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Richement émaillées et aux couleurs vives, ces montres se démarquent des modèles Breguet traditionnels à l’affichage néo-classique.
Les relations entre Abraham-Louis Breguet et l’Empire ottoman remontent au début du 19ème siècle, alors que les principaux marchés du génial horloger (Angleterre, Espagne et Russie) sont fermés du fait des guerres menées par Napoléon.
Le premier atout de Breguet est sa bonne connaissance de la Turquie, plus particulièrement son amitié avec l’ambassadeur ottoman à Paris Esseid Ali Effendi. Ce dernier, client de Breguet à partir de 1798, lui achète une répétition-minute en 1799 ainsi qu’une pendule en 1801. Après son retour en Turquie en 1802, les deux hommes entretiennent une correspondance régulière, au cours de laquelle Esseid Ali Effendi commande de nombreuses montres, des plus compliquées aux plus simples, ainsi que des thermomètres et des baromètres.
Ali Effendi, dans ses lettres, explique précisément à Breguet quelles caractéristiques esthétiques requièrent ces pièces pour plaire dans son pays. Elles doivent avoir un cadran d’émail blanc, ainsi qu’une boîte et une double boîte émaillées, de couleur vive, par exemple rouge, et richement décorées. De plus, Ali Effendi précise, en 1803, que dorénavant toutes les montres qu’il commandera à Breguet devront avoir des cadrans à chiffres turcs et non arabes ou romains. Breguet crée donc de nouvelles pièces intégrant ces caractéristiques esthétiques, très différentes du style néo-classique qu’il a introduit avec tant de succès dans l’horlogerie.
Le deuxième atout de Breguet est le choix qu’il fait d’envoyer en Turquie un horloger de confiance pour le représenter sur place. A ce dernier, la maison-mère fait parvenir en moyenne six à huit pièces de grande valeur par année jusqu’en 1820; ces pièces sont émaillées à Genève. Les ateliers suisses spécialisés dans les montres émaillées et familiarisés avec les décors ottomans permettent à Breguet de répondre aux besoins de la Turquie. A la même époque, le gouvernement français cherche à faire un cadeau au nouveau sultan Mahmud II: ce sera une pièce Breguet. En 1813, le nouveau souverain reçoit donc une extraordinaire pendule sympathique, d’une valeur de 35’000 francs. Le sultan en est tellement ravi qu’il confie au représentant de Breguet l’entretien de toutes les pièces d’horlogerie de son palais.
Aujourd’hui, le Musée de Topkapi détient plusieurs des plus belles oeuvres de Breguet réalisées spécialement pour la Turquie, parmi lesquelles la fabuleuse pendule sympathique de Mahmud II , probablement l’un des objets les plus richement décorés jamais fabriqués par Breguet. Les Musées Breguet possèdent également de magnifiques pièces de style ottoman, acquises dans des grandes ventes aux enchères par Nicolas G. Hayek en personne. Force est de constater que ces pièces symbolisent une rencontre culturelle fructueuse entre la technologie horlogère d’avant-garde de Breguet et le goût décoratif si riche et évocateur de l’Empire ottoman.
Réunies pour la première fois, ces quinze pièces exceptionnelles constituent une exposition remarquable à admirer au Musée de Topkapi à Istanbul jusqu’au 31 août prochain. |