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Les montres de collection sont-elles un nouvel Eldorado financier ? (seconde partie : les raisons...
 
Le 08-10-2010
de Business Montres & Joaillerie

Signalé par Business Montres (22 septembre), le retour des fonds d’investissement sur le marchéde la montre de collection devrait faire bougerles lignes.

Le fonds « Precious Time » se lance pour investir en montres exceptionnelles.

Après les bonnes raisons d’avoir confiance dans cette initiative, quelques non moins bonnes raisons de rester méfiant…


4)
••• LE MARCHÉ DES MONTRES DE COLLECTION EST TOUT SAUF TRANSPARENT...

C’est un marché relativement jeune (à peine plus de trente ans) et pas encore mature, avec très peu d’animateurs : musées des marques dont les achats sont par nature sélectifs, une poignée de maisons d’enchères et quelques dizaines de grands acheteurs (marchands officiels ou acheteurs privés), collectionneurs renommés et spéculateurs). On y compte encore moins d’experts qualifiés : une dizaine au mieux font référence à travers le monde). Les volumes économiques restent modestes : guère plus de 500 millions de dollars par an pour les 10 000 à 15 000 montres dignes d’être collectionnées à titre d'investissement (hors déstockages d’occasions)...

••• L’activité est jusqu’ici concentrée sur quelques places commerciales consacrées par la tradition : Genève, New York, Hong Kong et, dans une moindre mesure, Paris, Londres ou Dubai. Une tendance à l’ouverture vers l’Asie se manifeste, mais elle reste embryonnaire : la Chine s’ouvre à peine aux ventes d’enchères de montres, même si 40 % à 50 % des ordres passés en salle des ventes ont une origine chinoise ou péri-chinoise. De même, les grands marchands (en boutique ou en chambre) restent localisées en Europe et aux Etats-Unis...

••• En revanche, ce marché reste peuplé d’une extraordinaire densité de margoulins, de tricheurs, de faussaires, de bidouilleurs et de spéculateurs sans feu, ni lieu, qui achètent ici pour revendre là des pièces loin d’être toujours nettes, ne serait-ce que parce que les marques n’ont généralement pas d’experts maison capables de les vérifier attentivement [y compris quand elles délivrent des « extraits d’archives » qui n’engagent personne, sauf ceux qui les prennent pour des certificats d’authenticité]. Ceci tout au long de la chaîne et pour toutes les gammes de prix...



5)
••• LES ÉVOLUTIONS DU MARCHÉ DE LA COLLECTION RESTE IMPRÉVISIBLE...

Premier fait marquant : les grands musées – qui avaient animé le marché lors de la récente « bulle horlogère » – ont à peu près cessé d’acheter, hormis quelques pièces exceptionnelles qui leur manquent encore. Il se murmure même que des restructurations de collection sont en cours dans ces musées de marque, avec le recours sur le marché de pièces « mal achetées ».

••• Le marché risque d’être alimenté – pas dans le bon sens – par le désinvestissement « générationnel » de collectionneurs réputés, qui préfèrent réinvestir leurs fonds dans de nouvelles passions ou tout simplement « rester liquides » au vu des incertitudes de la conjoncture économique. Ceux qui avaient créé ce marché en Europe sont en train de l’abandonner, sans qu’on sache encore si les nouvelles fortunes établies dans les pays émergents ont la volonté et le désir de prendre le relais. Une évolution est inévitable, mais il est loin d’être évident de prévoir dans quelle direction elle se fera et quelles montres se trouveront survalorisées (nouveau goût pour l’émail et la décoration, pièces « conceptuelles », objets du temps historiques, séries limitées contemporaines, etc.) : on continuera sans doute à aimer les belles montres, mais sans doute pas les mêmes marques, ni les mêmes mécaniques...

••• Facteur encourageant : la demande asiatique dope actuellement le marché, en se focalisant sur les marques les plus connues et les valeurs les plus reconnues. Prudence de néophyte, qui devrait pousser à la hausse les pièces les plus exceptionnelles et abandonner aux « amateurs » quelques « pépites » délaissées par les « investisseurs ». Ce brouillage des repères est favorisé par l’immaturité d’un marché pour lequel on manque de références solides, d’abaques faisant autorité, de cours établis dans la durée et de tables actuarielles fiables...



6)
••• LES FAIBLESSES DU MODÈLE ÉCONOMIQUE DE L’INVESTISSEMENT COLLECTION...

15 % de rentabilité annuelle pour un fonds d’investissement en montres de collection : même en jouant le long terme, c’est le minimum qu’on puisse exiger de tout fonds quand on est un banquier, un chargé de mission dans un family office ou un amateur éclairé passionné de montres. Les taxes étant ce qu’elles sont sur le marché des enchères [à peu près 30 % entre l’achat et la vente de la montre], il faudrait pratiquer que le prix (la valeur) de la montre double en moins de cinq ans pour réaliser un profit : en trente années d’expérience, le marché des enchères horlogères n’a jamais enregistré une telle performance moyenne ! Rentabilité des montres de collection ? Oui, sans doute, mais sur quinze ans, voire sur une génération ! C’est encore plus vrai pour les séries limitées contemporaines réputées comme collectors

••• L’achat de gré à gré, entre le fonds et un collectionneur, présente moins de risques apparents, puisqu’on y efface les taxes, le vendeur ayant en quelque sorte « amorti » ses commissions d’achat. Sauf que le risque est ailleurs : dans la pièce elle-même [voir ci-dessous] et dans les motivations du collectionneur vendeur [on sait les risques de blanchiment d’argent liés aux montres de collection], surtout s’il a un intérêt à « liquéfier » sa collection en l’intégrant dans un fonds d’investissement qui en sanctuarise la valeur...



7)
••• LE PRIX D’UNE MONTRE DE COLLECTION EST UN IMPONDÉRABLE ÉCONOMIQUE...

Reste que la valeur réelle d’une « montre de collection » est une boîte de Pandore que personne ne se risquera à ouvrir en milieu professionnel : il n’est jamais sain que les experts soient aussi les marchands en même temps que les vendeurs ou les acheteurs. Que de pièces manifestement fausses, bidouillées ou « pas bonnes » dans les collections les plus officielles : on rappellera ici l’affaire de la fausse Patek Philippe réf. 2499 levée dès le 26 mai par Business Montres (info n° 1). Il s’agissait tout de même d’une maison réputée, Ineichen Zürich, et d’une montre estimée entre un million et un million et demi de francs suisses. Il avait fallu que Business Montres (27 mai) raconte le « gang des pastiches indiens » pour qu’Ineichen consente à consulter Patek Philippe, puis à retirer la montre de vente et... la rendre au vendeur, qui la replacera dans un catalogue à la première occasion...

••• « C’est pas moi, c’est l’autre », jurent la main sur le cœur les commissaires-priseurs et les marchands les plus réputés. Emouvant, mais insuffisant pour décerner à toute montre de collection passant sur le marché – aux enchères ou en transaction amiable – une valeur estimable et traçable dans le temps. Aucune montre ne se ressemble, même à référence identique, parce qu’aucune n’a la même histoire, ni le même destin matériel (réparations, conditions de porter, lieu de « vie » et d’exposition, etc.). La montre de collection n’est pas un bien consommable comme les autres...



8)
••• LE FACTEUR CONFIANCE PERSONNELLE S’AVÈRE DÉTERMINANT...

De même que la confusion vendeur/acheteur/expert n’est pas un facteur de transparence, on peut se poser des questions sur les animateurs du fonds d’investissement « Precious Time ». Le facteur personnel est déterminant sur un marché dominé par des valeurs émotionnelles et irrationnelles : on sait que l’heure est partout et que personne n’a besoin de montre [à plus forte raison de montre mécanique de collection]. Sans faire de procès d’intention aux uns ou aux autres, le fait que le gérant, Alfredo Paramico, soit un collectionneur bien connu, qui gère déjà les investissements horlogers de son clan familial napolitain, est un biais possible qui introduit le doute. Les intérêts d’un amateur passionné ne sont pas forcément ceux d’un investisseur lucide, d’autant qu’il y a des risques de prise en compte d’intérêts parallèles...

••• De même, les fonctions officielles – commissaire-priseur – de Nicolas Mauboussin peuvent troubler l’intelligence de sa perception du marché. « Officier ministériel » selon les lois françaises, il se refuserait évidemment à couvrir des manœuvres douteuses, mais la « chasse aux grands collectionneurs » est un facteur de surenchère non négligeable entre un fonds d’investissement, un auctioneer et un marchand. On sait trop l’attraction irrésistible du côté obscur de la force – et on en a trop vu dans les coulisses des enchères horlogères – pour rester naïf au sujet de proximités gênantes ou de dérives contaminantes...

••• Même avec la plus extrême volonté de transparence, que d’opacités potentielles, qui réclameront des gestionnaires de ce fonds une rectitude morale absolue ! Personne ne met la leur en doute, mais cet aspect sera déterminante pour le succès de leur entreprise...

 



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