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Les hommes et les femmes de l’été 2010 analysés par le scanner du Quotidien des Montres.
Un classement en dix coups de projecteur sur les évolutions (capricieuses) de la météo horlogère depuis le dernier solstice d’été...
DANS UN CIEL DÉFINITIVEMENT SANS NUAGES...
1)
••• NICOLAS HAYEK
Il est parti le 28 juin, mais c’était pour entrer dans la grande légende de l’horlogerie, celle que les siècles à venir écriront en se souvenant de ses grandeurs et en oubliant ses défauts, humains, trop humains. Son héritage n’est pas forcément des plus simples à gérer, mais son message d’amour des traditions horlogères et de passion pour les métiers de la montre reste le meilleur des stimulants pour toute la nouvelle génération, à laquelle il aura appris l’art de la rupture et l’audace d’entreprendre quand les pleutres se défilent [voir notre analyse sur les « 10 changements majeurs de l’après-Hayek » des 20 juillet et 21 juillet, ainsi que les « 10 raisons qui feront entrer Nicolas Hayek dans l’histoire de l’horlogerie des 30 juillet et 31 juillet]...
GRAND BEAU
(par ordre alphabétique et sans idée de classement)
2)
••• YVAN ARPA (Jacob & Co, Artya, Black Belt)
Le dernier rebond d’Yvan Arpa était une des (bonnes) surprises de l’été (révélation Business Montres du 9 août) : le voici désormais aux commandes d’une marque qui lui ressemble, dans le plaisir de contraindre les codes tout en rendant hommage aux beaux-arts de la montre. On l’attendait au tournant avec Artya, mais il a su relancer la mise (avant-première Business Montres du 27 juillet). Il prépare une nouvelle génération de Black Belt et il travaille en ghost manager pour d’autres marques. C’est le furet de l’horlogerie : on sait qu’il est passé par ici et donc qu’il repassera par là...
3)
••• JEAN-CHRISTOPHE BABIN (TAG Heuer)
Il vient d’achever un des plus road shows les plus électriques de toute l’histoire de l’horlogerie (couplage avec le roadster Tesla : analyse Business Montres du 9 mars dernier) pour accompagner les 150 ans de la marque (Odyssey of Pioneers), volant d’un continent à l’autre, de célébrité en ambassadeur, toujours avec le même enthousiasme missionnaire et la même volonté de convaincre. Il fête également cette année ses dix ans dans l’horlogerie : une vocation tardive, mais une révélation ! Toujours aussi affûté côté marketing et management, on ne le sent pas lassé et on ne l’imagine plus ailleurs qu’aux commandes d’une grande maison d’horlogerie...
4)
••• NICK HAYEK Jr (Swatch Group)
On pouvait craindre le pire avec la disparition du « Grand timonier », mais la barre était fermement tenue et le grand croiseur de l’empire n’a pas fait une embardée. Au contraire, la place « familiale » vacante au conseil d’administration a été comblée sans l’ombre d’une discussion et les différents vaisseaux de l’escadre ont affiché un (déroutant, sinon choquant) business as usual – quand on aurait attendu un minimum de réserve et de dignité dans l’administration du quotidien. Les chiffres n’ont jamais été aussi bons et le groupe jamais aussi industriellement puissant et jamais aussi bien verrouillé par son actionnariat familial de référence...
5)
••• ROMAIN RÉA (Artcurial)
En s’imposant à Monaco (un million d’euros) et à Deauville après avoir dominé la saison des enchères parisiennes, Romain Réa est en train de prouver, par ses catalogues dispersés grâce au talent de Jacques Tajan (Artcurial), que la France reste un marché de référence pour les collectionneurs de montres. Ce n’est pas encore Genève, ni New York ou même Hong Kong, mais ce n’est plus l’indigence des années précédentes : inutile, désormais, de passer clandestinement la frontière pour acheter ou vendre les grandes références de la légende Patek Philippe...
6)
••• GUILLAUME TÊTU (Hautlence)
Il a remis Hautlence sur ses rails, restructuré le stock de ses détaillants (au besoin en les rachetant), mis en place un nouvel outil de distribution (Etats-Unis avec Totally Worth It, Asie avec LuxuryConcept, plus d’importants contrats ailleurs dans le monde), il a relancé sa collection ronde en osant une pièce féminine qui semble aussi fonctionner... pour les garçons en Asie (image ci-dessus : la nouvelle HLC 03 en 41 mm, 88 pièces) et il achève la mise en point [elle fonctionne !] de la prochaine HL 2.0 présentée à Bâle et sans doute lancée en série dès la fin de l’année (concept révolutionnaire d’affichage de l’heure par chaîne et de tourbillon séquentiel à pivotement horaire). Que demander de plus ? Une nouvelle implantation pour créer un embryon de manufacture qui regrouperait machines, ateliers et bureaux : c’est pour bientôt !
VARIABLE
(par ordre alphabétique et sans idée de classement)
7)
••• ARLETTE EMCH (Dress Your Body, Swatch Group)
Celle qui avait si bien entamé – et de façon très crédible – le reformatage de Swatch et posé les bases d’une nouvelle Swatch Generation vient de trébucher sur une autre de ses passions : les bijoux et la joaillerie. Sévèrement taclée par la direction du groupe pour le rapport qualité-prix des prestations de sa manufacture DYB (Dress Your Body, pôle interne de gestion joaillière du Swatch Group), elle a perdu en Nicolas Hayek, disparu quasiment sous ses yeux, un de ses plus précieux soutiens. Elle garde néanmoins une belle marge de manœuvre grâce à Swatch et aux montres CK...
8)
••• MARC HAYEK (Blancpain)
Le futur héritier de l’empire, qui se prépare à intégrer le « saint des saints » à la direction du groupe, doit se méfier de ses propres amis et d’une amorce de « culte de la personnalité » qui leur a fait publier 16 photos de lui (pour seulement 8 visuels de montres sur 88 pages : indiscrétion Business Montres du 30 juillet, info n° 1) dans une même magazine corporate. Qu’est-ce que ce sera quand il aura le contrôle effectif du pôle luxe des marques du Swatch Group (Breguet, Jaquet Droz, Glashütte Original, en plus de Blancpain dont il est déjà responsable) ?
AVIS DE TEMPÊTE
(par ordre alphabétique et sans idée de classement)
9)
••• MATHIAS SCHULER (Roger Dubuis)
Rien ne va plus pour la manufacture fondée par Carlos Dias et revendue par lui à Richemont dans un climat d’urgence qui visait avant tout à sauver l’outil industriel d’une déconfiture annoncée. En dépit de tous ses efforts, Mathias Schuler (ex-IWC) n’a pas vraiment réussi à convaincre les marchés et les amateurs de refaire confiance à une marque qui n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était, tant sur le plan créatif [on repète, on remâche et on recycle à l’infini les mêmes codes, qui commencent sérieusement à dater] que sur le plan marketing [les incantations sur le retour du beau temps commencent à n’être plus crédibles]. Chiffre d’affaires en chute libre, fiabilisation industrielle toujours pas cohérente et management fort peu charismatique : un cycle infernal de destruction de valeur. Alerte rouge !
10)
••• ALAIN ZIMMERMANN (Baume & Mercier)
Le groupe Richemont aura vraiment tout tenté pour le sauvetage d’une marque qui fut magnifique, mais qui n’est plus que l’ombre d’elle-même. Si Alain Zimmermann (ex-IWC venu remplacer Michel Nieto : révélation Business Montres du 22 septembre 2009) n’a pas démérité, il n’a pas non plus réussi à donner à la Belle au Bois dormant le baiser capable de la réveiller. On peut d’ailleurs se demander qui aurait pu réussir cette mission impossible qu’est la relance d’une marque moribonde dans un groupe de luxe qui ne connaît que la culture du succès commercial et qui n’a aucune pratique stratégique de la prise de risque préalable à toute refondation radicale. En attendant, Baume & Mercier agonise, les équipes se démotivent et les marchés désespèrent. A quand le coup de bistouri porté par Johann Rupert ?
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