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Suite au décès de Nicolas Hayek (voir communiqué de Swatch Group)
Réactions:
Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération horlogère
«Un visionnaire»
Contacté hier soir, Jean-Daniel Pasche a loué plusieurs qualités de Nicolas Hayek. «C’était un visionnaire, un homme actif, rapide dans l’analyse.» Au point que lorsqu’il abordait un problème, «il trouvait toujours une solution». Pour le président de la Fédération horlogère, l’homme fort de Swatch avait toujours un coup d’avance, il était tourné vers l’avenir. «Le côtoyer a été un enrichissement», dit-il.
Hans Stöckli, maire de Bienne
«Il y a quelques années, j’aurais été inquiet. Aujourd’hui, je suis triste»
«Sous le choc» hier soir, le maire de la ville où siège Swatch associe le nom de Hayek au «renouveau industriel de Bienne». Pour lui, bien plus qu’un patron, c’était «un entrepreneur, s’inquiétant de la ville dans laquelle il était établi et qui nous a aidés lors des périodes difficiles». Un patron «social», qui, «durant la crise, a décidé de ne pas licencier». Hans Stöckli rappelle que lorsqu’il a commencé à développer Swatch, Bienne était «marquée par un chômage élevé et grevée par des problèmes financiers». Ce dernier ne se dit pas inquiet de l’avenir du groupe, «Nicolas Hayek ayant réussi à passer le relais à ses enfants à la tête d’une entreprise forte». Inquiet, il «l’aurait été il y a quelques années; aujourd’hui, je suis simplement triste». Nicolas Hayek est «décédé dans son bureau, à Bienne, et ceci symbolise mieux que tout la relation qu’il avait avec cette ville», rappelle le maire.
Jean-Claude Biver, directeur de Hublot
«Une mort sur scène»
Nicolas Hayek dominait son métier d’entrepreneur: la finance, bien sûr, mais aussi «le versant industriel», sans compter ses «talents commerciaux» et sa «diplomatie». L’ancien membre de la direction générale de Swatch se rappelle avec émotion un voyage à Munich il y a dix ans. «Il m’appelle et me dit: rendez-vous à 5h du matin sur le parking de Kloten, vous viendrez avec moi en voiture.» Et le responsable de Swatch (et milliardaire) de conduire à l’aller, comme au retour. «Durant le trajet, il me tend un sac plastique avec deux pommes et des biscuits Kägi-fret, en me disant: j’espère que cela vous ira.» Sur un ton plus grave, Jean-Claude Biver estime qu’«il est faux de dire que l’industrie horlogère est orpheline».
Selon lui, le succès d’un entrepreneur se juge à l’aune de sa capacité «à prévoir sa transmission». Et Nicolas Hayek a su, à ses yeux, «mettre en place les structures et les hommes» permettant à son succès de «se perpétuer». Une transmission préparée, dont «il lui parlait souvent».
François Jequier, professeur honoraire d’histoire à l’Université de Lausanne
Une certaine «furia du personnage»
«L’horlogerie suisse et la Suisse en général ont eu de la chance qu’un tel homme arrive à un moment de délabrement extrême.» C’était le «right man, at the right place, at the right moment»; qui a su «restructurer cette industrie et créer un conglomérat désormais le plus important au monde», rappelle François Jequier. Pour lui, Nicolas Hayek a tout changé. C’était une personnalité extraordinaire, avec «un seul bémol, sa tendance à réécrire l’histoire en affirmant qu’il a inventé la montre Swatch». Mais «c’était un créateur, qui avait des qualités qui manquent à la Suisse, souvent trop neutre, trop négociatrice, pas assez agressive». Il note également son «ego surdimensionné, mais nécessaire, pour accomplir ce qu’il a accompli». Nicolas Hayek était «un vrai patron, capable de décider et d’assumer ses choix, de prendre des risques, quitte à vivre des échecs». François Jequier souligne également la «furia du personnage, son enthousiasme. Si nous avons une horlogerie de qualité, c’est grâce à lui surtout.»
Pierre Dubois, ancien conseiller d’Etat à Neuchâtel Des «discussions homériques»
«Nicolas Hayek a largement contribué au sauvetage de l’industrie horlogère neuchâteloise. J’ai fait sa connaissance lorsqu’il a repris l’Asuag. Je ne dirais pas que c’était un ami mais c’est une personne que j’ai beaucoup admirée et qui savait tenir parole.» L’ancien conseiller d’Etat s’est réjoui lorsqu’il a été nommé docteur honoris causa de l’Université de Neuchâtel et a «toujours pensé qu’il faudrait lui dédier une rue, à La Chaux-de-Fonds par exemple». De Nicolas Hayek, l’ancien élu retient «l’optimiste, la confiance et la bonne humeur, malgré quelques discussions homériques», notamment lorsque «nous avions eu des contacts avec Samsung pour une implantation, ce qui l’avait fait bondir».
Pierre-Alexandre Sallier
Le Temps |