Quenttin de Jacob & Co, dans un esprit très voisin – certains diront carrément... inspiré – de la construction de la Cabestan). Il est piquant de voir Jean-Claude Biver s’intéresser à ces piliers du mythe BNB...
7)
••• LES MARQUES GRÂCE AUXQUELLES ON SE SENT MIEUX...
« Certaines marques ont une “personnalité“ grâce à laquelle les gens vont se sentir mieux » : c’est le résultat inattendu d’une étude de Deborah Roedder John et Ji Kyung Park, deux chercheurs de l’université du Minnesota, qui la publient dans le Journal of Consumer Research (« Got to Get You Into My Life : Do Brand Personnalities Rub Off on Consumers ? »... Et ça marche même si on « porte » pas cette marque très longtemps. Quand les valeurs affichées par la marque sont clairement perçues, elles permettent aux amateurs de positiver. Confirmation scientifique, donc, de ce que tout le monde sait dans l’industrie horlogère depuis près d’une siècle : on se sent un autre homme ou une autre femme avec une belle montre !
8)
••• LE DÉTOUR PARISIEN DE « MOMO LE NETTOYEUR »...
Rien ne résiste à « Momo The Cleaner » (Business Montres du 1er juin ; voir aussi la vidéo en français) et Maurice Goldberger déstocke aussi bien les montres que les bijoux. Il était récemment à Paris « pour affaires », où sa présence a interpellé quelques journalistes, comme Marie-Dominique Sassin qui a fait un édito pour son blog Paris Joaillerie. On parle des horlogers-joailliers européens et des quantités de bijoux « qu'ils ne peuvent ni refondre ni conserver et dont ils vont devoir se débarrasser d'une manière ou d'une autre ». Réponse de Maurice Goldberger : « Je rachète en bloc ces bijoux neufs -qui portent leur poinçon- aux marques à très bas prix et je me charge de les écouler en toute transparence auprès de spécialistes du second marché qui vont ensuite les proposer aux consommateurs entre 40 et 50 % de leur valeur initiale ».
• Problème d'attribution évoqué par la journaliste : « Interrogés, Cartier, Van Cleef & Arpels, Dior Joaillerie, Chaumet, Fred, Chopard ont par le biais de leur responsable de communication répondu ne pas connaître M. Goldberger. Boucheron a précisé connaître son nom mais n'avoir jamais travaillé avec lui. La maison Mauboussin quant à elle n'a rien voulu répondre, pas plus que Pomellato et le créateur Jean-Marc Garel qui vient de revendre son nom à une société chinoise (Elsa Diffusion) ». Momo The Cleaner, pas Momo The Sneaker...
9 x 5)
••• LES LEÇONS (MÉDIATIQUES) DU WATERLOO FRANÇAIS EN AFRIQUE DU SUD...
Inutile de verser dans les commentaires sportifs : chacun des 65 millions de Français y va du sien. Les implications médiatiques de ce qui s’est passé pendant le Mondial sont plus intéressantes. On peut en tirer cinq leçons principales :
••• Plus aucune cloison étanche n’est possible dans notre « société de transparence » : même ce qui se dit dans les vestiaires se retrouve dans la presse, y compris en langage ordurier à la Une de L’Equipe...
••• L’autisme n’est jamais une bonne réponse. La politique de l’autruche est même la pire des réponses pour une communication de crise : aujourd’hui, plus on s’explique – sur tous les canaux – et plus on a une chance de se faire entendre. Et comprendre...
••• L’instantanéité des réseaux sociaux rend vaine toute parade classique. Les médias classiques (print) n’ont cessé d’être à la traîne d’Internet, qui n’a fait que suivre les médias sociaux : la fuite sur les injures dans les vestiaires est d’abord passée par Twitter et par Facebook avant d’arriver en première page de L’Equipe.
••• Les ambassadeurs sont plus délicats à manier que la nitroglycérine. Plus personne en France (et sans doute demain en Europe) n’a envie d’être l’ami d’un Franck Ribéry ou d’un Thierry Henry : question d’éthique élémentaire. Et encore moins de l'imiter : leurs sponsors ont vite levé le pied ! La distorsion entre l’image idéale et les valeurs de vie est explosive : là encore, l’autisme s’avère désastreux, quand un minimum d’empathie ou d’ouverture au monde aurait pu tout arranger. On imagine l’impact désastreux si une marque (de montre) avait lié son image à un des Bleus...
••• Les questions d’argent deviennent radioactives : elles contaminent tout ce qui les entoure. Les montres sont là encore au cœur du cyclone, dans la mesure où elles concentrent l’attention sur un maximum de valeur sous un minimum de volume. Tout devient une affaire de relation entre perception (ce qui est compris) et situation (ce qui est émis). Ni Ribéry, ni Henry ne sont les joueurs les plus payés du monde, mais ils sont considérés comme l’étant trop dès qu’ils ne « font pas le boulot ». Ce n’est pas le prix objectif de la montre (le nombre de zéros sur l’étiquette) qui est choquant, mais sa fonction subjective (la manière dont elle est portée, pourquoi et par qui). On n’échappe plus au radar critique des consommateurs experts et ultra-exigeants...
10 x 5)
••• QUELQUES INFORMATIONS EN VRAC, ET SANS TROP DÉVELOPPER...
••• La démonstration d’une couronne à limitation de couple (innovation peut-être révolutionnaire par sa complexité nanomécanique) : présentation vidéo de la démonstration sur écran tactile réalisée à l’EPHJ par RTC (Nicolas Ruchonnet) sur le stand de Pibor...
••• 7,9 % de chute des effectifs de l’industrie horlogère (selon les statistiques patronales) : soit un retour aux chiffres de 2007. La résilience des entreprises horlogères se révèle miraculeuse compte tenu de l’impact de la crise. 27 % de ces emplois sont concentrés dans le canton de Neuchâtel, contre 20 % pour le canton de Berne et 17 % pour Genève...
••• Lewis Hamilton dénoncé en Suisse pour sa conduite présumée... irresponsable ! Pas sur les circuits de F1, mais sur les petites routes du canton de Vaud, où il habite. On ne pardonne plus rien aux célébrités (source : Tribune de Genève)...
••• Volkswagen qui renonce aux médias classiques et qui mise tout sur Facebook pour lancer sa nouvelle Polo GTI : cet abandon de la publicité classique est un tournant décisif dans l’histoire de la communication. Il s’agit de tout miser sur le viral et la vidéo (campagne Fast Lane) à travers une nouvelle idée de la vitesse...
••• Lendemains qui déchantent pour les petits faiseurs du luxe : en redressement judiciaire après trois ans d’errance, le site First Luxe est racheté par des investisseurs (French Luxury Group), dont on espère qu’ils auront compris quelque chose à la « révolution des contenus » de l'Internet 2.0. Pour la partie consacrée aux montres, entre les offres de montres déstockées par leur importateur et la publication en karaoké des communiqués dithyrambiques émis par les marques, on était très très loin de « l’avenue Montaigne du luxe sur le net » promise aux annonceurs par First Luxe...
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