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Ces créateurs ont le talent, l’insolence et le goût de la transgression : dandies de l'heure, ils se placent dans la tradition des Muscadins et des Hussards d’hier bref de tous ceux qui dérangent.
Figures d’une nouvelle horlogerie buissonnière, néo-classiques ou dissidents, ce sont les nouveaux aristocrates de la montre...
••• L’EXCELLENCE DE PLAIRE, L’INSOLENCE DE DÉPLAIRE
Baudelaire parlait du « plaisir aristocratique de déplaire ». Aristocratique au sens grec du meilleur ou du plus brave. Les « nouveaux aristocrates » de la montre pratiquent avec ferveur cette insolence qui fait grincer des dents, cet irrespect volontaire et assumé des convenances et ce refus espiègle de traverser dans les clous...
• Pour pouvoir plaire, il faut savoir déplaire : ils cultivent ce privilège avec délectation, chacun dans un style très personnel qui prouve que l’aristocratie du talent n’a que faire de la noblesse du sang ou des mérites de l’éducation. Parce que c’était trop évident, on a volontairement exclu de cette liste les particules qui auraient pu (dû) s’y trouver et qui n’en relèvent pas moins de la nouvelle aristocratie horlogère, comme Jerôme De Witt (DeWitt) ou Stanislas de Quercize (Van Cleef & Arpels), qui ont largement prouvé leurs talents de dissidents...
• Par ordre alphabétique, une sélection subjective et assumée en toute indépendance des « nouveaux aristocrates » d’une horlogerie buissonnière qui explore de nouveaux horizons pour le XXIe siècle.
••• Image ci-dessus : Beach # 159, de l'artiste hyperréaliste new-yorkais Hilo Chen (détail)...
1)
••• YVAN ARPA (Artya, Volna, Black Belt)
Avec sa gouaille faubourienne et son éthique durcie sur les tatamis, sans parler de son « mauvais goût » (génial quand il est à ce point assumé), Yvan Arpa est le Gavroche libertaire des « nouveaux aristocrates ». Provocateur par instinct et habile communicateur par réflexe, il crée comme il respire : après les « légendes » titanesques et lunaires de Romain Jerome, il s’est mis à son compte pour torturer les montres à l’électricité (Artya), lancer une série limitée vraiment aristocratique (Black Belt, montres réservées aux ceintures noires d’arts martiaux) ou restyler dans une veine post-atomique les nouvelles Volna. On peut parier que son sac à malices nous réserve d’autres surprises dans les mois qui viennent : attachez vos ceintures pour le grand frisson !
2)
••• MAX BUSSER (MB&F)
Aristocrate dans l’âme, le « petit prince » de la nouvelle génération a osé avec son HM n° 4 un concept de rupture dont il rêvait depuis trois ans, ce qui prouve qu’il peut aujourd’hui à peu près tout se permettre, y compris un mouvement manufacture pour un de ces ovnis que les « experts » affirment condamnés ! Réduisant les quantités au plus juste pour maintenir cette rareté que recherchent les connaisseurs, pratiquant avec délectation le dîner collectionneurs et surfant avec allégresse sur un buzz mondial exemplaire, il sait déplaire aux conformistes pour finir par toucher les vrais amateurs : attention, derrière son sourire de wonder boy, il a les dents d’un carnassier !
3)
••• JEAN-FRÉDÉRIC DUFOUR (Zenith)
Alors qu’il a choisi de repositionner sa marque aux lisières du luxe accessible, il prouve son sens de la manœuvre en réinventant le chronomètre de marine-bracelet (sa nouvelle Christophe Colomb) tout en prenant une longueur d’avance dans la course à l’ultra-précision chronométrique au dixième de seconde. Plus impertinent que cette vision subversivement néo-classique, tu meurs ! Il tient à la fois du gendre idéal et du chenapan bien élevé, ce qui rend ses moqueries implicites encore plus percutantes. Si plaire est ici son bon plaisir, déplaire aux imbéciles est sans doute son jardin secret : bon sang aristocratique ne saurait mentir
4)
••• FAWAZ GRUOSI (De Grisogono)
Faux mondain, mais vrai esthète, trop amoureux des femmes pour ne pas leur offrir des montres sublimes, et trop amoureux des montres pour ne pas imaginer de nouveaux « jouets de garçon », Fawaz Gruosi affiche une nonchalance aristocratique qu’il compense, en vrai surdoué, par une hyper-créativité qui en ferait le directeur artistique idéal de n’importe quel grand groupe horloger s’il n’avait pas le virus de l’indépendance et le goût de la liberté chevillés à ses neurones. On lui devine l’audace d’un condottiere alliée à la subtilité jouisseuse d’un pacha ottoman, mais il subordonne tout à sa passion horlogère et joaillière, qui lui a fait décider une fois pour toutes de devancer les tendances pour ne pas s'humilier à les suivre...
5)
••• RICHARD MILLE (Richard Mille)
Tête de file et père spirituel des nouveaux bad boys de la montre, Richard Mille a été le levain (au moins marketing, mais souvent conceptuel) d’une nouvelle génération de marques et de créateurs. Dix ans d’un parcours sans faute ne lui ont pas fait perdre le goût de la transgression, ni le sens de la provocation : il est capable de tout, mais surtout du meilleur, comme de faire descendre un tourbillon sur le Central de Roland-Garros ou de repenser en érotique chic/choc l’art de la communication horlogère – sans parler du pied-de-nez absolu qui consiste à marquer le prix en centaines de milliers d’euros. Humour personnel, pertinence mécanique, substance esthétique et consistance marketing : une équation gagnante pour s’installer au sommet de la pyramide, tutoyer les marques centenaires, s’incruster au SIHH et toujours prendre la vie horlogère du bon côté !
À SUIVRE, DEMAIN :
••• « Les 10 “nouveaux aristocrates“ de la montre » (deuxième partie), avec les cinq suivants et les dix « cadets » de cette première liste...
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