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Les 10 raisons qui feront entrer Nicolas Hayek dans l’histoire de l’horlogerie (seconde partie)
 
Le 16-08-2010
de Business Montres & Joaillerie

Nicolas Hayek sera le grand absent de la rentrée 2010, mais l’industrie horlogère ne pourra pas oublier la façon dont il a pu la reformater à sa mesure, au cours de ces trente dernières années.

Pourquoi va-t-il passer à la postérité ?


••• Image ci-contre : Beach 165, de l'artiste hyperréaliste new-yorkais Hilo Chen (détail)...

6)
••• IL A DÉVELOPPÉ UNE VISION STRATÉGIQUE GLOBALE DE L’INDUSTRIE HORLOGÈRE...
...alors que la branche ne s’était jusque-là pensée qu’en ordre dispersé et sans logique de croissance collective : avec les outils à bout de souffle que les banques lui imposaient (pour se défaire de dettes de plus en plus criantes), Nicolas Hayek a forgé, puis consolidé un instrument de combat capable de répondre au défi asiatique sur un terrain où personne n’attendait les montres suisses. C’est de la solidité de ses usines que Nicolas Hayek a tiré la (future) force de son empire horloger : sans les copeaux, pas de rêve possible ! Il avait été le premier à comprendre qu’il n’y avait pas de fatalité industrielle, mais seulement de la paresse intellectuelle pour (re)penser l’avenir de l’horlogerie suisse. Il suffisait d’oser et de voir loin, quand ceux qui n’avaient pas compris à quel point l’électronique bon marché Made in Asia changeait les règles du marché se contentaient de vouloir sauver leur peau. Une fois la tempête calmée, il serait toujours temps de rapatrier en Suisse des capacités de production délocalisées dans une logique de survie. Là encore, c’est quand on regarde loin qu’on réalise à quel point la relocalisation en Suisse (investissements productifs à l’appui) est désormais un nouvel impératif de survie : Nicolas Hayek l’avait compris et il aura voulu, une fois de plus, forcer la main du destin – et de ses concurrents, en leur annonçant qu’il ne les livrerait plus...


7)
••• IL A PERMIS AUX GRANDES MARQUES SUISSES DE SURVIVRE...
...non seulement en les rachetant (pour certaines), mais aussi en sauvegardant le tissu des fournisseurs qui assurent l’approvisionnements de toutes les marques en composants stratégiques. Sans Nicolas Hayek, il n’y aurait plus en Suisse de fabricants de boîtiers, de cadrans ou de bracelets, sans parler des spiraux ou des balanciers. Avec le recul, on découvre que des puissances comme Seiko, Casio ou Citizen, triomphantes hier par leur pratique du keiretsu (conglomérat d’entreprises), sont aujourd’hui handicapées face à la mobilité et à la souplesse d’un dispositif industriel multi-marques et multi-entreprises, travaillé dans une logique de sous-traitance du meilleur aux meilleurs. L’originalité de la vision de Nicolas Hayek aura été de reconstruire par le bas sa pyramide des marques : il n’a redynamisé Omega que parce qu’il avait créé Swatch et il n’a sauvé Breguet de la débâcle que grâce aux profits de Tissot ou d’Omega. Cette praxis pyramidale a profité ensuite aux marques extérieures au groupe, en entrée de gamme comme dans le grand luxe : voir Patek Philippe et Rolex s’associer au Swatch Group pour développer une filière d’échappements au silicium était une forme de revanche historique savourée discrètement par Nicolas Hayek. Sans ces marques, qui portent le drapeau de la tradition horlogère helvétique à travers le monde, qui aimerait encore les montres suisses ? L’exemple français montre que, sans le couple assise industrielle-marques fortes, une industrie nationale peut décliner jusqu’à la quasi-extinction...


8)
••• IL A BÂTI UN RÉSEAU COMMERCIAL INTERNATIONAL DE RÉFÉRENCE...
...pour ses marques, mais c’est toute l’industrie horlogère suisse qui en a profité. En ajoutant le pilier commercial au pilier industriel (les usines de composants) et au pilier marketing (les marques fortes), Nicolas Hayek a permis aux montres suisses de réussir leur globalisation, sur le créneau du luxe comme sur celui des montres abordables : s’il ne représente pas encore une valeur significative dans les comptes du Swatch Group, l’outil commercial aujourd’hui en gestation devrait rapidement prémunir les marques contre les aléas de conjoncture. Cette réflexion sur la distribution – en cours de reconsolidation globale autour d’un réseau de boutiques en nom propre pour toutes les marques – aura été le dernier volet du grand tryptique stratégique imaginé par Nicolas Hayek dans les années quatre-vingt : fondamentalement rebelle à toute sujétion et indépendant par nature, il savait que la « maîtrise des tuyaux » est aussi essentielle que la « maîtrise des produits » qu’on diffuse grâce à ces tuyaux...


9)
••• IL ÉTAIT LE DERNIER ENTREPRENEUR D’UNE INDUSTRIE PEUPLÉE DE MANAGERS...
...où sa liberté de parole et son indépendance de (re)créateur finissaient par détonner ! Au moment de refonder l’industrie horlogère suisse, il avait engagé sa propre fortune sur la pertinence de sa vision : geste inouï dont on n’a pas retrouvé d’équivalent depuis, sinon chez des jeunes créateurs qui n’ont cependant pas atteint l’échelle industrielle de Nicolas Hayek. C’est en entrepreneur individuel qu’il a par la suite bâti son empire – mi-volontairement, mi-involontairement (à la demande des banques) – et c’est en décideur souverain qu’il a conduit les affaires de son groupe – ce qui énervait beaucoup des analystes bancaires qu’il accablait de sarcasmes. Indépendant financièrement, on peut même considérer qu’il a mis longtemps à réagir à l’exploitation du potentiel industriel de son groupe par ses concurrents directs : sa décision de cesser les livraisons aux marques tierces était on ne peut plus logique, mais c’est sans doute sa sentimentalité d’entrepreneur qui a retardé cette orientation stratégique, que n’importe quel autre manager aurait accélérée. Faute de contre-pouvoirs au sein de son état-major [où ne survivaient plus que les yes men d’une vieille garde confite en dévotion pour sa personne], il avait évidemment les grands défauts de ses immenses qualités : le commandeur avait ses faiblesses (voir ci-dessous quelques « fêlures »)...


10)
••• IL A LUI-MÊME TOUT FAIT POUR CONSOLIDER SA PROPRE STATUE...
...et défier la mémoire des hommes : entre le Hayek Building de Tokyo et les Ecoles d’horlogerie Nicolas-Hayek, la trace historique sera pérenne ! Il a été question d’une musée Nicolas-Hayek à Glashütte, en Saxe allemande, mais ce n’est sans doute que partie remise. Il mériterait bien d’autres espaces à sa mémoire, non seulement dans les lieux où il a sauvé et recréé des dizaines de milliers d’emplois, mais aussi dans le monde entier. Les musées d’horlogerie lui doivent bien quelques salles, sinon des esplanades. Son nom est déjà déposé comme marque de montres [dans une logique qu’on nous dit défensive, « pour le protéger des malfaisants »] et il devrait avoir une place à sa mémoire sur les plans de la ville de Bienne.
••• D’ailleurs, pourquoi seulement Bienne et pourquoi pas une autre place à La Chaux-de-Fonds, à Grenchen, au Locle, à Bâle ou à Genève ? Pourquoi pas à Paris, à Beyrouth, à Shanghai ou à New York ? L’aura de Nicolas Hayek dépassait largement le strict cadre biennois et il aura sans doute été plus respecté à travers le monde qu’en Suisse...



••• MAIS LA STATUE DU COMMANDEUR A SES FÊLURES SECRÈTES...
...comme toute œuvre humaine : Nicolas Hayek n’avait pas forcément tout compris et il existerait au moins cinq bonnes raisons pour minorer son apport [malgré tout fondamental et décisif] ) l’histoire de l’industrie horlogère (on retrouvera ces éléments dans le « 10 x 10 de l’été 2010 » consacré aux « 10 questions provisoirement sans réponse sur l’avenir du Swatch Group » :
••• 1) Sa faiblesse « culturelle » dans le haut de gamme : une imparable vision industrielle n’induit pas de facto une stratégie gagnante pour les montres et les marques de « haute horlogerie », secteur où Nicolas Hayek et le Swatch Group n’ont jamais fait la preuve d’un succès incontestable...
••• 2) Ses timidités en croissance externe : à force de vouloir ne faire que des « bonnes affaires » et en refusant de payer plus qu’il ne les estimait, Nicolas Hayek a manqué le rachat de certaines marques qui auraient pu s’avérer stratégiques pour son groupe (notamment le bloc Jaeger-LeCoultre, IWC et A. Lange & Söhne, passé chez Richemont, mais on pourrait en citer d’autres)...
••• 3) Sa morale de « survivant » de la révolution du quartz : un logiciel défensif – facteur de survie en période de crise – ne prépare pas nécessairement à intégrer les données d’une nouvelle révolution sociétale (notamment les mutations d’après-crise nées d’Internet). Dans la fin de son parcours, Nicolas Hayek était devenu trop méfiant vis-à-vis des hommes (sur lesquels il n’avait plus d’illusions) autant que des évolutions d’un marché qu’il « cadrait » moins bien...
••• 4) Sa pratique de l’autocratie managériale : dans un groupe monocéphale, il était inévitable de couper les têtes qui tentaient de dépasser. Cette panne de l’ascenseur des talents est, en interne, un facteur structurel de stérilisation et de faiblesse pour assurer le renouvellement des élites, et donc la pérennité du management. Cette pratique – souvent inconsciente – de l’infantilisation paternaliste se retrouvait d’ailleurs souvent dans ses relations avec ses concurrents...
••• 5) Sa volonté d’endogamie successorale : humaine, trop humaine, cette transmission purement familiale des rênes de l’empire peut se révéler dangereuse, mais une bonne surprise n’est pas à exclure, les lois de la régression à la moyenne (relire Pareto) n’étant que statistiques, et non systématiques...

 



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