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Parmi les nouvelles marques les plus suisses de cette rentrée, Arcadia est une des plus attendues, ne serait-ce que par la (forte) personnalité de son (re)créateur : Claude Sanz, le maître gemmologue des ateliers Bunter...
1)
••• UNE NOUVELLE CHANCE
POUR UNE MARQUE NAUFRAGÉE PAR LA RÉVOLUTION DU QUARTZ...
Redonner vie à une marque disparue ou mettre toutes ses forces dans l’invention d’un nouveau nom ? Eternel débat, qui s’impose à tous les jeunes entrepreneurs de l’horlogerie : impossible de trancher, les combattants tombés au champ d’honneur de la création étant aussi nombreux dans un camp que dans l’autre.
••• Claude Sanz, figure bien connue des coulisses de l’horlogerie (il dirige la célèbre manufacture joaillière Bunter, qui crée et sertit pour les plus grandes marques de la place), est sans doute un grand capitaine d’industrie, mais c’est aussi un grand sentimental. Il a racheté, il y a quelques années, une marque suisse en déshérence : Arcadia, maison née en 1830, qui était restée active jusqu’à la grande crise du quartz. A sa grande époque, Arcadia disposait de ses propres mouvements et proposait des catalogues d’une profondeur non négligeable.
••• Arcadia, pourquoi faire ? Réponse de Claude Sanz (image ci-dessus) : « Sans ces grands anciens, aucun de nous ne serait là. C’est sur le socle de leur tradition – et de tout ce patrimoine qui tend à sortir de nos mémoires – que nous avons pu reconstruire l’horlogerie mécanique après le tsunami de l’électronique venue d’Asie. J’ai commencé par racheter quelques Arcadia ici et là, ou même sur eBay, puis des catalogues (trouvés jusqu’au Caire), puis d’autres pièces encore. Jusqu’à ce que l’envie me démange trop de créer une collection très courte en hommage à cette maison » oubliée...
••• Ce sera donc « Arcadia Genève », puisque la manufacture Bunter est logée dans une magnifique maison fortifiée du XVIIe siècle, à Versoix, aux portes de Genève. C’est d'ailleurs la troisième maison la plus ancienne de tout le canton : en 1643, elle était du côté français de la frontière ! L’ancienne marque Arcadia était de Fleurier, mais son nouveau berceau sera sur les berges de la Versoix et elle profitera de toute l’infrastructure Bunter : Claude Sanz ne l’avoue pas facilement, mais c’est aussi parce qu’il avait « tout sous la main, une dizaine de métiers de base, de l’infographie au T2 horloger, de l’idée à la réalisation du boîtier final » qu’il a pu mener à bien cette renaissance aux ambitions pour l’instant très modestes. 275 pièces pour commencer...
2)
••• L'ESPRIT CONTEMPORAIN D'UN CHRONO ROND DANS UN CORPS CARRÉ...
Hommage à une grande maison du passé, donc. Mais sous quelle forme ? Un chronographe « sandwich » à carrure titane et pièces acier, de forme coussin (carré cambré) et de dimensions raisonnables [au regard des usages contemporains]. Mouvement : Dubois Dépraz (module chrono sur base ETA, avec GMT). Coquetterie d’initié : un masse en or personnalisée.
••• Style général (image ci-dessus) : très contemporain, tonalité noir/blanc/métal clair, avec des vis personnalisées (c’est la mode et on en compte ici trois par corne, c’est-à-dire 12 pour attacher le bracelet à la montre !), un cadran complexe multi-couches, un verre saphir à facettes, de la fibre de carbone et, surtout, un double aiguillage assez amusant (aiguille courte/aiguille longue) pour l’indication du second fuseau horaire à 12 het pour l’indication des heures du chronographe à 6 h. A noter : les poussoirs largement intégrés dans la carrure, ce qui permet d’en effacer l’habituel décalage avec la couronne [encore que Dubois Dépraz dispose désormais d'un système de renvois qui permettent d’aligner poussoirs et couronne sur un même plan]...
••• Le packaging est assez rigolo, surtout quand on se souvient que Bunter avait créé, pour Jacob & Co, un des plus stupéfiants écrins de ces dernières années : celui de la Quenttin, dont le couvercle se soulevait lentement en musique avant de se refermer sur le dispositif de remontage de la montre qui proposait 31 jours de réserve de marché. Avec Arcadia, ce sera plus modeste, mais pas forcément moins inventif : une trousse de voyage zippée (style iPhone) qui contient la clé USB d’identification de la montre (avec manuel d’utilisation, garantie et « carnet de vie ») et le correcteur pour le quantième.
••• Prix public annoncé au-dessous des 10 000 CHF, ce qui n’est pas donné pour un mouvement modulaire, mais Claude Sanz a déjà les yeux qui brillent en songeant qu’il pourrait rééditer certains mouvements historiques d’Arcadia. Il a quasiment tous les outils dont il aurait besoin à portée d'établi (notamment son parc de CNC, très riche pour une manufacture de cette taille) pour s’offrir ce luxe. Lequel luxe ne serait après tout – c’est l’esprit même de la nouvelle vie offerte à Arcadia – qu’un retour à cette tradition des micro-manufactures d’un passé qui ne doit pas passer dans l’oubli...
••• Et in Arcadia Ego ! Clin d'oeil pour les amateurs d'énigmes historiques et les lecteurs du Da Vinci Code, auxquels on ajoutera désormais les passionnés de montres...
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