|
Fin de la série sur l’art de plomber un débat en évoquant un de ces inépuisables « serpents de mer » du fond de l’air horloger.
Après l’histoire et la technique, quelques sujets brûlants de l’actualité...
•••Image ci-contre : Beach 126, de l'artiste hyperréaliste new-yorkais Hilo Chen (détail)...
Actualité, 1)
••• LES STATISTIQUES HORLOGÈRES VEULENT-ELLES DIRE QUELQUE CHOSE ?
Il ne suffit pas d’y croire pour que ça marche : mises en place au temps des barrières douanières d’avant la mondialisation, les statistiques d’exportation horlogères sont devenues proprement insignifiantes (c’est-à-dire « dépourvues de sens ») et d’autant moins pertinentes qu’elles correspondent à un état dépassé de la distribution horlogère [ah, l’heureux temps des agents et des distributeurs, avant les filiales et les boutiques monomarques !]. Vaguement indicatrices d’un possible sell-in, mais sans tenir compte de multiples exportations fictives (cosmétique comptable grâce aux Ports-francs de Genève), elles ne reflètent en rien la situation réelle des ventes sur les marchés, d’où les effets coup de fouet désastreux qui ont aggravé la crise, alors que des statistiques crédibles auraient dû permettre d’anticiper l’impact du reflux économique international...
••• Alors ? Sympathique, mais dépassé (sinon, légèrement méprisé), l’appareil statistique horloger devrait être refondu pour gagner en crédibilité et en fiabilité stratégique : mais que fait la FH ?
Actualité, 2)
••• QUEL EST L’INDICE D’HONNÊTETÉ DES ENCHÈRES HORLOGÈRES ?
Cette fois, il suffit d’y croire, mais qui est assez naïf pour imaginer que tous les records enregistrés sous le marteau sont d’une inoxydable intégrité éthique et que les montants annoncés sont le seul fruit d’une vertueuse passion chez les amateurs ? Ceci avec toutes les exceptions qui ne font que confirmer la règle générale d’une manipulation librement consentie par les marques, les collectionneurs et les auctioneers eux-mêmes. Après, c’et une question de virtuosité dans le maniement de l’auction marketing (concept Business Montres), de goût du spectacle et de bizutage (regrettable, mais nécessaire) d’une nouvelle génération d’amateurs, qui doivent « payer pour apprendre » les lois de ce marché très spécial.
••• Alors ? Considérons donc globalement les résultats des enchères comme un indicateur supplémentaire, qui ne mérite ni l’excès d’honneur qu’on lui décerne, ni l’excès d’indignité dont on l’accable...
Actualité, 3)
••• FAUT-IL VRAIMENT DÉFENDRE UN SWISS MADE QUI A ÉTÉ TRANSFORMÉ EN PASSOIRE ?
50 %, 60 %, 80 %, 100 %, sans parler des intégristes qui en sont pratiquement à prôner le 101 % : le débat est d’autant plus abscons qu’il dévoile aux foules ébahies le fait que l’actuel Swiss Made n’est qu’un vocable qui camoufle aujourd’hui un peu trop de tricheries helvétiques sous beaucoup de turpitudes asiatiques ! L’actuelle définition du label Swiss Made, imaginée comme un rempart quand sévissait encore le mythe d’une économie administrée (plus ou moins hantée par un modèle bureaucratique de type soviétique), protège aujourd’hui davantage les tricheurs et les menteurs que les résistants aux sirènes de la délocalisation : elle contrevient de toute façon à l’esprit de la mondialisation déterritorialisée telle que la prône l’OMC, dont le siège est à Genève !
••• Alors ? Ce n’est sans doute pas en posant des rustines sur une chambre à air percée de partout qu’on redorera le blason de la place horlogère suisse : mieux vaudrait laisser les marques les plus intègres promouvoir de nouveaux labels auto-contraignants qui finiront par faire référence...
Actualité, 4)
••• NICOLAS HAYEK ÉTAIT-IL LE NAUFRAGEUR OU LE SAUVETEUR DE LA MONTRE SUISSE ?
Ange ou démon : il est encore trop tôt pour tenter un bilan définitif et crédible des années Hayek (voir cependant « Les 10 changements majeurs de l’après-Hayek » des 20 et 21 juillet derniers, ainsi que « Les 10 raisons qui feront entrer Nicolas Hayek dans l’histoire » des 30 et 31 juillet), sachant qu’on peut très bien être l’un et l’autre, ou l’un après l’autre (et vice-versa), ou encore ni l’un, ni l’autre. Admettons qu’il existe toujours une « énigme Hayek » qui défie les analyses et qui invalide les témoignages personnels historiquement datés : complexe, le (faux) débat relève donc presque du non-sens !
••• Alors ? L’axiomatique pro ou anti-Hayek repose sur des présupposés conventionnels, des hypothèses arbitraires ou des propositions infalsifiables. Laissons donc les perroquets perdre du temps avec un tel flatus vocis...
Actualité, 5)
••• QUEL EST L’AVENIR DES MONTRES MÉCANIQUES À L’HEURE DES HORLOGES ATOMIQUES ?
Surtout avec l’explosion des « outils numériques nomades » qui donnent l’heure avec une hyper-précision « satellitaire » jamais atteinte dans l’histoire des hommes ! On pourrait sans doute se passer de montres, mais certainement pas d’une affirmation de soi et d’un sémaphore (« porteur de signaux ») capable de médiatiser les multiples facettes d’une personnalité. Garde-temps, la montre est aussi un porte-drapeau de significations technico-esthétiques et historico-culturelles, voire socio-économiques, de première importance : traduction d’un « art de vivre », chaque montre/marque se flatte de renvoyer à une des multiples facettes de la perception du temps (plus ou moins dense, précis, ludique, ostentatoire ou éthique). La pauvreté sémaphorique d’une tablette numérique ou d’un terminal mobile est ici un handicap rédhibitoire...
••• Alors ? Plus personne ne croit – hormis quelques amateurs réactionnaires – que les montres servent à donner l’heure : devenues accessoires d’expression personnelle et mutées en balises identitaires, elles bénéficient d’une localisation historique et traditionnelle imprenable (le poignet). C’est un des plus géniaux concentrés de valeur et de sens jamais inventé par une civilisation : l’avenir ne fait que commencer pour les montres !
(Et toujours, pour ce qui concerne l’actualité)
••• La taille moyenne des montres masculines (et féminines) va-t-elle revenir à ce qu’elle était avant la Bulle Epoque ?
••• En a-t-on vraiment fini avec le baroquisme bling-bling des montres hyper-serties ?
••• Les Chinois – qui adorent notre verroterie horlogère – ont-ils des « goûts de ch... » en matière de montres ?
••• Le culte du moi est-il une maladie guérissable chez les grands managers de l’horlogerie ou une inévitable pandémie ?
••• Jean-Claude Biver est-il un génie de la communication ou un simple gonfleur de bulles de savon marketing ?
••• Etc.
(En conclusion, la question qui tue)
••• « Si vous n’avez pas une Rolex à cinquante ans, est-ce que vous avez vraiment raté votre vie » ?
|