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On sait un peu comment ça commence, mais on ignore comment ça évolue et on ne comprend pas encore comme ça se termine... Les mutations génétiques en coursn'en redessinentpas moins le paysage (par ordre alphabétique des mots-clés)…
•••Image ci-contre : Beach 147, de l'artiste hyperréaliste new-yorkais Hilo Chen (détail)...
1)
••• LES NOUVELLES VISIONS DE L’ART CONTEMPORAIN...
Tant les nouveaux « arts de la rue » (dans lesquels il faut inclure la publicité, le design, la mode, la bande dessinée ou même le sport) aussi bien que l’« art marchand » (galeries, enchères, musées publics ou espaces privés) révolutionnent, recyclent et reformulent en permanence notre approche de l’esthétique contemporaine. Des objets aussi chargés de significations symboliques – et de moins en moins d’utilité fonctionnelle – que les montres ne devraient pas échapper à ce rebrassage incessant des codes artistiques et graphiques, qui se trouvent dans un mode d’interdépendance perpétuellement autoentretenu. D’où, pour l’instant, l’explosion des formes et des concepts horlogers, dans une course ininterrompue à des affichages alternatifs de l’heure et à des expressions visuelles disruptives...
2)
••• LA NOUVELLE LOGIQUE D’UNE DÉSINTERMÉDIATION ACCÉLÉRÉE...
Une des caractéristiques de la post-modernité est l’effondrement des autorités surplombantes qui assuraient jusqu’ici le relais des demandes sociales (institutions, églises, partis, universités, presse écrite ou parlée, tissus industriels et commerciaux, assistances sociales, solidarités traditionnelles, etc.). La fragmentation du corps social (logique d’individualisation) s’accompagne d’une explosion de tous les réseaux « classiques », qui remet en cause toutes les certitudes précédentes. En tant que passeurs de sens, les « autorités naturelles » de l’horlogerie se trouvent aussi clairement délégitimées que les médias horlogers (foudroyés par Internet), les réseaux classiques de distribution (voir l’explosion du e-commerce) ou les grandes messes fédératrices du passé (Baselworld, SIHH). Un nouvel ordre socio-économique se cherche dans les décombres d’une désintermédiation à 360° qui rebat les cartes en piétinant les certitudes les mieux établies. On le réalise mieux tous les jours, en particulier pour l’industrie horlogère : dans le grand remue-méninges des années dix, plus rien ne sera plus jamais comme avant...
3)
••• LA NOUVELLE STRUCTURATION INDUSTRIELLE DE LA BRANCHE HORLOGÈRE...
Pour simplifier à propos de l’industrie horlogère, on peut dire que les gros sont sortis un peu plus gras de la crise, alors que les minces ont nettement maigri : les groupes se sont renforcés quand les indépendants se fragilisaient, côté marques comme chez les fournisseurs. On voit donc naître une horlogerie à deux vitesses, avec, d’un côté du diabolo [structure de marché en X], des acteurs qui pèsent toujours plus lourd et qui semblent orientés vers une logique de quantité et, à l’autre extrémité du X, des opérateurs nettement plus fragmentés qui ne peuvent plus survivre que dans une logique d’exclusivité (qualité). Les uns consolident (nous sommes clairement dans un cycle de rachats et d’agrégation autour de nouveaux pôles) quand les autres fragmentent pour mieux résister en jouant la carte du Small Is Beautiful (qui demeurent une tendance sociétale puissante : voir ci-après le facteur n° 9). C’est le retour du clivage massmarket contre niche, qui concerne les marques aussi bien que leur environnement : les fournisseurs, les médias et tous les partenaires de l’industrie des montres sont tenus aujourd’hui de se repositionner selon une de ces deux stratégies...
4)
••• LES NOUVEAUX INFLUENCEURS DE L’OPINION PUBLIQUE...
Le temps des gourous (généralement auto-proclamés) et des « grands timoniers » est-il derrière nous ? Le froncement de sourcils d’un blogueur aux antipodes peut provoquer un tsunami sur les marchés européens. Aux yeux des amateurs, les non-professionnels de l’information sur les montres tendent à devenir plus référents que la « classe parlante » issue d’une ou deux décennies d’« évangélisation » horlogère. Certes, la profession garde ses « influenceurs » (liste A et B dans Business Montres, les 5 et 6 août), mais le populisme ambiant et spontanément anti-marques qui aimante les réactions de l’opinion publique horlogère donne un pouvoir de nuisance considérable à de simples amateurs [voir le facteur n° 2 ci-dessus à propos de cette désintermédiation]. Capacité de reconnaissance ou de nuisance quasiment sans contrepartie, à analyser en termes de guerre asymétrique et de dissuasion du faible au fort : nous sommes ici parfois aux frontières du terrorisme et il conviendra de relire les travaux de Carl Schmitt sur la dialectique ami-ennemi. Seule certitude : la « reine des batailles, c’est aujourd’hui l’influence, et non plus la puissance...
5)
••• LES NOUVELLES ATTENTES DES AMATEURS DE LUXE ...
Si le luxe est éternel [des parures en coquillage datées de 100 000 ans aux néo-milliardaires russes de Saint-Tropez], ses expressions n’ont cessé de muter d’une époque à l’autre, voire d’une décennie à l’autre. Ouvertes sur une crise mondiale de la consommation qui a mis fin à la Bulle Epoque, les années dix semblent se polariser autour d’une nouvelle définition du luxe, plus intériorisée, plus expériencielle et plus en phase avec les nouvelles valeurs qui structurent l’inconscient collectif [voir ci-après le facteur de mutation n° 9]. La demande de luxe reste globalement inchangée, mais les modalités de cette quête de différenciation par l’objet sont l’objet d’une redynamisation qui énonce en les reprécisant les nouveaux codes de l’exclusivité, apparemment moins sensibles au prix qu’à la valeur et plus orientés vers l’émotion que vers la démonstration. Tendance à confirmer, évidemment, mais assez prégnante pour reformater l’offre des marques, notamment dans l’horlogerie. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’on va quitter massivement les « années Jacob & Co » pour entrer dans les « années Philippe Dufour » : la segmentation tribale des marchés rend toujours plus difficilement lisibles au quotidien ces phénomènes d’évolution/involution/révolution, qui n’en vont pas moins radicalement bouleverser les beaux-arts de la montre [objet qui synthétise le mieux le nouveau rapport personnel au luxe], dans le haut de gamme comme dans une entrée de gamme de plus en plus récupératrice en urgence des codes instaurés dans l’univers du nouveau luxe. Les attentes des amateurs sont fortes, mais elles pourraient également se voir fortement déçues [et donc se détourner de l'objet-montre] si les manufactures qui donnent le tempo à l’horlogerie se contentaient de proposer demain un luxe horloger daté d’hier dont les plus amateurs les plus avancés ne veulent déjà plus aujourd’hui...
À SUIVRE :
••• « Les 10 plus virulents facteurs de mutation génétique pour l’horlogerie des années dix » # 7/2 (seconde partie)...
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