|
Moins d’un an et demi après sa démission surprise de Concord et son atterrissage chez TechnoMarine, Vincent Perriard reprend sa liberté.
Business as usual pour TechnoMarine.
Avis de grand frais pour Vincent Perriard, qui est à la croisée des chemins...
1)
••• VINCENT PERRIARD ABANDONNE
LA DIRECTION DE TECHNOMARINE...
La nouvelle fera sans doute beaucoup causer dans le Landerneau horloger, mais moins de dix-huit mois après la révélation par Business Montres (10 juin 2009) du départ de Vincent Perriard chez Concord et de son arrivée chez TechnoMarine, le plus remuant des jeunes managers horlogers reprend sa liberté, semble-t-il en accord avec Christian Viros, le principal investisseur dans la relance de TechnoMarine, qui reste donc seul maître à bord (sans transition : Vincent Perriard vient en effet de quitter l’entreprise)...
••• RAISONS OFFICIELLES ? Une fois de plus, la logomachie corporate et le culte des bienséances médiatiques feront évoquer les fameux « projets-personnels-de-développement » [il suffit d’y croire au pays des Bisounours] ! Peut-être même qu’on ira jusqu’aux non moins fameuses « divergences-sur-les-orientations-stratégiques-de-l’entreprise ». On se gardera en tout cas d’évoquer – sauf dans Business Montres – le choc des personnalités, peut-être même le poids des égos [mais l’explication ne tient guère la route], et le désamour qui s’est installé, après une longue lune de miel, entre Christian Viros et Vincent Perriard, qui ne se comprenaient plus. Encore un drame de l’incommunicabilité...
••• RAISONS OFFICIEUSES ? Contrairement à l’épisode précédent (Concord), il sera difficile de reprocher à Vincent Perriard un désastre économique. D’une part, parce qu’il n’est là que depuis dix-huit mois et que c’est un délai trop court pour dresser un bilan éloquent. D’autre part, parce que le chiffre d’affaires – tel qu’il a été présenté aux banquiers et aux investisseurs – affiche à peu près 34 % d’augmentation en 2010 (par rapport à 2009) et que 200 points de vente ont été ouverts sur huit marchés. Ce qui n’était pas arrivé depuis le rachat de l’entreprise par Christian Viros, en 2006 ! Disons que Vincent Perriard était sans doute un bien meilleur communicant qu’un bon comptable et qu’il exerçait sans doute mieux le métier d’agitateur d’idées que celui de générateur de budgets annuels bien léchés. L’ambiance start-up – le kibboutz créatif – n’est pas toujours de mise dans des structures plus évoluées, qui réclament un management plus serré et moins « poétique »...
2)
••• UNE BOUGEOTTE CRÉATIVE GÉNÉRÉE PAR UN IMPÉRATIF ÉNERGÉTIQUE...
Vincent Perriard est-il le dépanneur de service, le fusible dont on peut se passer dès qu’il a donné satisfaction ? L’analyse serait un peu facile, même si on ne peut s’empêcher de rapprocher le dossier Concord du dossier TechnoMarine : même mission de catalyseur d’énergies, même impératif de blitzkrieg marchande et mêmes postures de « faiseur de pluie ». Peut-être était-ce une erreur de casting ! Côté TechnoMarine, de vouloir lui faire reprendre ce rôle. Côté Perriard, l’erreur aura été d’accepter d’enfiler à nouveau ce costume de Superman un peu élimé aux manches...
••• INSTABILITÉ OU INTÉGRITÉ ? On peut effectivement se poser la question avec ce ludion (en physique, « objet ludique pour tester la résistance à la pression » !) de l’horlogerie créative qu’est Vincent Perriard. Instabilité chronique si on admet que deux postes de CEO en dix-huit mois, c’est sans doute un de trop. Ce n’est sans doute pas le meilleur moyen de prouver qu’on a en soi la constance, l’obstination, la force de caractère et la résilience que réclame toute navigation horlogère en haute mer. Intégrité foncière si on prend pour principe qu’on ne doit jamais déroger aux règles éthiques qu’on se donne et qu’il vaut mieux perdre son salaire [surtout s’il est très élevé] que son âme – si tant est que celle-ci soit engagée dans des histoires de PNL et de reporting mensuel...
••• LE COURAGE EST ÉVIDENT, surtout en temps de crise et d’incertitudes économiques. Plus d’un investisseur hésitera désormais à s’adjoindre sans trembler les services d’un Vincent Perriard, mais d’autres investisseurs seront au contraire séduits par cette intransigeance morale qui ne compose pas avec les règles habituelles du carriérisme opportuniste. Avec une inquiétude sourde au fond du cœur : Vincent Perriard est-il un serial sniper du management ou un vrai capitaine au long cours ?
••• L’UN COMME L’AUTRE des deux protagonistes (Christian Viros et Vincent Perriard) ont préféré prendre les devants plutôt que de gérer dans le pourrissement une situation conflictuelle aussi gênante pour l’équipe que préjudiciable aux intérêts de la marque. L’apport énergétique d’un Perriard avait arraché TechnoMarine à son ornière, mais on est loin d’avoir atteint la vitesse de croisière espérée pour 2011. D’autant que Vincent Perriard ne part pas seul. Avec Christian Viros à la manœuvre, la barre a été reprise de main ferme, mais tout dépend à présent du prochain directeur général...
3)
••• ET MAINTENANT, QUE VONT DEVENIR TECHNOMARINE AUSSI BIEN QUE VINCENT PERRIARD ?
Bonnes questions, qui n’ont pas encore de réponse, mais Business Montres vous en dira plus ces jours-ci... Côté TechnoMarine, avec le calme des vieilles troupes, Christian Viros a retroussé ses manches d’investisseur pour retremper les mains dans le cambouis du quotidien : ce day-to-day business – dont il a perdu l’habitude – lui fera sans doute découvrir que Vincent Perriard, tous comptes faits, n’était pas forcément un aussi mauvais manager que le board voulait bien le croire et qu’il laisse des comptes relativement en ordre et une maison lancée sur des rails relativement bien posés. Les boulons à resserrer ne manquent pas, d'autant que le chantier Perriard est loin d’être terminé. Reste à savoir si l’actuel projet de TechnoMarine 2.0 et les différents concepts de rupture qui étaient « dans les tuyaux » pour générer un buzz médiatique sont gérables sans une personnalité comme Vincent Perriard. L’essentiel est aujourd’hui que les collections lancées à Baselworld se vendent bien et que les prochaines soient disponibles à temps pour 2011...
••• EN BON ÉLECTRON LIBRE, Vincent Perriard ne part sans doute pas sans biscuits – entendez par là sans un projet de (re)construction de marque. Plusieurs projets de lancement ou de relance d’une « marque historique » hantent actuellement les antichambres genevoises, plus ou moins pilotés par des fonds d’investissement et de private equity pour lesquels la Bulle Epoque est loin d'être dégonflée. Vincent Perriard pourrait également faire le bonheur d’une marque qui aurait l’intelligence de le cadrer pour recycler avec profit ses fulgurances créatifs et son charisme verbo-moteur : l’apprentissage du second rôle dans une maison de premier plan est toujours une étape décisive dans une carrière...
|